C’est un fait, la reprise est bien là. Mais est-elle durable ou seulement dopée par un agenda chargé par la Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques ? Peu importe, l’écosystème devant quoi qu’il en soit s’organiser pour faire face à cette année exceptionnelle.

Après la disette, place aux problèmes de riches. VivaTech magnifié, Cannes reglamourisé, retour en force du Mans… L’amplification des grands rendez-vous et les activations ambitieuses des partenaires démontrent à nouveau des investissements en hausse. « Le deuxième semestre 2022 a été chargé au-delà des prévisions, avec ce retour fort des manifestations récurrentes ainsi qu’un effet de report post-covid », confirme Marta Gomes, directrice adjointe division commerciale du gestionnaire de sites Viparis. Même son de cloche pour 2023 chez Antoine de Tavernost, CEO d’Auditoire : « Nous avons eu un premier semestre historique en termes de production qui se termine, fin juin, avec 35 projets. Et après un été plus calme, la reprise sera forte en septembre. »

Les JO et le rugby y sont-ils pour quelque chose? Concernant la Coupe du monde, rien n’est moins sûr. « Dans un bon niveau d’activité générale, nous ne voyons aucun décollement des briefs sur ce sujet », constate Jean François Hollender, DG de l’agence d’expérience live With Up.com. Viparis ne voit pas non plus d’impact sur ses sites, tout comme Denis Rémon, directeur événementiel de Paris Society, administrant plus de 100 lieux en France. « C’est un épiphénomène qui n’encombre pas nos plannings, car ces événements sont souvent traités de manière court-termiste, en fonction des performances de l’Equipe de France », rappelle l’expert.

Les Jeux olympiques ont-ils plus d’impact ? Les avis restent partagés. Pour Meryl Beets, directeur associé de l’agence Double 2, la vague est bien là : « Beaucoup de marques s’activent avec un encombrement humain, logistique, technique et médiatique qui va monter en puissance. » D’autres, comme Denis Rémon, ne voient pas encore la déferlante : « Une trentaine de groupes travaillent ce sujet depuis deux ans avec nous pour verrouiller les emplacements  stratégiques, tels que ceux aux alentours du Palais de Tokyo qui accueillera le Club-House 24. Mais le reste du marché demeure prudent face aux incertitudes de ces dernières années. »

Des ajustements

Il est vrai que certains annonceurs, prévoyants, ont préféré prendre leurs précautions. Damarys Puel Balas, head of event management pour Amundi Asset Management, en fait partie : « Nous avons avancé de six mois nos appels d’offres structurants pour nous assurer des meilleures ressources. Nous avons aussi décalé dans le temps certaines manifestations pour qu’elles puissent jouer en amont de la journée olympique. »

Arrivée du Tour de France à Nice et non à Paris, avancement de quelques jours pour la tenue du Festival des Vieilles Charrues, de l’Interceltique de Lorient, des Francofolies ou d’Avignon…. Les grandes manifestations sportives et culturelles ont elles aussi ajusté rapidement le tir, comme Rock en Seine, avancé de quelques jours, ou Lollapalooza, décalé à juillet. Pour le reste, et en particulier le marché privé, c’est surtout statu quo : « Nous n’avons pas constaté de déplacements d’événements sur nos sites,  sauf pour Paris-le-Bourget qui accueille pour une occupation longue le centre officiel des médias », explique Marta Gomes.

Le calme avant la tempête ? Probablement. « Nous vivons depuis la crise covid un autre temps et avons d’autres manières de travailler. Les annonceurs sont frileux et les briefs très tardifs », rappelle Jean-François Hollender. « Nous savons que nous aurons une vague de dernière minute, avec des délais de production courts, et cet enjeu-là est à anticiper », confirme Guillaume Pommier, directeur général de Double 2. Des conditions de travail désormais habituelles, qu’il faudra gérer en concomitance avec les autres points noirs de l’ère post-covid. L’inflation galopante d’abord, mais aussi une intransigeance de la part de prestataires qui, après avoir souffert pendant la pandémie, ont changé les lois du marché : options sur les lieux souvent impossibles, refus d’appels d’offre si la chance du gain n’est pas réelle, flexibilité plus faible…

La question RH

Autre problème à gérer dans ce dernier sprint, celui des ressources humaines, qui font déjà cruellement défaut. Guillaume Pommier, qui vit cette montée en puissance de l’intérieur avec une partie des équipes déjà dédiées à l’organisation officielle, le confirme : « Une partie des talents a été recrutée sur la préparation. En un an, nous sommes passés de 0 à 80 personnes mobilisées à l’agence. Cela crée un énorme manque pour les besoins à venir. » Afin d’absorber la future onde de choc, la filière anticipe donc de nouveaux réflexes. Guillaume Pommier et Meryl Beets ouvrent par exemple la discussion sur les projets : « Nous  conseillons à nos clients d’anticiper pour ne pas amoindrir l’émergence de leur prise de parole sur ces dates, et proposons la création d’actes communicants à forme multicanale, afin de s’affranchir des contraintes de logistique et de production. »

Même tactique chez Auditoire, qui, comme le rappelle Antoine de Tavernost, capitalise aussi sur la marque employeur : « Des fonctions de talent managers ont été créées pour sourcer, rencontrer et élargir l’écosystème, les partenariats avec les écoles ont été renforcés, et nous sécurisons les freelances sur des contrats plus long terme que d’habitude. »

Alliance et entraide

Pour anticiper les pénuries matérielles, le dirigeant s’appuie aussi sur la capacité du groupe à l’international pour mobiliser toutes les ressources. « Nous étudions le potentiel de la Belgique, du Benelux et de l’Allemagne. » Autre direction qui convainc le dirigeant, celle de la coopétition : « Nous ne pourrons pas absorber tous les flux, l’alliance et l’entraide sont donc de mise. Des agences internationales partenaires nous proposent leurs ressources, et nous confions à certaines structures habituellement concurrentes des productions exécutives. Tout le monde travaillera, il faut donc en faire une force. »

Les efforts paieront à long terme, rappelle Marta Gomes : « Nous œuvrons dès maintenant à capitaliser sur cet héritage, avec un vrai plan d’action sur des évènements que nous voulons faire venir sur Paris. Londres a en effet démontré que l’effet JO valorise la destination pour plusieurs années. » Un pari sur l’avenir que tient donc volontiers la filière française de l’événement.