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Le scandale des écoutes téléphoniques de News of the World a pour conséquences d'entraver la marche des affaires de News Corp. Et de déboulonner la statue du commandeur.

A quoi pouvait bien penser Rupert Murdoch en cet après-midi ensoleillé du 7 juillet 2011, sur ce green de golf de l'Idaho envahi par les reporters? La branche britannique de News Corp connaissait alors la crise la plus virulente de son histoire, avec les derniers rebonds de l'affaire des écoutes de News of The World. Murdoch père, quatre-vingt ans, devait-il rester jouer au golf pour mieux se laver les mains d'un scandale qui, officiellement, n'avait été le fait que de certains membres d'une rédaction vivant par et pour de meilleures polissonneries que la concurrence? Ou bien voler au secours de Murdoch fils, patron de la branche européenne?

Le big boss a finalement choisi la deuxième option, quitte à vivre dix jours plus tard, «le jour le plus humiliant de [sa] vie» lors de l'audition parlementaire. Quitte, aussi et surtout, à décrédibiliser son fils James (qu'il présentait à chaque fois de façon maladroite comme «my son» lors de leur audition côte à côte). Successeur désigné après les désistements successifs des deux aînés de son deuxième mariage, Lachlan et Elizabeth, James Murdoch a jusqu'à présent su garder son poste à la tête de News International et à la présidence non exécutive de B Sky B. Mais pour combien de temps?

«Clairement, le processus de décision pendant la crise a été très mauvais, indique Peter Kirwan, l'expert en médias du Guardian. Derrière cette mauvaise gestion, la question n'est même plus de savoir quelle est la stratégie de News Corp, mais bien qui, dans la famille, dirige effectivement la société. Rupert et James sont l'un et l'autre en grande difficulté par rapport à cette question cruciale. On sait qu'il sera désormais très compliqué pour eux de demeurer les principaux dirigeants.»

Une affaire de famille

Au-delà de l'affaire des écoutes illégales, c'est bien la façon dont Rupert Murdoch a préparé sa succession qui pose problème. L'acquisition récente du groupe de production audiovisuelle britannique Shine, créé et dirigé par Elizabeth, la fille ainée de son deuxième mariage, a permis à cette dernière d'intégrer le conseil d'administration de News Corp aux Etats-Unis. Mais le prix fort déboursé (613 millions de dollars) pour s'offrir ce robinet à succès (Les Tudors, Masterchef, etc.) interpelle. D'autant qu'Elizabeth, née l'année du rachat du Sun (1968) s'est personnellement enrichie de 214 millions de dollars. La transaction Shine a d'ailleurs été annoncée au moment même où News Corp jetait son dévolu sur les 61% manquants de B Sky B, avant de renoncer, le 13 juillet, à ce rachat, qui devait déjà lui permettre d'occuper une position écrasante dans l'audiovisuel britannique. Aujourd'hui, James, à qui revient de diriger plus de la moitié du chiffre d'affaires de News Corp, se débat face à la commission parlementaire britannique, qui souhaite l'entendre une deuxième fois sur le scandale News of the World. Et la Commission de la concurrence regarde à la loupe les droits de B Sky B, qui profiterait de ses accords exclusifs avec les majors hollywodiennes et de ses 10 millions d'abonnés pour rafler les droits du cinéma au nez et à barbe de ses rivaux.

Le patriarche a fait le nécessaire pour que l'empire News Corp reste avant tout une affaire de famille. Mais le scandale News of the World semble le révélateur d'une erreur de jugement qui fragilise le clan: «La question est de savoir si Rupert Murdoch a toujours une vision juste, car il s'est quand même beaucoup trompé dans les décisions prises pendant la phase haute de la crise, estime Claire Enders, fondatrice d'Enders Analysis, à Londres. Autant les fondamentaux de la société sont solides, autant les problèmes de management qui sont apparus ces derniers temps risquent d'avoir des retombées profondes».

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