Cahier transition

Ces communications trompeuses sur la réalité de l’engagement écologique sont pointées du doigt par les ONG et entachent la réputation des marques. Comment s’en prémunir ? Quelles sont les bonnes pratiques ? Réponses d’experts.

Le 22 mars dernier, le média en ligne Vert a décerné le titre de « king du greenwashing » à TotalEnergies pour une campagne qui citait les rapports du Giec pour justifier ses investissements dans le gaz naturel liquéfié. Burger King a raté de peu la couronne pour sa publicité vantant la vaisselle réutilisable, qui n'est pas un engagement individuel mais la simple application de la loi Agec (antigaspillage pour une économie circulaire). En 2022, l’association Zero Waste France a porté plainte contre Adidas et New Balance, qui affirmaient qu’acheter des baskets en plastique recyclé mettait fin à la pollution plastique. « On n’a jamais autant parlé de greenwashing », constate Valérie Martin, cheffe du service mobilisation citoyenne et médias à l’Ademe.

Lors d’une conférence en ligne sur ce sujet, organisée par le cabinet Onclusive le 15 mars, la spécialiste a rappelé que le dernier rapport Publicité et Environnement de l’ARPP et de l’Ademe, sorti en 2020, relevait 11% de publicités à thématique environnementale non conformes, le taux le plus haut depuis dix ans. L’écoblanchiment concerne la majorité des plaintes adressées au jury de déontologie publicitaire. L’actualité législative depuis trois ans, avec les lois Mobilités, Agec et Climat, a propulsé le sujet de la RSE dans les entreprises, avec de possibles dérives et donc un regain de vigilance citoyenne. Selon Corinne Foucault, directrice générale d’Onclusive France, « les contenus médiatiques et les conversations sur le greenwashing ont doublé chaque année entre 2019 et 2022, principalement sur Twitter, avec un pic de discussion sur la Cop 26 en novembre 2021. L’énergie et la banque occupent la majorité des conversations sur le greenwashing. »

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Toutes les mauvaises pratiques n’ont pas pour finalité première de nuire aux consommateurs. Beaucoup relèvent de la maladresse face à des sujets en cours d’acquisition. D’où l’importance de savoir exactement de quoi l’on parle. Mathieu Jahnich, consultant-chercheur spécialisé en communication responsable, a donné une définition lors de la table ronde « Comment faire une publicité RSE sans greenwashing ni langue de bois », organisée par Stratégies le 29 mars dernier : « C’est l’utilisation abusive et trompeuse de l’argument écologique qui vient semer la confusion dans l’esprit du public sur la réalité des efforts à entreprendre. »

En partenariat avec l’ARPP et l’Ademe, le spécialiste a identifié cinq grandes familles de greenwashing : la banalisation de comportements négatifs ou le dénigrement de pratiques positives, comme le fait de comparer les transports en commun à une boîte de sardines pour vendre un véhicule, même électrique ; des promesses mensongères ou disproportionnées, comme prétendre qu’acheter un déodorant compressé « libère la planète des émissions de CO2 » ; l’absence de preuves, comme les allégations de neutralité carbone, désormais strictement encadrées (cf Stratégies du 28 avril 2022) ; l’utilisation de visuels ou de sons suggestifs, comme des logos verts ou des chants d’oiseaux pour dire qu’un produit protège la nature ; enfin, la communication sur des enjeux secondaires, comme la campagne du Crédit Mutuel de 2021 sur une carte bancaire en plastique recyclé, alors que l’essentiel de l’impact écologique des banques provient de leurs investissements. « Le greenwashing freine la transition écologique et solidaire car il peut pousser à consommer un produit en pensant qu’il est bon pour la planète. Il crée aussi une concurrence déloyale envers des entreprises sincères et proportionnées dans leurs communications », souligne Mathieu Jahnich.

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Avec la crainte d’être pointées du doigt vient la tentation du « greenhushing », ou le fait de taire ses engagements, ce qui est préjudiciable aussi à la bonne information des consommateurs. Pour Luc Wise, fondateur de l’agence de publicité The Good Company, la réponse ne peut venir que de la formation. « Lorsque j’ai monté l’agence en 2019, le greenwashing n’était presque plus un sujet. Aujourd’hui, il est entré dans le débat général au-delà de la publicité. Les politiques s’en mêlent quand ils parlent de "Make the planet great again". Contre le greenwashing, le social washing et la langue de bois en général, il faut développer l’esprit critique. Chez The Good Company, on a mis en place des formations pour créer une culture d’entreprise commune. Face à un brief, il y a toujours quelqu’un dans l’équipe qui va questionner la pertinence d’un label ou d’une affirmation sans preuve », expliquait-il lors de la conférence Stratégies du 29 mars.

Même chose chez TF1 Pub, où Mathieu Jahnich a mené des formations sur le greenwashing. Pour nourrir sa culture critique, il faut aussi s’appuyer sur les bonnes pratiques, car il y en a. Ainsi la publicité Ebay « L’appareil photo » promeut non seulement la seconde main mais aussi la réparation et les pièces détachées, pour remettre en marche un vieil appareil argentique. De son côté, Leroy Merlin met en avant la rénovation énergétique dans sa dernière campagne (cf Stratégies du 26 janvier 2023). Preuve qu'une publicité sincère, juste et efficace, c'est possible.

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