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Le nouveau patron de Prisma Presse, Rolf Heinz, se confie sans détour sur sa conception du management et sa vision de l’entreprise. Portrait.

Lorsqu'on lui demande s'il se sent plus allemand qu'espagnol, il réfléchit un temps… avant de répondre dans un français parfait : «J'ai fait mes études en Allemagne, je parle probablement mieux allemand qu'espagnol. Mais mes attaches familiales sont en Espagne.» Volubile, le germano-hispanique Rolf Heinz, quarante-trois ans, président-gérant de Prisma Presse depuis octobre 2009, reçoit dans son bureau de la rue Daru, à Paris, dans un style décontracté et affable qui tranche avec celui de son prédécesseur. Le quadragénaire à l'allure athlétique se raconte sans affèteries : une enfance à cinq kilomètres de la frontière française, non loin de Mulhouse, une adolescence marquée par le goût de la politique, de l'économie ou de l'histoire. «Je pensais alors devenir politicien ou diplomate», raconte-t-il.
Un stage au sein du quotidien régional Hamburger Blatt lui donne le virus du journalisme. Mais, très vite, l'ambitieux Rolf se découvre une disposition pour le management : «Le journalisme est un métier fantastique, mais j'aime aussi prendre des décisions, être dans l'action», explique-t-il. Il fera ses débuts dans la division internationale du groupe Bauer, et y apprend le management à l'allemande, marqué par une certaine collégialité : «En Allemagne, il existe le “vier Augen Prinzip”, le principe des quatre yeux, qui veut que l'on ne prenne aucune décision sans l'assentiment d'un autre membre du board», souligne-t-il. En ira-t-il ainsi en France ? «Que ce soit pour une offre à un client ou un changement de fournisseur, on en discute soit au comité de direction, soit avec Pierre Riandet [directeur général de Prisma], soit avec l'éditeur concerné, confie-t-il. On prend des décisions ensemble, je trouve cela très raisonnable. Mais je ne suis pas non plus extrêmement collectif. J'aime l'autonomie. Ou plutôt j'aime bien l'harmonie à condition d'être libre. Cela me rend nerveux quand je dépends de quelqu'un qui va toucher mon rayon d'action.» Hombre !
Entre 2005 et 2009, Rolf Heinz est la tête de la division italienne de Prisma Presse. Les réunions «où l'on n'a pas trop tendance à prendre de décisions» sont pour lui une curiosité. Lorsqu'on lui propose de venir prendre la tête de la filiale française, cet ultrapragmatique ne tergiverse pas : «J'ai dit, oui, ça m'intéresse et je me sens capable : la France est la filiale la plus importante du groupe. De manière générale, lorsque je prends une décision, je pars du principe que c'est la bonne, par définition», avoue-t-il. Si Heinz a été choisi, c'est parce que, souligne-t-il, «les patrons de Gruner + Jahr me connaissent, et savent que je n'ai pas besoin de feuille de route». Le fondateur de Prisma Presse, Axel Ganz, lui a néanmoins prodigué ses conseils : «Je nourris une grande admiration pour lui : c'est quelqu'un de très humble, qui sert le café lui-même en réunion. Il fait partie de ceux au sein du board qui disent qu'il faut donner une vision à l'entreprise, avec un nouvel enthousiasme, de la passion et de la motivation.»

Plus de synergies

Rolf Heinz assure qu'il n'est pas venu en France pour serrer les coûts. Néanmoins, pas question de voir se déliter la profitabilité du groupe. «À effectif constant, plus d'activité et à périmètre constant, moins d'effectifs», répète-t-il à ses troupes. La régie, qui s'est séparée d'une quinzaine de personnes tout en se réorganisant à 360 degrés, au profit d'une approche par client, en a fait les frais. Tout comme VSD, où un plan de départs de treize journalistes a été ouvert. Motif : après quatorze années de repositionnements et 70 millions d'euros investis, il fallait repenser son modèle économique. D'où le choix aussi de synergies avec Prisma TV pour des pages de programmes. «J'ai dit non pour un relancement avec un grand investissement : il faut faire les devoirs d'abord», argue-t-il.

Si Prisma est selon lui «en bonne santé» et doté d'une «forte créativité», le groupe accuse encore une faiblesse en termes «d'adaptation à son environnement». Pourquoi pas plus de synergies entre les déclinaisons internationales de Geo, Capital ou Ça m'intéresse ? Pourquoi ne pas innover, comme avec Neon, en Allemagne, qui a conquis les jeunes filles de 20 ans ? «Il faut être prêt à faire des magazines qui ne sont pas conçus selon les critères de Geo ou de Capital, mais qui sont en adéquation avec la cible», conclut Rolf Heinz.

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