Rétrospective
Le mensuel de la contre-culture fondé par Jean-François Bizot a popularisé le journalisme gonzo et donné à voir les minorités.

« J’ai travaillé à Actuel de 1985 à 1991, signant le premier article sur le sida qu’on appelait alors le cancer gay, un autre sur les premières rave-parties, ou le zapping, que j’avais découvert aux États-Unis en enquêtant sur des enfants surdoués dans le milieu de la pub en 1986. 

Actuel était un mensuel marginal qui est devenu mainstream. Jean-François Bizot et ses équipes savaient sentir l’époque. Trois ans avant le référendum de 1992, en revenant d’Afrique du Sud, il a signé un article sur “L’Apartheid craque : même les Blancs en ont marre”. Il a importé des États-Unis le journalisme gonzo écrit à la première personne avec l’exigence de raconter journalistiquement des sujets à la marge, en allant sur le terrain. Encore étudiant, je me souviens de ce rigoureux test en laboratoire pour évaluer la pureté de la cocaïne avec six échantillons achetés dans six lieux différents de Paris. Bizot était aussi un titreur de génie. Pour son interview de Gainsbourg, il avait titré : “Mon zizi est partout, ma tête est dans Actuel”. 

Après une décennie de succès et des ventes jusqu’à 400 000 exemplaires, le journal s’est usé et ses recettes publicitaires ont plongé à la suite de l’adoption de la loi Evin interdisant la pub pour l’alcool et les cigarettes, dès 1986. Parallèlement, Alain de Greef [alors patron des programmes de Canal+] a puisé chez Actuel et Nova, tous deux dirigés par Bizot, nombre de talents pour nourrir sa chaîne : Karl Zéro, Jamel Debbouze, ou Édouard Baer. J’ai été de ceux-là. Personne n'a pu refaire Actuel mais son esprit perdure dans des émissions comme Cash Investigation, Quotidien, et même Rendez-vous en terre inconnue. »

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