Automobile
Citroën fait renaître la marque Ami avec son véhicule deux-places électrique. Dans l’esprit, c’est plus la 2CV et son idée de liberté et de conquête que le constructeur français remet au goût du jour.

De loin, on ne sait pas si elle avance ou si elle recule. Et pour cause, la Citroën Ami partage face avant et face arrière ; et puis la citadine électrique sans permis plafonne à 45 km/h. Le petit véhicule urbain est, pourtant, l’une des plus grandes avancées de la marque française depuis longtemps. Ressuscitant l’esprit de la 2CV dans sa simplicité de conception (250 pièces) et dans sa volonté de démocratiser la mobilité à quatre roues, l’Ami incarne la vision des transports urbains de Citroën : électrique, pas chère, disponible à la conduite dès l'âge de 14 ans, taillée pour l’autopartage, vendue sur internet. À la fois véhicule et plaidoyer. « Voilà une marque automobile qui ne renonce pas à avoir une proposition pour la ville », observe Hugues Reboul, directeur général de BETC Traction, l’agence qui a conçu la campagne de communication de l’Ami, sur les écrans depuis le 23 août.

« Objet de mobilité »

L’Ami vient du concept Ami One présenté au Salon de Genève 2019 pour le centenaire de la marque. Elle est à la croisée de deux visions. Celle du patron de PSA, Carlos Tavares, selon qui l’avenir de l’auto est électrique mais à condition d’être accessible, et celle de Citroën, qui veut « rendre la mobilité accessible au plus grand nombre ». Pour y arriver, André Citroën avait créé une voiture en série – la Type A – pour faire chuter les prix, et en 1922 la Sovac, la première entreprise européenne de crédit à la consommation. Deux ingrédients dont s'inspire l’Ami, avec un prix d'appel à 6 000 euros et la possibilité d’une location longue durée dès 19,99 euros par mois. « C’est le prix d’un abonnement mensuel Canal+ ou d’un forfait mobile low cost », compare le directeur marketing de Citroën, Arnaud Belloni. Pour ceux qui veulent éviter le premier loyer à tout de même 2 644 euros, l'abonnement passe à 75 euros par mois, « le prix d’un Pass Navigo », poursuit le patron de la marque. Disponible au autopartage avec Free2Move, l’Ami est à 0,26 centime par minute, soit le niveau de prix du service de location Cityscoot. « Le leasing [76% des ventes en France en 2019 selon ASF] et le car sharing sont deux modèles de plus en plus plébiscités par les jeunes », note Pierre Gerfaux, principal director spécialiste de l'automobile chez Accenture France ; en ça, l'Ami tape juste. Un pricing qui en dit long sur l’univers concurrentiel du véhicule, homologué comme un quadricycle motorisé et non une automobile. « C’est une question d’honnêteté intellectuelle, pointe Arnaud Belloni. Elle n’a pas d’airbag, pas de direction assistée, pas d’autoradio… Nous emmènerions les clients sur une fausse piste si nous parlions de voiture. » Avant les conférences de presse, on surligne en rouge « objet de mobilité » dans les discours.

En vente chez Fnac Darty

Pour acheter l’Ami, pas de lourdeur administrative. Tout se passe en ligne. Ou chez Fnac Darty ; c’est l’autre pavé dans la mare de Citroën. Ce distributeur confère au produit une image techno et il dédramatise l’acte d’achat du véhicule en évitant le cérémonial chez le concessionnaire. Pourquoi Fnac Darty ? Parce que c’est le premier vendeur de trottinettes électriques en France, face auxquelles l’Ami espère bien imposer son style. « C'est aussi une façon de toucher la clientèle au cœur des villes », analyse Pierre Gerfaux ; ce serait impossible si elle était homologuée comme une voiture... « On n’imaginait pas que des gens de 45 ans feraient de la trottinette », souligne Hugues Reboul, alors pourquoi pas ce quadricycle ? Sauf que son positionnement le destine, d’un point de vue marketing en tout cas, aux jeunes. « Nous parlons d’un produit dont la cible démarre à 14 ans alors qu’un acheteur moyen de voitures neuves a plus de 50 ans », ajoute le publicitaire. Comment faire ? « Tout le marketing a été construit sur ce qui ne va pas dans les autres moyens de transport », avoue Arnaud Belloni. L’électrique est cher ? L’Ami est à 6 000 euros. L’auto est inaccessible ? L’Ami est sans permis. La trottinette est dangereuse ? L’Ami a une carrosserie. Le scooter ne protège pas de la pluie ? L’Ami a un toit, etc. « C’est un coup classique. Tesla l’a fait aussi… », sourit le marketeur.

« Ami aime Paris »

Et puis il y a ce nom, immédiatement sympathique. Héritage de l’Ami 6 des années 60, l’Ami est un nom « simple et compréhensible à l’international » ; le véhicule part bientôt à Milan et Madrid. Arnaud Belloni nous confie aussi vouloir « protéger certaines marques du patrimoine Citroën », amer que le groupe ait par le passé laissé filer ID ; aujourd’hui utilisé par Volkswagen avec l’ID.3, fer de lance de sa gamme électrique. Loin de l’image vieillotte de Citroën des années 90, l’Ami « apporte beaucoup de fraîcheur à la marque ». Elle ramène aussi des clients. Sur les 1 000 commandes réalisées depuis le 27 avril, 81% n’avaient pas de Citroën avant. Un analyste du marché voit en l'Ami « une façon de faire entrer des clients chez PSA, qui ensuite iront vers d'autres produits ». En revanche, 77% possèdent une maison individuelle, ce qui semble antinomique avec les centres urbains auxquels elle se destine. Une dissonance qui fait dire à Romain Heuillard, journaliste indépendant spécialisé en nouvelles mobilités, que cette Ami est avant tout « un coup marketing », que « Citroën ne va pas en vendre beaucoup » mais qu’il aura fait parler de lui. Il imagine davantage une utilisation en autopartage via Free2Move. Alors que les voitures ne sont pas en odeur de sainteté dans la capitale, Citroën et son agence ont lancé vingt Ami aux couleurs de chaque arrondissement. Nom de l’opération séduction : « Ami aime Paris. » Paris paiera-t-elle l'Ami de retour ?

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