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Après des mois de tractations, l'Autorité de la concurrence impose à Google a l'obligation d'entamer des négociations « de bonne foi » dans les trois mois avec les éditeurs. Une décision saluée par Marc Feuillée, directeur général du groupe Le Figaro.

Ce mois d'avril 2020 a des allures de victoires pour les éditeurs de presse. Après sept ans de vaines batailles contre Google pour obtenir des droits voisins (au droit d'auteur) pour la publication des articles de presse sur le moteur de recherche, l'Autorité de la Concurrence vient de rendre une décision radicale. Elle enjoint Google à ouvrir des négociations « de bonne foi » avec eux. Marc Feuillée, directeur général du groupe Le Figaro ne cache pas sa satisfaction : « Depuis 2012, nous essayons d'obtenir un accord avec Google. Vainement. Cette décision claire et forte nous donne raison sur tous les points et marque un tournant. Il s'agit de mesures conservatoires, sans appel suspensif, avec une injonction à appliquer la loi et l'appel à des négociations dont l'issue doit aboutir dans les trois mois. L'accord sera rétroactif. »

« Cupidité »

Depuis l'entrée en vigueur en France, le 24 octobre 2019, de la loi sur les droits voisins - premier pays européen à l'appliquer -, Google s'est contenté de proposer aux éditeurs de renoncer à leurs rétributions ou d'enlever les courts extraits d'amorce et la photo d'appel de leurs articles, donc de dégrader leurs publications. Les éditeurs en ont appelé à l'Autorité de la concurrence : « Depuis ce 24 octobre, il est stupéfiant de noter qu'aucune plateforme d'agrégation, que ce soit Google, Linkedin, Facebook ou Twitter n'a passé un accord avec les éditeurs. Alors que nous devrions être partenaires et bénéficier d'une rémunération pour nos contenus et d'un partage de valeur, nous sommes dans un rapport de force. Il y a de la cupidité derrière tout cela. Ces plateformes ont un discours schizophrénique : elles disent vouloir défendre la presse et refusent de la rémunérer pour ses contenus. »

Malgré cette décision de la rue de l'Échelle, Google enfonce le clou. L'entreprise nous explique que, pour maintenir la confiance des utilisateurs, elle met en avant les pages qui lui semblent les plus pertinentes. Mais elle n'entre pas dans un échange commercial avec les éditeurs. Elle ne vend pas de contenus aux utilisateurs car cela réduirait la pertinence de l'article. Et elle ne paye pas les éditeurs lorsque les internautes cliquent sur leurs liens dans un résultat de recherche. Opérer de toute autre manière réduirait, selon Google, le choix et la pertinence pour ses utilisateurs - et entraînerait finalement la perte de leur confiance dans ses services. Toujours selon Google c'est aux éditeurs de tirer une valeur des 8 milliards de visites sur leurs sites adressés via Google chaque mois dans le monde. Ils peuvent monétiser ces visites via leurs abonnements, la publicité et en augmentant leurs audiencesRichard Gingras, VP News de Google ajoute : « Nous nous conformerons à la décision de l'Autorité de la Concurrence que nous sommes en train d’analyser, tout en poursuivant ces négociations ». Schizophrénique avez-vous dit ?

« Nous ne voulons pas des amendes et des condamnations mais un accord. Et nous avons le plein soutien du gouvernement, des pouvoirs publics et du Parlement. Le temps des arguties est terminé » martèle Marc Feuillée. Quels montants espèrent les éditeurs ? « Le chiffrage repose sur des données que Google n'a jamais voulu nous transmettre, à commencer par leur chiffre d'affaires dans notre pays, ou leur revenu moyen. Ils vont devoir nous donner ces informations. Mais je suis confiant : nous n'avons jamais été aussi près d'un accord, qui devrait être conclu d'ici la fin de l'été. »

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