Facebook a annoncé la création d'un bouton «acheter» directement intégré à ses publicités. Ce type d'offre commerciale avait déjà été testé en 2011 et s'était arrêté faute de succès. Cette fois sera-t-elle la bonne?

2009. La première transaction sur Facebook a lieu. L'heureux bénéficiaire? Le fleuriste en ligne 1-800 flowers.com. Comme un symbole, les «boutiques» sur Facebook poussent alors un peu partout. Et deviennent vraiment tendance en 2011. Chaque marque a alors la sienne. Textile, bricolage, ameublement, tout le monde s'emballe. Le «f-commerce» est né. Seul l'alimentaire résiste...

 

Des sociétés de conseils et d'implémentation digitale proposent des solutions clés en main pour réaliser sa boutique en ligne, directement via la fan page. Les «facebookiens» peuvent consulter les produits, les liker, partager, ou les «acheter» directement via la page de la marque.

 

D'autres méthodes ont vu le jour, avec des achats directement via les commentaires. La start-up Soldsie, par exemple. Toujours en activité, elle offre aux consommateurs de pouvoir acheter directement en écrivant «Sold!» sous le post d'un produit de la marque. Désormais, elle vend aussi ses services sur d'autres réseaux sociaux, comme Instagram, depuis racheté ... par Facebook.

 

La fin du f-commerce?

 

Mais quelques mois après les premiers essais, rien ne mord à l'hameçon de la vente en ligne en bleu marine. Face à des ventes qui ne décollent pas, la mode du «like and buy» s'interrompt. Et le monde commence à remettre en cause le f-commerce. Comme cet article du site mediassociaux.fr. En 2012, l'agence Bloomberg elle-même questionne la pratique après que Gap, J.C. Penney ou encore Gameshop ont fermé leur boutique sur le réseau social. Une seule explication possible à cet échec: Facebook n'est pas fait pour le commerce.
«Il permet de dialoguer avec ses consommateurs, pas de vendre des produits», murmure-t-on alors sur la Toile.

 

C'est ce que disait l'organisme 8th Bridge, dans son rapport: The Future of Social Commerce. Il insistait sur la fonction des réseaux sociaux, les voyant posséder une fonction plus périphérique que le commerce pur. Le réseau social, c'est pour le marketing. Le e-commerce, pour les pure players.

 

Pourtant Patrick Robin, d'Avolta Partner, en février 2012, s'insurge contre la mise en bière du f-commerce. Pour lui la question n'est pas sur la nature du réseau social, mais de stratégie. Question de temps. En attendant, de nombreuses boutiques Facebook ferment alors les unes après les autres et sombrent dans l'oubli.

 

Les temps changent

 

L'oubli? Presque. «Car 2-3 ans, pour Facebook, c'est un siècle, commente Philippe Pestanes, associé au cabinet Kurt Salmon. Et il s'en est passé des choses depuis!» Chez les consommateurs tout d'abord, qui «sont devenus beaucoup plus matures face aux achats sur Internet. Beaucoup moins rechignent à donner leur numéro de carte sur Internet», explique le consultant.

 

En témoigne l'évolution du e-commerce en France. Selon la Fevad, fin 2013, versus 2012, le marché du e-commerce a fait un bond de 13,5% à 51,1 milliards d'euros. Avec un nombre de transactions en hausse de 17,5%. Toujours croissant.

 

Mais le plus important pour le réseau social au 1,23 milliard d'abonnés (décembre 2013), tient dans l'évolution du m-commerce. Alors que Mark Zuckerberg est de plus en plus présent sur mobile, les achats via smartphone explosent de plus de 160% en 2013, par rapport à 2012. Et au premier trimestre 2014, les sites leader, selon la Fevad, ont réalisé 19% de leur vente sur les mobiles. Une belle opportunité pour Facebook. N'oublions pas non plus que ce ne sont ici que les chiffres de la France, qui a déjà du retard, par rapport à d'autres pays, comme aux Etats-Unis.

 

Par ailleurs, les marques aussi ont évolué. «Ce sont d'ailleurs probablement elles qui ont le plus mûri», explique Philippe Pestanes. De plus en plus présentes sur les réseaux sociaux, elles ont justement réussi à créer des interactions avec leur consommateur, à produire du contenu et à ne pas se limiter à la seule publicité. «Elles sont aguerries à l'exercice», commente le consultant.

 

En 2011, elles venaient surtout pour vendre leurs produits et voyaient les réseaux sociaux comme un média classique. Désormais, la notion de «dialogue» est au cœur de leur travail sur la Toile.

 

Mais si les marques créent du contenu, les sites d'e-commerce «pur» s'y mettent également, et les frontières entre commerce et marketing deviennent perméables. En témoigne le travail d'Amazon sur ses boutiques, avec des conseils et du contenu pour créer de l'affinitaire et attirer les consommateurs avant de leur proposer d'acheter.

 

D'autre part, même si elle demeure encore marginale en France, la publicité sur mobile est en croissance, c'est même le seul média à connaître des investissements publicitaires à la hausse selon l'Observatoire de l'e-pub. Une opportunité de plus, pour le réseau social d'inclure un bouton «acheter» dans ses multiples publicités. Elles étaient encore peu nombreuses en 2011. Et inexistantes sur mobile.

 

Facebook est-il prêt?

 

Plus que le contexte, c'est Facebook qui a considérablement changé. Sans même parler de son introduction en Bourse ni de l'ouverture à la publicité sur mobile, «l'annonce n'est que la suite logique de tout ce qui a été entrepris ces derniers mois», explique Philippe Pestanes. Un modèle en plein chambardement, notamment au niveau monétaire.

 

Facebook aura bientôt le droit de faire lui-même les transactions de ses consommateurs, après sa demande auprès de la banque centrale d'Irlande. Pas besoin de passer via un organisme tiers, comme Paypal, chose qui se faisait en 2012. Paypal, justement, dont Mark Zuckerberg a débauché le patron en juin dernier... Zuckerberg s'est également rapproché de trois start-up londoniennes spécialisées dans le paiement en ligne: Transferwise, Moni Technologies et Azimo.

 

Et plus que la simple transaction, le réseau social pourra aussi permettre à ses consommateurs de stocker de l'argent sur le réseau social. «Il pourra mettre en place des systèmes de Wallet, avec sa propre monnaie, explique Philippe Pestanes, utile pour des cadeaux, lors des anniversaires.» Il est aussi possible d'imaginer cela pour les concerts, les évènements, et Facebook pourrait mettre en place son propre service de billetterie.

Avec tous ces freins levés, le réseau social entame plus sereinement son virage e-commerce. Et il a sans doute retenu les leçons de son échec d'il y a trois ans. Il revient donc avec un bouton "acheter" dans ses publicités. Mais ce n'est pas pour autant qu'il est voué au succès. Si le m-commerce progresse, rien ne dit que Facebook devienne un canal privilégié. D'autant plus qu'«il existe encore certaines réticences des consommateurs à passer au commerce sur Facebook ou Google», observe Philippe Pestanes.

 

Rassembler toutes ses activités au cœur d'un même système en ligne fait encore un peu peur aux internautes. Une crainte de voir ces mastodontes devenir trop puissants, sans doute. Engranger trop de données, par exemple. Ou la peur de mélanger vie privée et shopping, peut-être.

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