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Quatre ans après sa dernière parution, le luxueux et rare Égoïste revient dans les kiosques. Sa créatrice, Nicole Wisniak, revendique une liberté absolue.

En préambule, il faut donner sa parole d'honneur. Nicole Wisniak reçoit dans ce qu'elle appelle son «antre», mais fait jurer que, de son appartement, l'on ne livrera aucune description. La patronne d'Égoïste, chevelure incandescente, entièrement vêtue de noir, ne cesse de répondre au téléphone. Les libraires l'appellent directement chez elle, aux cent coups: certains s'inquiètent de ne pas avoir reçu la dernière livraison de la revue, dont le dernier numéro est sorti il y a quatre ans. «Égoïste est un spasmodique, explique sa créatrice. Il sort quand il est prêt.»

 

Seize numéros de la revue sont sortis depuis sa naissance, en 1977. À l'époque, Nicole Wisniak «travaille sur la succession de Picasso avec Maurice Rheims». Avec 8 000 francs, elle lance la revue, qu'elle baptiste Égoïste «parce que je me disais que c'était un défaut assez répandu pour avoir des lecteurs». Une amie, une certaine Françoise Sagan, lui donne ce conseil: «Crée un journal rédigé par des écrivains.»

 

Un égoïste, dit-on, c'est quelqu'un qui ne pense pas à moi. Mais les lecteurs ont très vite accordé toute leur attention au magazine. Certaines unes, comme le portrait d'Isabelle Adjani nue (1989), ou la photo de Yannick Noah en plein saut, dans le plus simple appareil lui aussi (1992) ont marqué les esprits. «Les premiers numéros se vendent aujourd'hui à 700 euros sur Internet», souligne, non sans fierté, Nicole Wisniak.

 

En 290 pages, 3 kilos de papier repartis en 2 tomes (vendus 35 euros) sur lesquels figurent une Keira Knightley mutine et le musicien James Thierrée, ténébreux: voici la dernière livraison d'Égoïste. Seuls 25 000 exemplaires en ont été tirés. Pas de luxe sans rareté. «Au moment où votre article sortira, la revue sera probablement épuisée», prédit Nicole Wisniak.

 

Dans Égoïste, l'on sent un tropisme résolument germano-pratin. Bernard Henri Lévy y dispense ses «Dix commandements à l'usage des paranoïaques expérimentés», parmi lesquels «se méfier des mains moites, et, chez les hommes, des cheveux teints». Sans doute sait-il de quoi il parle. Frédéric Beigbeder y signe quant à lui un portrait séminal de l'actrice Léa Seydoux, tandis qu'Ingrid Betancourt y devise avec Diane von Furstenberg. Très chic.

 

De la publicité efficace et durable

«Si j'ai envie de faire 48 pages sur mon pied gauche, rien ne m'en empêche», explique Nicole Wisniak, qui se félicite «de n'appartenir à aucun éditeur de presse». Cette «amoureuse de la liberté» accepte certes les publicités, mais à condition qu'elles soient conçues par les équipes d'Égoïste. L'on y voit ainsi une série spectaculaire pour Vuitton, où l'on suit les tribulations d'un ours polaire.

 

Les annonceurs abandonnent de bonne grâce leurs marques aux fantaisies de Nicole Wisniak. «Dans la publicité, il y a tellement de tests que les annonceurs prennent du plaisir à nous laisser faire, lâche-t-elle. D'autant que le résultat est efficace: les lecteurs les contemplent un long moment.»

 

Ces lecteurs, Nicole Wisniak est entrée en contact avec eux grâce à la page Facebook de la revue créée par sa fille Judith, qui a officié chez L'Oréal au département marketing interactif. La jeune femme connaît son affaire: son parrain a pour nom Helmut Newton, sa marraine n'est autre que Bettina Rheims, et dès l'âge de 5 ans, elle suivait sa mère dans les shootings du magazine. Elle aussi répond aux incessants appels de libraires. Nicole Wisniak, elle, ne se repose pas. «Je songe au prochain numéro, dit-elle, comme à un lever de soleil qui me brûlerait la peau.» Patience.

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