Etude
Selon l’étude exclusive «Luxury Trend Report» de l’Ifop, les leviers de croissance du secteur se déplacent. L’enjeu est moins la conquête de nouveaux marchés que la transformation digitale et l’e-commerce.

Le marché des produits personnels de luxe – maroquinerie, mode, horlogerie, joaillerie, parfumerie et cosmétique – atteindra 253 milliards d’euros en 2015. Soit une croissance de 13% à taux de change courant, mais seulement de 1 à 2% à taux de change constant (contre 3% en 2014 et 7% en 2013), selon l'étude de référence de Bain & Company publiée en novembre. Le ralentissement de l'économie chinoise, les nouvelles destinations choisies par les touristes consommateurs de luxe pour bénéficier des meilleurs prix, tout comme la volatilité du marché des devises vont avoir un impact négatif sur le marché du luxe, estime le cabinet. L’émergence du commerce en ligne (qui a doublé en un an, à 7% de parts de marché) et du tourisme mondial, en créant une transparence accrue sur les prix, met également à mal, selon Marc-André Kamel, associé de Bain & Company à Paris, les tactiques de hausse des prix des marques, qui vont devoir restaurer la confiance de leurs clients.

Dans ce contexte, l'Ifop publie la cinquième édition de son étude «Luxury Trend Report», en exclusivité pour le Grand Prix du luxe Stratégies-Amaury Médias. Fin novembre, l’institut a interrogé 282 professionnels du luxe, chez l'annonceur ou en agence, sur l’avenir et les enjeux du secteur. «On sent une crispation chez ces professionnels. L’inquiétude se consolide avec un sourire inquiet à 46% et une grimace à 13% [5% en 2013], commente Stéphane Truchi, président de l’Ifop. Le franc sourire arboré par 40% des sondés en 2012 ne dépasse pas 9% en 2015. Et pour la première fois, seuls 45% d’entre eux, donc moins de la majorité, sont optimistes concernant l’avenir de leur secteur, contre 55% en 2014.»

Déplacement des leviers de croissance

«Comme l’an passé, l'inquiétude est liée à la situation des pays émergents, qui se dégrade», note Marc Gicquel, directeur du département luxe de l'Ifop. Ainsi, la Chine, 2e marché mondial du luxe et «stratégique» pour 62% des sondés, perd toutefois 10 points en un an sur cet item. Les Emirats arabes, «stratégiques» à 56%, chutent de 14 points. Idem pour le Brésil, qui n’est plus considéré comme stratégique. «On assiste à un retour des marchés traditionnels et matures, avec le Japon, qui redevient le 3e marché mondial du luxe, et les Etats-Unis, premier marché «très stratégique», et une Europe stable» observe Stéphane Truchi. La France, premier marché mondial du tourisme de luxe, soutenu par la dynamique des clients étrangers, est considérée comme «stratégique» pour 48% des sondés, et gagne 10 points.

«Les leviers de croissance se déplacent, poursuit le président de l’Ifop. L’enjeu est moins la conquête de nouveaux marchés, cité par 12% des sondés, en recul de 15 points, que le développement du business via le commerce digital, cité par 27% des sondés, en hausse de 10 points en un an.» La transformation digitale de l’entreprise est désormais le premier des enjeux cité par les professionnels du luxe (39%, +14 points). Suit le CRM (37%). L’innovation produit, 3e enjeu, reste majeure, mais cède sa première place (36%, –7 points). Idem pour le «made in», qui perd 8 points, et la lutte contre la contrefaçon, en recul de 12 points. Transformation, e-commerce, communication digitale ou déploiement sur le social media, le réveil digital a sonné.

Multicanal et big data encore mal maîtrisés

Mais, de l’aveu des professionnels, beaucoup reste à faire: un tiers des marques de luxe n’a pas de site marchand. Les marques qui ont une stratégie digitale considèrent avoir bien intégré la communication digitale via leur site web (à 79%) et les réseaux sociaux (à 60%) pour créer du lien avec les clients, mais ont encore du chemin pour le volet commercial, c’est-à-dire l’intégration de l'e-commerce, la maîtrise de la relation digitale avec leurs clients, le digital en point de vente ou encore le m-commerce, où elles sont inexistantes. «Un handicap notamment pour le marché  chinois, selon Stéphane Truchi, où les jeunes achètent des produits de luxe via leur mobile.»

Si l’e-commerce est bien perçu comme un accélérateur de trafic dans les boutiques, le point de vente, lui, est appréhendé comme un lieu stratégique pour enrichir l’expérience client de manière unique et plus globale, avec davantage de services, d’individualisation dans la relation client et d’interactions avec les canaux digitaux. Sur ce dernier point, les professionnels estiment que 35% des marques de luxe maîtrise l’omnicanal, c’est-à-dire la cohérence, la fluidité et la complémentarité des différents canaux. Et que seulement 27% sont bien organisées pour gérer et utiliser les datas clients. La feuille de route est tracée.

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