Microsoft s’offre une seconde chance dans le mobile

Une demi-surprise, mais une petite bombe dans un secteur mobile en pleine ébullition. Le groupe Nokia, ancien numéro un mondial des mobiles, ne fabriquera plus de téléphones pour ne conserver que ses activités de services, dont sa division de cartographie et de géolocalisation et la construction de matériels pour opérateurs de réseaux. Lundi 2 septembre, Microsoft a annoncé qu'il rachetait la division mobile du constructeur finlandais, pour 5,44 milliards d'euros, à savoir l'activité de conception de téléphones mobiles, la marque Nokia et ses brevets pour dix ans. Les 32 000 salariés de la branche mobile du groupe finlandais vont rejoindre les équipes de Microsoft. Contactée par Stratégies, Nokia France ne souhaite pas commenter l'acquisition, prévue pour début 2014, tant qu'elle n'est pas finalisée.

En fait, les deux entreprises avaient déjà noué des liens. Depuis deux ans, à la suite d'un partenariat stratégique, Nokia utilisait exclusivement Windows Phone comme système d'exploitation (OS) sur ses smartphones, délaissant son OS historique, Symbian. En 2010, le groupe finlandais s'était aussi tourné vers Microsoft pour recruter son nouveau président-directeur général, Stephen Elop, alors patron de la division business du géant de Redmond (Etats-Unis). Celui-ci rejoindra son ex-employeur dès début 2014 pour prendre la tête de la division mobile et pourquoi pas succéder à Steve Ballmer, dont le départ à la tête de Microsoft est programmé pour l'an prochain.

Loin derrière les concurrents

Ce rachat est inespéré pour Microsoft, qui a raté le virage des mobiles, se faisant distancer par Apple, Samsung et Google. Son partenariat avec Nokia n'a pas suffi à imposer son OS Windows Phone. En Europe, il ne représente que 11% des ventes au second trimestre, 62,5% étant sous Android (Google) et 17,3% sous IOS (Apple), d'après Kantar. Le bilan est encore plus accablant au niveau mondial. Windows Phone ne représentait que 3,7% des OS pour smartphones au second trimestre, loin derrière les 79,3% d'Android et les 13,2% de l'IOS.

Mis à part son partenaire Nokia, aucun constructeur n'a adopté massivement Windows Phone. LG, HTC, ZTE, Samsung... se contentaient de proposer quelques modèles de smartphones sous Windows Phone. «Android est le standard mondial. 80% de nos smartphones et l'ensemble de nos tablettes en sont équipés. LG ne veut pas adopter un système d'exploitation propriétaire», précise ainsi Patrick Chardin, directeur général de LG France.
Le pari de Microsoft n'est pas gagné. Si Lumia, la gamme de smartphones haut de gamme de Nokia, connaît un succès d'estime parmi les experts, par son design et ses innovations techniques, elle ne s'est pas imposée comme «blockbuster» face aux Iphone et autres Galaxy. Avec seulement 6,6 millions de Lumia vendus dans le monde au deuxième trimestre, la marque est bien loin des 71 millions de smartphones vendus sur la même période par Samsung. A noter que Nokia a disparu en 2012 du classement Brand Z des cent marques les plus valorisées, selon Millward Brown.
Or le géant des logiciels a lui-même failli sur un autre marché tout aussi stratégique, celui des tablettes en ne vendant que 1,2 million de modèles de sa Surface au premier semestre 2013, contre 34,1 millions d'Ipad. Du coup, Microsoft a dû consentir des rabais sur ses prix. Le lancement probable, le 23 septembre, d'une nouvelle tablette Surface a ainsi tout d'une opération de la dernière chance.

Le smartphone, vecteur de vente

Mais avec Nokia, Microsoft s'offre une large palette de produits, des smartphones haut de gamme Lumia à ceux d'entrée de gamme Asha destinés aux pays émergents. «De l'Afrique à l'Inde, Nokia reste très puissant. Et à l'avenir, il y aura d'importants besoins en smartphones bon marché, pour accéder à l'Internet mobile», estime Virginie Lazès, directrice associée de la banque Bryan, Garnier&Co. D'ailleurs, des constructeurs comme Samsung et ZTE ont commencé à attaquer ce marché.
Autre atout, «la marque Nokia garde une très forte notoriété dans l'univers mobile. Or, le vecteur de vente reste le smartphone, la marque de mobile et non le système d'exploitation. Avec cette acquisition, Microsoft va pouvoir communiquer sur la marque Nokia», estime Mathieu Drida, PDG de Meilleurmobile.com, comparateur de mobiles. Avec à la clé, les énormes moyens marketing du groupe américain.
Enfin, avec ce rachat, Microsoft adopte un modèle similaire à celui d'Apple en intégrant matériel, logiciels et services mobiles. «Le marché a changé. Des acteurs couvrent désormais le logiciel et les produits, comme Google avec Android et Motorola qu'il a racheté en août 2011», analyse Mathieu Drida. L'avenir des marques plus modestes, telles que Blackberry et HTC, est du coup plus incertain. Quelques jours après ce rachat, Blackberry relançait le possible scénario de sa revente programmé d'ici à novembre, annonçait le Financial Times, dans son édition du 6 septembre.

Mais à nouveau, l'incontournable Apple pourrait rebattre les cartes. Mardi 10 septembre, lors de sa dernière «keynote», la marque à la pomme annonçait le lancement de l'Iphone 5C, son premier smartphone bon marché, destiné à la Chine et aux marchés émergents. Pas vraiment low cost, mais tout de même accessible: un prix de départ de 99 dollars, pour un engagement de deux ans. Une petite transgression pour le groupe, qui rompt ainsi avec sa stratégie d'innovation premium, alors que son modèle haut de gamme, l'Iphone 5S, a déçu les observateurs par son manque d'innovation.

«Le jeu est ouvert: Apple peut réussir le lancement d'un Iphone bon marché, mais il aura alors perdu la bataille de l'innovation. Il y aura du coup une autoroute pour Microsoft sur le segment des smartphones haut de gamme», anticipe Virginie Lazès.
 

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