e-commerce
Amazon ouvre une boutique en ligne de cosmétiques de luxe. Les marques des réseaux de distribution sélective doivent désormais choisir si elles passent par l'e-commerçant au risque de se mettre les parfumeries à dos.

Tout le monde savait que ce jour arriverait. Certains l'attendaient pour octobre 2014, voire novembre. Mais Amazon a pris tout le monde de court. Le géant américain du commerce en ligne vient d'ouvrir en septembre une boutique Beauté et Prestige. Cinq catégories sont concernées : parfums, soins de la peau, coiffure, maquillage et accessoires de beauté.

 

« Dans notre stratégie d'offrir la sélection de produits la plus large à nos clients, nous voulions avoir une offre dans ce domaine », raconte Flavien d'Audiffret, responsable Hygiène, Beauté et Santé pour Amazon France. Les parfums seront donc directement vendus par Amazon, et non plus seulement sur les places de marché que le site ouvre à des vendeurs extérieurs. Une telle offre existe déjà depuis un an aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne.

 

En France, il y aura une quarantaine de marques, dont seize françaises et environ 1000 références. Parmi elles, Paul & Joe ou encore L'Artisan Parfumeur - déjà présent en parfumerie sélective. « Et notre offre va clairement s'étendre. Nous sommes déjà en discussion avec d'autres marques du sélectif », confie Flavien d'Audiffret.

 

Une annonce que redoutaient bon nombre d'acteurs du marché. « Beaucoup de marques s'inquiètent et s'interrogent sur ce qu'elles doivent faire », révèle un expert du secteur. Et surtout les chaînes de parfumerie. « L'arrivée d'Amazon va considérablement changer les choses d'un point de vue commercial », commente Timothée Raymond, directeur général d'Equinoa, une société de conseil en digital, notamment pour des marques de cosmétiques de luxe. « Amazon va faire pression sur les prix et la logistique avec le service client qu'on lui connaît », continue-t-il. Les services d'Amazon Premium seront en effet disponibles avec la livraison en un jour.

 

En 2013, l'assemblée générale de la Fédération française de parfumerie sélective (FFPS) avait pour thème la distribution sur internet. Les enseignes se préparaient pour ce jour tant redouté, en s'activant sur le cross-canal. En France, pour les cosmétiques de luxe, ce sont les marques qui décident de leurs réseaux de distribution. Les Lancôme, Guerlain, Chanel mettent en place un contrat de distribution sélective, avec des règles identiques à tous les distributeurs. Le cadre de vente fait partie du marketing des marques. Aussi doit-il répondre à certains critères, que ce soit pour le magasin comme pour la charte graphique du site internet. Avec ce type de contrat, un distributeur ne peut vendre des cosmétiques sur un site web s'il ne possède pas de magasin physique... Or Amazon n'en a pas. « Et à ce jour, cela ne fait pas partie de la stratégie d'Amazon d'en avoir un », concède Flavien d'Audiffret.

 

Si une marque de sélectif accepte alors de vendre sur Amazon, elle instaurera de fait une différence de traitement avec ses distributeurs habituels. « Mais elles restent libres de choisir », avouent un expert légal du secteur. Dilemme cornélien. Accepter d'aller sur Amazon et compliquer ses relations avec ses distributeurs historiques, ou tourner le dos à la manne que représente le géant de Seattle. D'autant plus sur un marché en déclin en 2013 de 1,5% en valeur. « Il suffit que deux ou trois acteurs sérieux franchissent le pas, et tous les autres suivront », prévient Timothée Raymond. Alors que le sélectif accuse du retard en termes de cross-canal, l'arrivée d'Amazon peut aussi booster les enseignes. « Si les magasins s'alignent, avec des services de qualité comparable, l'arrivée d'Amazon tirera tout le secteur vers le haut », conclut-il.

 

 

Une boutique différente

Amazon a soigné son arrivée pour rentrer dans le cadre du contrat sélectif et des exigences des marques en matière d'espace de vente. « Nous avons un traitement graphique différent, des visuels mise en avant, une ergonomie travaillée, et chaque marque possède sa propre boutique », décrit Flavien d'Audiffret. Amazon propose également un contenu éditorial réalisé conjointement avec les marques pour palier le déficit de conseil en ligne, par rapport aux magasins spécialisés. Un point important pour les marques sélectives, et qui justifie en partie leur positionnement de luxe.

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