Institutionnel
Le 6 juin, la commémoration du 70e anniversaire du Débarquement en Normandie sera une occasion unique de mener une vaste campagne d'image autour de l'idée européenne.

Les commémorations du Débarquement, et notamment la cérémonie internationale du 6 juin, sont évidemment un hommage aux victimes de la guerre et une ode à la paix. Avec 18 chefs d'Etat ou de gouvernement présents, 8 000 spectateurs, 1 000 journalistes, un milliard de téléspectateurs, 3 600 militaires, 5 000 gendarmes et 2 500 policiers mobilisés, l'événement prend une ampleur sans précédent. Mais sa portée dépasse l'acte mémoriel.

Après les derniers résultats de l'élection européenne, en effet, «les enjeux ont totalement changé», concède un conseiller en communication du gouvernement. Si le Débarquement est le symbole de la victoire contre le nazisme et de la fin de la Seconde Guerre mondiale, c'est aussi le point de départ de la construction européenne. Face à la montée de l'euroscepticisme et des partis populistes dans la plupart des pays européens, l'occasion est donnée au gouvernement français d'insister sur les valeurs de paix défendues par l'Union européenne.

Outre l'hommage aux vétérans et le devoir de pédagogie auprès des jeunes générations, «L'Europe de la paix» figure parmi les thèmes majeurs souhaités par le secrétariat d'Etat aux anciens combattants, en charge du projet.

«L'Europe de la paix», c'est donc ce qu'a mis en avant Patrick Rotman, le scénariste qui a écrit et réalisé le documentaire qui sera projeté lors de la cérémonie internationale, soumis à deux commissions, historique et diplomatique.

 

Les soldats britanniques à l'honneur

«Dans le projet que nous avons présenté avec Magic Garden [l'agence événementielle qui a remporté l'appel d'offre pour la cérémonie internationale], nous voulions donner un angle large au Débarquement, raconte-t-il. Mettre en avant l'enjeu du combat de la liberté face à la barbarie, mais aussi insister sur son importance dans la construction européenne, le placer comme acte fondateur. Exposer les idées du "plus jamais ça", qui ont suivi.» En somme, valoriser l'Europe et la volonté de ses pères fondateurs, au moment même où elle est ébranlée.

De même, le choix de la plage d'Ouistreham pour accueillir la cérémonie n'est pas anodin. Il y a 70 ans, sur cette bande de sable débarquaient près de 29 000 Britanniques. Ils seront cette année fortement mis à l'honneur, sous le regard de la reine d'Angleterre. «Jamais il n'y a eu une image aussi appuyée sur le rôle des Britanniques en Europe pour le Débarquement», précise l'entourage du secrétaire d'Etat aux anciens combattants, Kader Arif. Au moment même où, outre-Manche, l'euroscepticisme est au plus haut.

Le Premier ministre David Cameron évoquait encore en janvier dernier la tenue d'un référendum sur le retrait ou non de son pays de l'Union européenne. Selon un sondage en ligne publié en mars par le Sun on Sunday, 41% des Britanniques y sont favorables.

Pour rappeler ce lien entre la Grande-Bretagne et le continent, Magic Garden a conçu un projet très pédagogique. « Nous ne voulions pas être dans l'émotion, ni dans le people », explique Beatrix Mourer, vice-présidente de l'agence, et metteur en scène du spectacle. En 2004, Patricia Kaas était venue chanter. Cette année, sur la plage, un Zenith artificiel de 11,5 hectares a été reconstitué pour accueillir 9 000 personnes. Pour un budget total de 2 millions d'euros, un peu dépassé...

 «Trois écrans géants projetteront des images documentaire, décrit Patrick Rotman. En écho, un spectacle chorégraphique agrémenté d'effets spéciaux, renvoie à ce qui est diffusé sur les écrans.» Avec 400 bénévoles (dont la vie a été passée au crible pour raison de sécurité) et 150 enfants des environs, le spectacle apportera une touche d'émotion.

 «Nous avons fait un gros travail sur la musique, avec un illustrateur sonore, Jean Croc, explique Béatrix Mourer. Le documentaire de 45 mn est vu comme un cours d'histoire, quand la chorégraphie, réalisée par Delphine Caron, évoque plus qu'elle ne reconstitue.» En coulisse, il se murmure même des surprises aériennes...

 

L'Europe de la paix, leitmotiv des cérémonies

Tout est fait pour que le public soit captivé et retienne l'idée principale: l'Europe de la paix. L'objectif est d'éviter tout polémique comme de «dénaturer la question européenne en la réduisant au seul débat économique», explique un conseiller du gouvernement alors que les braises des élections européennes sont encore chaudes.

Le Débarquement est en effet aussi le symbole de l'arrivée des Etats-Unis sur le Vieux continent. «Un argument simplifié de l'abandon de la souveraineté nationale, repris par les partis nationalistes», selon un consultant en communication proche du gouvernement. Ce dernier aurait justement demandé des notes de communication à ce sujet. L'idée étant de dépolitiser l'événement. «Aucun homme politique sur les plateaux TV», martèle ce même consultant.

Faire de l'événement une question de valeur, de paix. Un hommage à ses participants, combattants ou non. Pour la première fois, les victimes civiles normandes seront d'ailleurs évoquées «avec la construction d'un mémorial qui leur sera destiné, à Falaise», détaille Laurent Beauvais, le président du Conseil régional de Basse-Normandie. Des victimes civiles que l'Europe n'a plus connues en 70 ans de paix.

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