Alimentation
Créée en 1932, la conserverie de la Belle-Îloise, dont les boutiques égayent désormais une large part du territoire français, s’ouvre peu à peu à une communication moins minimaliste.

Du haut de ses 88 ans d’existence, la Belle-Îloise a essuyé plus d’une tempête. Autant dire que ce n’est pas la vague de Covid-19, aussi puissante soit-elle, qui risque de mettre en péril son modèle. Créée par Georges Hilliet, la conserverie bretonne de poissons, qui dispose désormais d’une réputation établie grâce à son réseau national de boutiques, ses produits de qualité et ses conserves colorées au design volontairement suranné, a toutefois dû faire le dos rond ces derniers mois. « La crise sanitaire a eu des effets contrastés, mais il ne faut pas se leurrer. Si les ventes en ligne ont été multipliées par trois, le chiffre d’affaires a plongé de près de 95 % sur le littoral durant cette période. Sachant que la vente à distance représente environ 15 % du total, cela ne suffit pas à compenser les pertes », avertit d’emblée Caroline Hilliet Le Branchu, à la tête de l’entreprise quiberonnaise depuis 2011. Pas vraiment de quoi se réjouir donc. Mais pas non plus de quoi remettre en question la stratégie conjuguée tant au passé qu’au présent.

Exigence de qualité

« Le socle majeur s’articule depuis toujours autour d’un positionnement haut de gamme. Cela peut paraître paradoxal lorsqu’on parle de conserves mais c’est ce souci de qualité qui a immédiatement fermé les portes de la grande distribution à la marque et poussé celle-ci à miser sur l’ouverture de magasins et la vente directe aux particuliers », rappelle la petite-fille du fondateur, en écho au développement contemporain de la société, qui dispose aujourd’hui de 84 points de vente. Sur le littoral principalement, depuis Le Touquet jusqu’à Menton, en passant par la façade atlantique, son fief. Mais aussi dans les grandes villes où la Belle-Îloise met progressivement pied à terre, en témoignent ses quatre sites parisiens ou encore son implantation récente dans des agglomérations comme Strasbourg et Lyon. « Exception faite de cet exercice 2020, ces dernières années, nous sommes à trois ouvertures annuelles en moyenne », poursuit la dirigeante, qui s’appuie parallèlement sur la diversification de l’offre pour entretenir la croissance.

« L’une des spécificités de la marque, vis-à-vis de la concurrence présente en grande distribution, est de disposer d’un portefeuille extrêmement développé », pointe Cécile Roudaut, directrice marketing, digital et innovation, invoquant un « véritable savoir-faire ». Au total, plus de 180 références déclinant à l’envi les recettes à base de sardine, maquereau, thon et autres produits de la mer. Le tout entièrement conditionné à Quiberon, à partir de produits frais et sélectionnés avec soin. Autrement dit, des produits exclusivement labellisés made in France. « Deux nouvelles gammes en verre sont lancées à l’occasion de la rentrée et des produits à base d’algue bio vont également voir le jour », ajoute-t-elle au sujet d’un mode opératoire qui, s’il fait ses preuves, pourrait finir par toucher ses limites.

Avec un chiffre d’affaires de près de 50 millions d’euros l’an passé, la Belle-Îloise est en effet à un tournant. Ne serait-ce que sur le plan de la communication. « Nous avons commencé à structurer la marque dans les années 2000 seulement », éclaire Caroline Hilliet Le Branchu, pour qui l’ambition est à présent de « vendre un univers de marque », à l’image du « bar à sardines » lancé rue Montorgueil à Paris il y a de cela deux ans. « Les magasins représentent jusque-là notre meilleure publicité et il va de soi que nous n’allons pas investir des sommes folles du jour au lendemain, pour communiquer en télévision par exemple. Cela n’aurait aucun sens eu égard à notre cible. C’est la raison pour laquelle, de la même manière, nous ne touchons pas - ou uniquement à la marge - au design iconique de nos produits, qui représente une valeur ajoutée. Mais la marque doit s’ouvrir aux clients, à la société et à une communication plus multicanale », concède celle qui, par ailleurs, a reçu fin août les insignes de chevalier du Mérite de l’ordre national. Un constat que fait aussi Cécile Roudaut, pour qui la crise a néanmoins servi d’accélérateur à la relation client. « Nous disposons d’une base conséquente de fidèles, que nous sollicitons de plus en plus après avoir longtemps privilégié les prises de parole confidentielles par crainte d’être intrusifs. La crise a eu un aspect très positif à ce niveau-là », estime-t-elle, citant par exemple l’enquête clientèle ayant débouché sur « plus de 50 000 réponses quant au rôle de la marque et aux attentes » des premiers intéressés, de même que « le rythme d’e-mailings devenu nettement plus régulier » ces derniers mois.

Nécessaire rajeunissement

« La digitalisation est un autre chantier prioritaire », complète Caroline Hilliet Le Branchu, à propos d’une démarche pour laquelle beaucoup reste à faire en dépit de l’arrivée graduelle de la conserverie sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram et Linkedin avec respectivement 25 000, 6000 et 3500 abonnés). Problème : si la Belle-Îloise peut s’appuyer sur un socle robuste, rien n’est éternel. Et avec une moyenne d’âge de près de 60 ans, la clientèle devra se renouveler tôt ou (pas trop) tard. Une réalité arithmétique que ne peut ignorer la marque, qui tente par conséquent de conquérir de nouveaux horizons. « C’est dans cette optique que nous avons noué ces deux dernières années des partenariats avec le Slip Français et Opinel à l’occasion de la Fête des pères », appuie la directrice marketing, digital et innovation, évoquant « un développement volontairement maîtrisé afin de ne pas banaliser la marque ».

Autres axes de réflexion actuellement scrutés de près par l’entreprise : la présence sur les salons et les événements tout comme l’ouverture d’un pop-up store, qui serait dans les tuyaux pour la fin d’année. « Cela permet de toucher une clientèle neuve », souligne la présidente de la Belle-Îloise, consciente que l’avenir de la marque patrimoniale et familiale dépendra en grande partie de cette seconde jeunesse.

Chiffres clés 

84. Nombre de points de vente.

180. Nombre de références produits.

650 Nombre de salariés en pleine saison (un chiffre qui peut descendre jusqu’à 350 salariés en basse saison).  

80%. Part du chiffre d’affaires réalisée sur le littoral.

15%. Proportion des ventes en ligne.

50 millions d’euros. Chiffre d’affaires 2019.

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