Tribune

Que ce soit sur les réseaux sociaux ou vis-à-vis de la communauté internationale, le président ukrainien Volodymyr Zelensky semble bien avoir remporté la bataille de communication face à la Russie. Mais cela suffira-t-il pour remporter la guerre ?

Double front. Au-delà d’une guerre militaire et politique féroce engagée par Vladimir Poutine, une guerre de la communication fait rage depuis le 24 février dernier et l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Cette bataille parallèle où l’information circule en permanence, de manière effrénée et décuplée, est une bouée de sauvetage pour l’Ukraine, qui est parvenue à dicter le récit.

L’Ukraine a découvert un héros en la personne de Volodymyr Zelensky. Alors qu’en 2019, l’élection de ce natif de Kryvyï Rih, quoique cocasse de prime abord, n’avait pas défrayé la chronique dans la presse mondiale, l’opinion internationale admire désormais le sang-froid et l’abnégation du président ukrainien, astreint et obligé, que rien ne destinait à la fonction. Encore moins dans de telles circonstances éprouvantes. Celui qui fut comédien et humoriste s’est mué en chef de guerre déterminé en un temps record et a immédiatement su faire des médias et des plateformes des alliés salvateurs. Volodymyr Zelensky s’est notamment distingué en tenant des conférences de presse savamment orchestrées, avec charisme et clarté, et en révélant quotidiennement de courtes vidéos sur les réseaux sociaux, donnant parfois à ce conflit de curieux airs de livestream. En mission pour sa nation, le président ukrainien, en habitué des écrans, cultive l’art de se mettre en scène avec dextérité, allant jusqu’à inspirer le président-candidat Emmanuel Macron dans ses choix vestimentaires.

Fort de cette aura médiatique, Volodymyr Zelensky est parvenu à remporter la bataille du récit et à rallier à sa cause, à la quasi-unanimité, non seulement la classe politique, mais également le monde du sport et du divertissement, et ce à l’échelle globale, alors même que nombre de ces soutiens peinaient à placer l’Ukraine sur la carte de l’Europe il y a encore quelques semaines…

L'influence médiatique de la Russie périclite

Promptement, les grandes instances sportives ont décidé de rompre toute relation avec la Russie et ses représentants. À titre d’exemple, la finale de la Ligue des champions de football du 28 mai n’aura pas lieu à Saint-Pétersbourg, comme prévu initialement, mais à Paris ; la Formule 1 ne se rendra pas à Sotchi en septembre prochain et les athlètes russes et biélorusses ont été privés des Jeux paralympiques de Pékin de ce mois de mars à la veille de la cérémonie d'ouverture. La Russie a tout bonnement été rayée de la carte du monde du sport et de sa médiatisation hors-norme jusqu’à nouvel ordre. Une perte communicationnelle exceptionnelle.

Répudiée et blacklistée par le monde du sport, la Russie a également vu son influence médiatique péricliter. L’Union européenne a acté la suspension de Russia Today (RT) et Sputnik pendant que les grandes rédactions internationales (BBC, CNN, CBC, Bloomberg, Radio Canada, ARD…) ont décidé de couper les ponts avec Moscou. Pour la Russie, cette répulsion s’accompagne également d’une coupure brutale et potentiellement dévastatrice avec l’industrie numérique, symbolisée par la déchirure subie autant que voulue avec les GAFA. Google, Apple et Microsoft ont ainsi retiré totalement ou partiellement leurs produits et activités de Russie pendant que le régulateur russe des médias a ordonné le blocage de Meta (Facebook) dans le pays. Recroquevillée et acculée, la Mère Patrie se retrouve dès lors recluse dans un isolement médiatique extrême, avec des méthodes de coercition et de censure se rapprochant inéluctablement des obscures techniques chinoises en matière de contrôle de l’information.

Comment et combien pèsera cette guerre de la communication, alors que ce conflit terrible pourrait ne pas trouver d’épilogue à brève échéance ? Cela dépendra avant tout de la capacité du président ukrainien à maintenir une attention et une pression médiatique intense, prégnante et pérenne, et de la volonté d’une opinion internationale de ne pas s’essouffler, s’assoupir et se liquéfier.

Allant jusqu’à introduire dans le code pénal une peine de 15 ans de prison pour quiconque diffuserait de «fausses informations» (selon le Kremlin), Poutine a renoncé, contraint et forcé, à remporter la bataille de la communication, de l’influence et du soft power pour se concentrer massivement sur le hard power et une tactique militaire mortifère. Une stratégie qui signera sa perte ? Remporter la guerre de la communication ne vous assure pas à coup sûr la victoire. Mais elle peut vous conduire à la défaite.

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