Entretien
Convaincu des vertus de l’event pour développer les territoires, Philippe Augier a fait de sa ville un laboratoire, avec un succès certain. Le maire de Deauville est également l’auteur du rapport « Pour une politique gagnante des grands événements », réalisé dans le cadre de la politique touristique Destination France 2020.

Dès votre arrivée à la mairie de Deauville en 1995, vous avez développé une politique événementielle. Est-ce un choix stratégique ?

Philippe Augier. Oui. Avant les années 1990-1995, les stations balnéaires vivaient deux ou trois mois par an autour des casinos, de la plage et des beaux hôtels. Michel et Anne d’Ornano, mes prédécesseurs, avaient compris qu’il fallait dépasser la saison d’été et ont créé en 1975 le Festival du cinéma américain. Quand Anne d’Ornano m’a nommé en 1995 adjoint au maire en charge du tourisme, de la culture et de la communication, je sentais que le tourisme changeait de nature, que les visiteurs voulaient découvrir un territoire, son histoire, ses produits… J’avais la conviction que pour créer de l’attractivité et développer un marketing performant, il fallait faire des festivals au concept unique, comme le Festival de Pâques, créé en 1997, qui met à l’honneur la musique classique, et concevoir des événements s’étalant tout au long de l’année. Cette stratégie nous a permis de passer du statut de station balnéaire à celui de ville. 

Deauville, ce sont aussi les courses de chevaux et de grands événements comme le G8 en 2011 ou le Women’s

Forum de 2005 à 2016… 

À mon arrivée à la mairie, toujours patron de ma société, j’ai négocié avec France Galop des courses presque toute l’année. Par ailleurs, je disposais du Centre international de Deauville (CID). J’ai optimisé cet équipement pour développer le tourisme d’affaires et il est à présent occupé en moyenne trois cents jours par an. Quand j’ai été élu maire en 2001 et quand je suis devenu président de France Congrès, je croyais au développement des territoires par l’événementiel. J’ai créé des festivals – Livres et musiques, Août musical et Planche(s) contact – et trois structures sportives pour recevoir des équipes nationales et internationales, dont

un terrain synthétique de football dans le Parc des loisirs pour un million d’euros. Les équipes de Ligue 1 viennent s’y entraîner. Nous avons accueilli la Croatie pour l’Euro 2016 et plus récemment huit équipes à l’occasion de la Coupe du monde féminine de football 2019. Ce sont 70 personnes par équipe qui viennent à Deauville. Ça booste l’économie locale !

En quoi l’événementiel contribue-t-il à l’économie de la ville ? 

La culture est le premier levier d’attractivité du territoire. Pour ne citer que quelques événements, le festival Planche(s) contact a accueilli plus de 12 000 visiteurs en 2018, soit une croissance de 17 %, et l’exposition « Artistes en Normandie » en a reçu plus de 10 000. Le Festival du cinéma américain, ce sont 11 millions d’euros de retombées économiques directes et indirectes pour le territoire en 2017, 211 emplois et 6,4 millions d’euros de contre-valeur publicitaire. Par ailleurs, ce sont 130 événements pour 36 532 participants qui ont été organisés au CID en 2018. Toutes ces manifestations dynamisent la ville, l’hébergement, la restauration et les commerces. 

En 2009, Nicolas Sarkozy vous a commandé le rapport « Pour une politique gagnante des grands événements ». Vous avez fait plusieurs préconisations. Dix ans plus tard, où en sommes-nous ? 

Nous avons accueilli l’Euro 2016, la Ryder Cup 2018 et d’autres grandes manifestations. En 2009, je recommandais de candidater à ce type d’événements, ce que la France ne faisait pas à l’époque, et de créer un événement grand public de la gastronomie en France. On y est ! En décembre dernier, le chef Alain Ducasse et Philippe Faure, ancien président d’Atout France, ont été missionnés par le gouvernement pour organiser en 2020 le Forum international de la gastronomie. Parmi mes autres préconisations, la plus importante était d’avoir une stratégie d’influence dans les organisations internationales et de développer une stratégie globale des grands événements. En 2011, j’ai obtenu de Nicolas Sarkozy la création de la cellule nationale France Événements, adossée à Atout France. J’ai constitué un comité stratégique réunissant 25 organisateurs et prestataires (parmi lesquels Air France, ADP, Sodexo, ASO…). Mais François Hollande est arrivé à la présidence en 2012 et il ne s’est plus rien passé ! Peut-être y avait-il un problème politique ? Toujours est-il que j’ai envoyé un courrier à Matignon et aux 25 partenaires leur signifiant que je considérais ma mission terminée. Le gouvernement n’a pas donné suite, laissant mourir la cellule.

Cette cellule a-t-elle toujours une raison d’être aujourd’hui ? Quand on regarde le nombre de grands événements internationaux inscrits au calendrier ces dernières années et dans un avenir proche, ne peut-on pas dire que les territoires ont montré leur mobilisation ?

Je n’ai pas relancé le dossier, car depuis cinq à sept ans, les territoires commencent en effet à prendre conscience de l’importance du marketing territorial, même si ce n’est pas complètement

coordonné. Chacun a créé son agence d’attractivité ou son agence de développement économique. Et ces agences se disent que pour être attractif et accroître la visibilité, l’événementiel est le meilleur moyen. C’est plus payant que la publicité ! D’ailleurs, je ne fais jamais une page de publicité sur Deauville. L’événement est beaucoup plus fort et tout le monde s’y retrouve au bout du compte… Les territoires sont très motivés, car l’événementiel est une activité économique qui génère des retombées économiques directes, mais aussi de l’image et du ciment social. 

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