Analyse
Non, le papier n’est pas forcément moins développement durable que le digital, oui, l’électrique pollue. Et oui, la RSE va au-delà des seules questions liées à l’environnement.

Quelle est la communication la plus responsable : distribuer des flyers dans les boîtes aux lettres ou faire une vidéo sur un réseau social ? Tenez-vous bien, le prospectus a trois fois moins d’effet sur le réchauffement climatique, cinq fois moins de conséquences sur la toxicité humaine et utilise sept fois moins de ressources fossiles. C’est ce que révèle une récente étude de… la branche courrier de La Poste, qui a fait analyser par le cabinet Quantis le cycle de vie de ses supports de communication. Bilan : que ce soit le mailing courrier vs le lien sur site web, le catalogue papier vs l’emailing ou la facture envoyée par lettre vs sa version numérique, le papier semble souvent, contre toute attente, bien plus développement durable que le digital.

« Cela remet l’église au centre du village et tord le cou aux idées reçues, souligne Arnaud Tomasi, directeur de la BU Média de la branche service courrier de La Poste. En matière de RSE, pour avancer, il faut accepter la complexité et ne pas s’arrêter à la surface des choses. » Gildas Bonnel, président de l’agence Sidièse, abonde dans ce sens : « La dématérialisation est souvent un faux ami, elle cache fréquemment une chasse aux coûts transformée en une posture développement durable. Le papier a ses atouts, à condition qu’il soit issu d’un cycle durable et que sa fabrication bénéficie aux communautés locales. »

De même, en finir avec les énergies fossiles peut être souhaitable, mais en gardant en mémoire les limites de l’électrique. Selon l’Ademe, la fabrication d’un véhicule de ce type consomme près de deux fois plus d’énergie que celle d’un véhicule thermique. Sa production est à l’origine de grandes pollutions dans les pays pauvres, car elle nécessite l’extraction et le raffinage de métaux rares dévastateurs pour l’environnement. Et une fois sur route, les autos électriques continuent de polluer en émettant des particules fines. Mais rassurons-nous, même quand elle est produite en Chine, où l’électricité provient du charbon, la voiture électrique, sur l’ensemble de sa durée de vie, émet 29 % de CO2 de moins qu’un véhicule essence, relève la Fédération européenne pour le transport et l’environnement dans une récente étude. Il n’empêche, refroidies, ­certaines entreprises ont décidé de reporter leurs investissements pour convertir leur flotte.

Mais surtout, la pire des fausses bonnes idées en matière de RSE serait de la cantonner à sa dimension environnementale. Que penser d’une entreprise qui lutte contre le réchauffement climatique, mais ne respecte pas l’obligation d’emploi de personnes en situation de handicap ou qui n’a aucune femme à des postes clés ? Les responsabilités sociales et sociétales, l’éthique dans les affaires ou le respect des droits de l’homme sont consubstantiels à la RSE. « L’énorme risque pour les entreprises est de parler trop fort, de faire croire que l’on sauve le monde alors que l’on fait partie du problème, pointe Gildas Bonnel. Il faut s’adresser à l’intelligence des gens, pas à leurs émotions. » Le cas de Danone est emblématique. Première société du CAC 40 à devenir entreprise à mission l’année dernière, le géant agroalimentaire annonce quelques mois plus tard un plan de restructuration (2 000 postes supprimés) dont, pour beaucoup d’observateurs, la justification économique reste à démontrer. Cela fait mauvais genre pour un champion de la RSE…

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