crise
En déclarant ne pas vouloir d'homosexuels dans ses spots publicitaires, Guido Barilla s'est attiré les foudres de consommateurs scandalisés. Retour sur une affaire qui fait grand bruit.

«Tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler», voilà un proverbe que bon nombre de dirigeants ne semblent malheureusement pas avoir intégré. De Mike Jeffries (Abercrombie & Fitch) à John Galliano, ils sont nombreux à avoir tenu des propos jugés diffamants qui se sont répercutés sur la marque dont ils sont les représentants. Le dernier en date: Guido Barilla, PDG de la marque du même nom.

Le 25 septembre, il déclare au cours d'une émission de radio italienne qu'il ne mettra jamais en scène un couple d'homosexuels dans ses spots publicitaires, «pas par manque de respect, mais parce que la famille à laquelle nous nous adressons est une famille classique dans laquelle la femme a un rôle fondamental». Et alors que le journaliste soulève le fait que les homosexuels mangent également des pâtes Barilla, il ne se démonte pas et déclare que «si les gays aiment les pâtes et la communication de Barilla, ils peuvent les manger, sinon ils peuvent en manger d'autres». Scandalisées, les associations homosexuelles appellent rapidement au boycott de la marque.

«Prendre la parole sur des sujets sociétaux lorsqu'on est le patron d'un groupe familial et d'une marque alimentaire mondiale est extrêmement compliqué», signale Thomas Marko, fondateur de l'agence Thomas Marko & Associés, qui gère les relations publics de Barilla en France. Un simple dérapage et la marque trinque. «Guido Barilla est à la tête d'une entreprise qui porte son nom, et tous ses propos, s'ils suscitent du débat, suscitent du débat autour de la marque», ajoute Thomas Marko.

Rapidement, les pages Facebook de Barilla sont noyées de commentaires acerbes. Et pour cause, «les crises nées sur le Web sont liées aux enjeux sociétaux, comme le racisme, le nazisme, l'homophobie, etc., analyse Tea de Peslouan, directrice générale adjointe de Burson-Marsteller I&E. Des thématiques qui mobilisent beaucoup, surtout dans les pays latins.» La mobilisation prend de l'ampleur lorsque les commentaires, jugés trop «dégradants» ou «injurieux», sont effacés. Une modération sous forme de censure qui ne fait qu'attiser la colère des mécontents. Le 26 septembre, Guido Barilla se fend d'excuses écrites, publiées sur la page Facebook de la marque. Jugées peu crédibles par les internautes, celles-ci seront réitérées quelques heures après dans une vidéo.

«Des crises plus fréquentes et plus aiguës»

En France, Thomas Marko & Associés a monté une cellule de veille et de crise dans les heures suivant la montée en puissance du scandale. Premier constat, les réactions y sont plus vives que dans d'autres pays. «Nous sortons d'un débat sur le mariage pour tous qui a suscité une grande fracture dans la population, avance Thomas Marko, et ces propos ont entraîné la résurgence de ce débat assez vif. Cette affaire est comme du sel que l'on jette sur une plaie

Une plaie que les concurrents de Barilla ne se battent pas pour panser… Dès le 26 septembre, Buitoni, Garofalo ou Bertolli créent des visuels pour montrer qu'ils sont les garants d'une Italie moderne et ouverte d'esprit. «Pour les concurrents c'est un bon moyen d'exister à peu de frais», explique Thomas Marko. Mais «voir des marques concurrentes se saisir de l'opportunité du scandale de manière aussi suggestive est inédit», remarque Tea de Peslouan.

Difficile de prévoir si Barilla va subir des contrecoups, si ses concurrents bénéficieront de l'affaire et si l'appel au boycott sera suivi dans les rayons. Les crises, aujourd'hui «beaucoup plus fréquentes, beaucoup plus aiguës et beaucoup moins longues que par le passé», selon Thomas Marko, sont aussi «durablement ancrée dans les esprits, et l'on ne peut s'en relever que par la force de la preuve et de l'action», conclut Tea de Peslouan. Monsieur Barilla, l'heure est à l'huile… de coude!

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.