Tribune
Après la crise sanitaire que nous venons de vivre, il est temps de repenser le marketing pour le positionner davantage dans le temps long et lui donner plus de sens.

Pourquoi faudrait-il repartir de zéro ? La question nous hante dès que nous regardons devant nous. Demain est un autre jour. Alors, nous imaginons qu’hier mérite d’être laissé derrière sans trop y penser. Cette attitude des hommes et des femmes qui envisagent l’avenir dans un élan positif, comme on ouvre une fenêtre pour ressentir un air frais s’engouffrer dans nos intérieurs, est-elle transférable au monde du marketing ? Le risque de rester un peu trop longtemps enfermé dans une machine à lead est certainement de manquer de respiration. Alors comment en sortir ? Comment se sortir de cet enfermement pas uniquement dû à une pandémie imprévisible, mais aussi à la recherche inassouvie d’une performance dépassée ?

Le monde du marketing a découvert lui aussi que les prévisions, les plans d’action, la farouche bataille de l’attention n’avaient plus guère de sens lorsque la tempête sanitaire s’abattait sur la planète. Aucun chiffre, aucun tableau de bord ne pouvait lui servir de pare-feu face aux attaques du virus. Soudainement, les leads n’étaient plus, les prospects sans repère erraient sur des sites e-commerce puis décidaient de garder au chaud leur argent pour un monde d’après. Aucune campagne solidaire, aucun message empathique ne tient lorsque le désarroi s’empare des consommateurs.

Il ne s’agit pas ici d’en tirer une leçon, si ce n’est un encouragement à plus d’humilité de la part des marketers face à ce qui ne dépend pas de leurs actions. Rester à sa place en toute simplicité. Car la vérité est là : les performances des entreprises dépendent essentiellement du bon vouloir de leurs clients. Il est donc temps de revoir la performance du marketing et de davantage l'évaluer en fonction de la valeur créée pour le client. Reprendre le marketing à zéro, c’est non seulement prendre le temps mais aussi savoir où l’on va.

Un long chemin à parcourir

On pourrait trouver cette proposition trop simple, trop évidente. Et pourtant. Entre les mots «zen» et «opinion», entre l’envie d’un profond «reload» et la volonté de tout considérer comme une expérience, il y a un long chemin à parcourir pour changer de vision, pour définir de nouveaux process, et donc pour aller vers un accomplissement heureux de sa mission. Le temps est probablement cette ressource imaginaire dont manque le plus les équipes marketing de toute entreprise. Le temps de respirer, le temps d’imaginer, le temps de réfléchir aux conséquences à long terme, le temps de se laisser du temps pour établir une relation de confiance.

Le marketeur dans un monde digital n’a pas le temps ; on ne lui donne pas le temps. Le retour sur investissement n’attend pas. Plus tard, hélas, il sera trop tard, et le temps sera venu de lui dire au revoir et de passer au suivant. Chaque déception à la lecture des performances de la machine à lead conduira le Comex à se séparer de lui. Et si finalement on se passait du marketing ?

A l’autre bout de l’échelle du temps, le client lui s’impatiente. Il aimerait qu’on lui consacre davantage de temps, justement. Or le marketeur, trop occupé à courir après les prochains leads, ne l’aperçoit qu’au moment d’imaginer comment lui présenter les nouvelles offres ou les nouveaux produits. Sans tenir compte de son opinion, de ses émotions, de ses expériences, de ses changements de comportement, de ses attentes ou de ses frustrations, le marketing s’adresse au client comme il l’a toujours fait : en espérant qu’il soit satisfait et qu’il le dise.

Or le client aimerait qu’on lui montre un peu plus de gratitude. Il mérite mieux qu’une enquête de satisfaction ; il veut faire partie de l’aventure. Il veut co-construire, tester, donner son avis, être entendu et reconnu. Mais il souhaite aussi conserver sa liberté, son libre-arbitre, ne pas être harcelé, ni poursuivi d’un site internet à une application mobile, ni analysé dans ses déplacements, ni écouté dans ses conversations sur les réseaux sociaux. Il aimerait être respecté comme un humain unique et non traité comme un client personnalisable, un horrible persona.

Passer à autre chose

Alors comment faire ? Comment parler moins souvent, à moins de personnes, mais mieux, plus respectueusement et plus sereinement aussi. Si nous devions avoir appris quelque chose de cette période de crise, c’est la patience. Et aussi la force de l’humanité, sa résilience. Tel un maitre yoggi, le marketeur devrait calmer sa respiration, éviter de s’agiter, peut-être aussi marcher plus lentement le long du fleuve qui, lui, semble se mouvoir avec constance.

Les marketeurs auraient tout à gagner à suivre des lignes d’inspiration afin de mieux maîtriser les verticales du métier. Ces repères visuels constitués en matrice permettront d’analyser finement et en profondeur ce qui devrait constituer une priorité ou au contraire ce qui devrait être élagué, mis de côté, oublié définitivement.

Il convient aussi de passer à autre chose. Car beaucoup d’acteurs du marketing sont perdus dans le chaos qu’ils créent sans même s’en rendre compte. Trouver du sens est un impératif pour tout le monde, client comme entreprise, mais ce sens nait également des actions que l’on entreprend. Celles et ceuxqui veulent clarifier, simplifier pour améliorer la performance finale devraient relier leurs actions au sens, à la vision, à la destination à laquelle l’expérience nous mènera.

Il faut tout à la fois considérer le sens et l’action. Il faut comprendre et estimer le client en même temps qu’il convient de l’accompagner vers une meilleure version de lui-même et de son environnement. Mettre en œuvre un marketing responsable est une opportunité pour les marques. Il s’agit de considérer la responsabilité dans l’action et non pas seulement dans une déclaration d’intention.

C’est tout cela le marketing zéro. C’est un point de départ et une road-map vers la responsabilité dans chacune des actions, celles d’aujourd’hui comme celles de demain.

 

Patrice Laubignat a écrit avec Philippe Guiheneuc, directeur marketing d’Akio, l'ouvrage Marketing zéro - le marketing responsable dont vous êtes le héros, paru en juin 2021 aux éditions 1min30 Publishing.

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