Tribune
Le dernier Euro l'a montré avec le «bottle gate» : les marques qui souhaitent investir dans le marketing sportif doivent aujourd'hui privilégier le sens et la transparence, dans une démarche proche du co-branding.

Alors que l’actualité sportive bat son plein, que la France a quitté l’Euro et que le Tour de France est en cours, les équipes marketing sont dans les starting blocks. Car si le sport fait souvent l’unanimité, nous savons aussi que plus de huit Français sur dix considèrent que le sponsoring rend les marques partenaires plus sympathiques. Mais comment les marques utilisent-elles ce canal de communication ? Quel est son réel impact et surtout comment s’assurer de retombées positives alors que le «bottle gate» de l’Euro nous a montré que les joueurs s’affirmaient de plus en plus vis-à-vis des partenaires ?

Pour commencer, petit rappel historique. Le sponsoring apparait en Australie en 1861 lorsque l’entreprise de restauration Spiers & Pond finance la première tournée de l’équipe nationale britannique de cricket. Les entreprises prennent alors vite conscience du potentiel de visibilité de ce type d’événements et, en 1891, Michelin offre des pneumatiques aux cyclistes et coureurs automobiles qui portent alors haut et fort l’image de la marque et des produits. C’est le début d’un nouveau mode de communication qui se base sur la visibilité et les ondes positives que dégagent les événements sportifs.

Car oui, l’impact de ces événements est colossal. A titre d’exemple, la Coupe du monde de cricket, c’est 400 millions de téléspectateurs, et un match de Roland Garros, il se dit que c’est plus de 30 minutes de visibilité pour BNP Paribas sur une heure de match, soit un rayonnement international d’envergure. Contrairement à d’autres moyens de communication, 66% des Français ont une opinion positive du sponsoring qu’ils jugent d’ailleurs plus efficace que la publicité traditionnelle. Le sponsoring augmente non seulement la notoriété des marques, mais il rend également les marques plus sympathiques (81%) et donne envie (à 78%) de se renseigner sur les marques, leurs produits ou leurs services…

Le rôle des réseaux sociaux

Cette très belle vitrine a un coût - compter entre 40 et 50 millions d’euros pour être sponsor officiel de l’Euro 2020 - mais assure également de très belles retombées comme lorsque Novak Djokovic change de raquette et expose son nouveau modèle supposé être la Head Graphene Speed (alors qu’en réalité il joue avec un modèle personnalisé).

Mais ce qui fonctionne le mieux encore en termes de stratégie de communication, c’est quand l’ambassadeur fait passer lui-même le message sur les réseaux sociaux comme l’explique Antoine Ballon, directeur de l’équipe marketing tennis chez Babolat dans une interview à L'Equipe : «Quand on fait le lancement de la nouvelle raquette de Rafa (Nadal), on fait un post classique qui arrive très rapidement à 50 000 vues. Rafa fait le même, on passe à 900 000. […] C'est multiplié 18-20 fois. »

Le digital et le numérique rebattent d’ailleurs les cartes et permettent désormais de sponsoriser des e-évènements sportifs. A défaut de rouler dans la vraie vie, le Tour de France virtuel de l’été dernier (partenariat entre Amaury Sport Organisation et la plateforme ZWIFT) a permis aux sponsors de l’événement de se rendre visible auprès des 2,6 milliards de personnes qui ont fait l’audience. De la même manière, les technologies comme celles de Supponor et SportFive (réalité augmentée) permettent aussi d’avoir différentes publicités virtuelles sur les panneaux LED de bord de terrain, en adaptant le message ou la marque selon les zones et marchés ciblés.

Ne pas devenir un homme-sandwich

Cette démarche va dans le sens d’un sponsoring de plus en plus ajusté et surtout d’un sponsoring de sens et de contenu comme l’explique le rugbyman Gilles Dumas : «on  est  passé  du  sponsoring  jetable – visibilité  tous  azimuts,  mais  absence  de sens avec des sponsors que l’on voit sans regarder et dont on ne souvient pas – au sponsoring durable, qui est le fait d’une marque qui construit pour la société, l’environnement, l’homme et se  construit  parallèlement  une  image  et  une  valeur  d’éthique durable.»

C’est d’ailleurs la stratégie du célèbre footballer Kylian Mbappé qui trie sur le volet ses partenaires, sélectionnés sur des critères précis et surtout en cohérence pour ne pas devenir un homme-sandwich. C’est ainsi qu’il a choisi en plus de l’équipementier Nike et de l’horloger Hublot de s’associer avec Good Goût, une marque de produits alimentaires bio pour enfants, afin de promouvoir le bien manger. Cette démarche n’est pas sans rappeler le geste tant commenté de Cristiano Ronaldo, qui, en juin 2021, a retiré deux bouteilles de Coca-Cola de la vue des caméras lors d’une conférence de presse pendant l'Euro pour les remplacer par des bouteilles d’eau, écorchant au passage l’image de la marque et la valeur de l’action de la multinationale. Ce geste n’a pas reçu le soutien de l’UEFA, qui a rappelé aux équipes l’importance des partenariats pour le bon déroulement du tournoi, mais il a largement fait réagir. Evian et l’OMS sont même allés jusqu'à rebondir dessus pour promouvoir la consommation d’eau et alerter sur les risques du sucre dans l’alimentation.

Si le sponsoring existe donc depuis plus d’un siècle, il est évidemment en constante évolution. Sans surprise, et de la même manière que les tendances de consommation évoluent, les ambassadeurs, comme les spectateurs, sont à la recherche de plus de sens et de transparence. Exit le rôle de potiche et la crédulité à toute épreuve, le sponsoring est plus que jamais un co-branding, où pour une fois tous les participants doivent être gagnant.

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