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Dans son livre «J'ai travaillé pour la propagande chinoise» (Éditions du moment), la journaliste Anne Soëtemondt, 25 ans, explore de l’intérieur comment fonctionne la radio d’État chinoise, Radio Chine internationale.

Début février, les autorités chinoises ont censuré les informations sur le mouvement de contestation du régime d'Hosni Moubarak en Égypte. Est-ce dans ses habitudes?

A nne Soëtemondt. Les médias chinois en ont parlé, mais de manière positive, en valorisant le pouvoir en place. Parce que le chaos ne plaît pas aux autorités chinoises, qui ont des intérêts économiques dans la région. On imagine mal un article en Chine sur le rôle des médias sociaux dans les révoltes du Moyen-Orient: cela renverrait le pouvoir chinois à ses propres faiblesses, puisqu'en Chine même, une certaine dissidence se développe via les réseaux sociaux.


Pourquoi avez-vous décidé de passer un an au sein de la rédaction en français d'un média officiel chinois?

A.S. J'ai hésité, car je me disais que j'allais travailler pour la propagande. Mais c'était l'occasion d'aller en Asie, d'être dans un système médiatique fondé sur le contrôle de l'information, au contraire du nôtre, qui repose sur la liberté de la presse. Radio Chine internationale est intégrée au Centre d'information chinois, qui diffuse des dépêches dans une cinquantaine de sections, organisées par langues, destinées à la radio et au Web. J'ai découvert une rédaction désorganisée, où l'impératif d'«harmonie» importe plus que l'efficacité. L'objectif du gouvernement était avant tout de dire qu'il dispose d'une radio diffusant dans plus de 150 pays.


Étiez-vous censurée?

A.S. Je m'autocensurais. Il y a de toute façon un contrôle de l'info à sa source, comme à Radio Chine internationale. On se doit de ne diffuser que de l'info positive. En Chine on ne parle pas de censure, mais d'«harmonisation».


La censure chinoise s'exerce aussi sur les médias étrangers et les réseaux sociaux. Les Chinois en sont-ils conscients?

A.S. Plusieurs médias étrangers ou sites critiques sont bloqués, comme RFI, la BBC, les sites tibétains, celui de Reporters sans frontières… Du côté des réseaux sociaux, MSN est beaucoup utilisé. You Tube, Twitter et Facebook fonctionnent difficilement. Et les Chinois ont leurs propres réseaux sociaux. Internet fonctionne, mais avec des filtres mis en place par le gouvernement: un message d'erreur s'affiche lorsqu'on tente d'accéder à des pages «sensibles».


Y a-t-il des débuts de dissidence en Chine?

A. S. Pour contourner les pare-feu installés par le régime, beaucoup adoptent des petits programmes comme Little Dragon pour accéder à des blogs. J'ai déjà entendu des Chinois me dire qu'ils ne croyaient pas à l'info officielle, mais beaucoup plus aux blogs.

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