Le légendaire pessimisme des Français aurait-il encore sévi ? Dans la dernière édition de l'enquête mensuelle «Le rendez-vous de l'innovation» menée par l'institut Odoxa (voir méthodologie), si nos compatriotes pensent très majoritairement (88%) que l'innovation joue un rôle important pour développer la croissance et l'emploi, ils sont en revanche 58% à estimer que la France ne favorise pas l'innovation. Bien loin des scores enregistrés pas nos voisins Allemands et surtout Britanniques, les premiers estimant que leur pays favorise l'innovation à 53% et les seconds à 73%.
«Au-delà du regard très critique que posent généralement les Français sur leur propre pays, la comparaison avec la Grande-Bretagne, par exemple, souligne aussi combien il est important pour un pays de montrer des signaux sur la place et l'importance qu'il accorde à l'innovation», commente Gaël Sliman, président d'Odoxa. Les études sur les pays les plus innovants semblent corroborer ce manque de confiance et... de communication.
Ainsi, dans la liste des pays les plus innovants dans le monde établie en début d'année par le groupe Bloomberg d'après six paramètres (recherche et développement, production à haute valeur ajoutée, entreprises de haute technologie, éducation supérieure, personnel de recherche et nombre de brevets déposés), la France arrive en 8ème position derrière l'Allemagne (3e) mais devant la Grande-Bretagne (9e). L'Hexagone pointe même au troisième rang mondial derrière le Japon et les États-Unis pour le nombre d'entreprises et organismes innovants, selon un autre classement publié en 2015 par le groupe Thomson Reuters et prenant en compte les brevets déposés et leurs applications.
La French Tech, exemple à suivre
«C'est une réalité: aucun autre pays au monde que la France depuis un siècle n'a produit plus d'innovations fondamentales ayant changé le quotidien des gens», confirme Philippe Lentschener, fondateur de Beauworld Advisory et ancien président de la mission gouvernementale «Marque France» en 2013, «mais notre problème est le lien entre la recherche et le commercial». Un avis partagé par Marianne Hurstel, vice-présidente de BETC et coordinatrice de l'étude «France Forward» sur la perception du «made in France» à l'étranger: «Cette capacité à transformer la vie des gens n'est pas perçue car elle n'est pas exploitée. Nos chercheurs sont meilleurs que nos marketeurs.»
Pourtant, quand l'État notamment fait l'effort de soutenir un secteur économique et surtout de communiquer à son sujet, l'impact auprès du public se fait vite sentir. L'exemple de la mobilisation des autorités publiques autour des acteurs du numérique via le label «French Tech» en témoigne. «La France est un pays légitimiste à l'économie régalienne où la puissance de l'image publique prime», analyse Philippe Lentschener.
Créer de nouveaux usages
Ce n'est donc pas le nombre de brevets déposés qui assure une image d'innovation, comme le montre l'étude Odoxa qui a établi son palmarès des entreprises françaises les plus innovantes à partir des dix sociétés ayant déposé le plus de brevets en 2014 selon l'Inpi. Alors que le secteur automobile est de loin celui qui dépose le plus de brevets, il n'arrive pourtant qu'en dernière position des domaines d'activité jugés les plus innovants par les Français. Loin derrière le secteur des logiciels, des applications pour micro-ordinateurs et internet (la puissance des Microsoft, Facebook et autre Google n'y est évidemment pas étrangère) mais aussi de l'industrie et de l'énergie ou même de la santé (cf. l'actualité autour du cœur artificiel Carmat et de la santé connectée).
Côté entreprises, Airbus est de loin celle qui est jugée la plus innovante, bénéficiant sans doute de la couverture média autour de son duel avec Boeing. Le n°2, ST Microelectronics, surfe lui sans doute sur son nom, promesse d'innovation. Quant à Orange, qui se hisse à la 4e place, sa position de leader historique et le récent feuilleton autour du rachat de Bouygues Telecom l'ont sans aucun doute porté. «Pour le public, les marques les plus innovantes sont Google, Facebook, Uber, Airbnb ou Apple. La plupart d'entre elles n'ont pas réellement créé d'innovations au sens technique du terme mais plutôt des innovations d'usage, un train que les entreprises françaises ont laissé passer...», constate Marianne Hurstel.
Méthodologie
Enquêtes réalisées par l'institut d'études Odoxa pour Stratégies, Microsoft, 01 net, L'Usine nouvelle et BFM Business, auprès de Français interrogés par internet les 24 et 25 mars 2016 et d’Européens du 19 au 25 février 2016, soit un échantillon de 1 003 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus et d'un échantillon de 4 227 Européens (Français, Britanniques, Allemands, Espagnols et Italiens) représentatif des populations âgées de 18 ans et plus de chacun de ces pays.
