Communication
Entre deux matinales radio (France inter et RTL), la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a mené, au pas de charge, le 11 février 2021, une opération de communication dans la région lyonnaise pour promouvoir sa loi Climat et Résilience. Reportage.

Rendez-vous à 7H04 dans le train pour la gare de Lyon-Perrache. Dans le wagon de Barbara Pompili et de son cabinet ministériel, c’est l'effervescence studieuse des grands jours. La veille, la ministre de la Transition écologique a présenté son fameux et très attendu projet de Loi Climat et Résilience. Et en ce glacial jeudi 11 février, Barbara Pompili, entre deux matinales radio (France inter la veille, et RTL le lendemain) et un portrait dans le Paris Match du jour, vient d’annoncer aux aurores l’abandon du projet d’extension du terminal 4 de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, peu écologique, qui prévoyait une augmentation de 35 à 40 % du trafic. Un timing parfait pour être en cohérence avec les priorités de son projet de loi. « On a parfois le droit d’être bons en communication », sourit David Nguyen, conseiller communication au cabinet de la ministre. Aujourd’hui aussi, il va falloir l’être. « Ce déplacement est une étape importante, explique la ministre de la Transition écologique. Nous sommes venus montrer par l’exemple comment les mesures de notre projet de Loi vont s’inscrire dans le quotidien des Français. » Chiche !

Journée marathon

C’est parti pour la journée marathon. À toute allure. Trois vans de la préfecture (pas vraiment hybrides et encore moins électriques) et deux voitures, gyrophares au vent, encadrées par des motards, emmènent tambour battant l’équipe ministérielle. Direction le Decathlon d’Écully. À fond la forme ! Peu de clients mais beaucoup de journalistes locaux sont présents, ainsi que le maire de la commune, Sébastien Michel, et le député LREM Jean-Luc Fugit. Objectif : promouvoir le fameux CO2-score, un affichage qui doit permettre à chacun de connaître l’impact environnemental de ses achats. Ce « score carbone », plébiscité par les membres de la Convention citoyenne pour le climat qui envisageaient sa généralisation à l’horizon 2024, est bien inscrit dans le projet de loi. Sauf que l’affichage sur les produits n’est pas programmé dans le temps. « Par le jeu des amendements, ils pourraient l’être, promet un conseiller de la ministre. Différentes expérimentations ont eu lieu dans les produits alimentaires et textiles et nous allons maintenant passer à la vitesse supérieure. »

Pour donner vie à la transformation du parc automobile inscrite dans la loi Climat, s'ensuit une séquence « voiture électrique » chez un concessionnaire Renault à Vaulx-en-Velin. Jour de gloire pour le directeur de la concession : les ventes de voitures électriques ont été multipliées par trois cette année. Barbara Pompili boit du petit lait : « 5 % des ventes des constructeurs européens devaient être en hybride ou électrique en 2030 et nous en sommes déjà à 10 % en 2020. C’est formidable, on est en avance et les aides de l’État à l’achat et à la conversion, dans le neuf comme l’occasion, de voitures électriques y sont pour beaucoup », se réjouit-elle. Bémol de la part d'un client propriétaire d’un véhicule électrique : « Il manque quand même des bornes, c’est un peu galère de se ravitailler », souligne-t-il. « C’est un frein, reconnaît la ministre. On va accélérer leur développement. » Et sans doute aussi mettre la gomme sur la mise en place des zones à faibles émissions (ZFE) prévues dans le projet de loi, en faisant attention aux virages en épingle. Car ces zones (Paris, Lyon, Grenoble, Aix-Marseille, Montpellier... sept villes en ont déjà instauré), où la circulation des véhicules les plus polluants est limitée et la prime à la conversion boostée, rendent certains élus circonspects. « Il ne faudra laisser personne, notamment les plus précaires, sans solution de déplacement et bien accompagner les particuliers comme les professionnels », préviennent déjà en coeur Hélène Geoffroy, la maire socialiste de Vaulx-en-Velin et Gilbert-Luc Devinaz, sénateur socialiste du Rhône, qui se sont rendus sur place.

Balade en bus électrique

Rien de tel alors que la famille pour se réchauffer un peu. Rendez-vous est pris avec les « amis » verts Bruno Bernard, président de la métropole de Lyon et Grégory Doucet, maire de la ville. Au programme, une balade dans un bus électrique nouvelle génération (actuellement à l’essai sur le réseau de transports en commun lyonnais), puis la visite d’une station de vélos cargos. « Nous avons des élus investis qui ont envie de mettre en place des politiques écologistes. Je serai à leurs côtés pour les aider, affirme Barbara Pompili devant les micros tendus. C'est un combat que nous devons mener ensemble, ils peuvent compter sur mon aide, ils le savent, et je sais que je peux compter sur leur énergie. » Le message n'a pas vraiment été reçu 5 sur 5 puisque les deux écologistes lyonnais en ont profité pour filer à l’anglaise, en évitant de se présenter face à la presse… mais non sans lâcher quelques peaux de bananes : « Les ambitions du projet de loi sont à minima, glisse Bruno Bernard, et les moyens engagés très insuffisants ; sur les ZFE, on ajoute des contraintes aux territoires sans aider les collectivités ». Pas mieux du côté de Grégory Doucet : « Le projet de loi vide le projet de la Convention citoyenne de sa substance en rendant le texte inefficace », persifle-t-il. Sympa, l'accueil ! Des mots qui représentent trois fois rien pour Barbara Pompili : « J’ai l’habitude de ces petites querelles politiciennes, moi je tiens mon cap et j’avance », balaie-t-elle.

Vers des politiques d'affichage très hétérogènes

Après un déjeuner de travail avec Pascal Mailhos, préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, place à une dernière halte pour la numéro 3 du gouvernement, dans la commune de Vourles à une quinzaine de kilomètres de Lyon. 3 492 âmes et pas une pub, comme le prévoit le règlement local de publicité. Avec les mesures du projet de loi, les maires gagneront encore en autonomie et pourront, en outre, interdire les affiches lumineuses dans les commerces. Ce n'est pas forcément une bonne nouvelle pour tout le monde. « J’ai peur que, dans les faits, la délégation des pouvoirs au maire aboutisse à des politiques d’affichage très hétérogènes en fonction des communes. Et les plus petites n’ont souvent ni les moyens, ni la compétence pour traiter de cette matière, c’est pourquoi elles font appel à l’État pour réglementer ou faire appliquer la loi sur l’affichage », souligne Thierry Ronda, consultant juridique publicité à la Direction départementale des territoires du Rhône. Encore un qui doute, décidément... C’est pas tout ça, mais il ne va pas falloir rater le train. Direction la gare, pied au plancher et sirènes hurlantes.

« Ministère de l'impossible »

Alors, une réussite cette opération ? « C’était dynamique, on a montré que la loi balayait des tas de domaines du quotidien, les infos ont été relayées dans les médias locaux, à refaire, assure David Nguyen, conseiller en communication de la ministre. De nouveaux déplacements dans d’autres villes témoins sont d’ores et déjà programmées (La Rochelle la semaine prochaine) ».

Et les petits accrocs au programme ? « Le ministère de l’environnement, c’est le ministère de l’impossible. Quelle que soit la mesure, c’est toujours “trop ceci, ou pas assez cela”, confie le conseiller. Et puis, vous savez entre, d’un côté, les lobbys et de l’autre, les écolos, on a l’habitude de prendre des coups ». 17H04, c’est l’heure de rentrer à Paris. Et il ne faut pas traîner, Barbara Pompili a encore une matinale à préparer. À fond la forme !

La publicité sommée d’agir

« À terme, je souhaite qu’il n’y ait plus de publicité pour tous les produits nocifs pour l’environnement, c’est une question de cohérence avec le projet de société que l’on porte» Barbara Pompili semble toujours aussi déterminée. En attendant, la ministre de la Transition écologique a dû ronger son frein sur l’interdiction de la publicité sur les moteurs thermiques. Seule subsiste dans la loi la fin de la publicité sur les énergies fossiles. Mais ça pourrait bien évoluer si la ministre n’est pas satisfaite. « Nous avons missionné des représentants de la profession et des différentes branches pour nous faire remonter les engagements pris, explique Barbara Pompili. Si ce n’est pas à la hauteur, il y aura des interdictions. » Les retours sont attendus à la mi-mars. Et la ministre promet de ne pas se contenter de charte de bonne conduite vide de sens. « Il faudra notamment des modalités de régulation claires, souligne Barbara Pompili. Il est hors de question qu’il n’y ait rien d’exigeant sur la publicité dans la loi ». Voilà les publicitaires et les annonceurs prévenus !

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