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Les conditions de travail des photographes et les restrictions d’exploitation de leur travail imposées par le management des artistes fragilisent festivals et médias.

« Madame Abdul Malak, […] il vous revient de rappeler […] que la liberté de la presse n’est pas un cliché », martèle Emmanuel Poupard, 1er secrétaire général du Syndicat national des journalistes dans sa lettre ouverte à la ministre de la Culture publiée le 9 août. Dans le viseur, les entraves dont les photographes de presse font l’objet lors des festivals de théâtre et de musique. Photos à faire valider par les managers avant parution, formulaires de non-réutilisation, profil de l’artiste à éviter… La liste se rallonge toujours comme le confirme Olivier Garnier, l’attaché de presse du festival du Hellfest. « Cette demande est naïve car un ministre de la Culture n’aura jamais le contrôle sur le droit à l’image d’un groupe. Mais je me demande parfois si les photographes lisent les contrats des managers tant ils sont parfois excessifs, avec le fait d’exploiter pour la promo de l’artiste les photos réalisées lors du festival ».

L’homme a accrédité plus de 300 photographes pour un record historique de 420 000 festivaliers en sept jours. « Il y a quinze ans, il y avait 20 000 métalleux et cinq à six fois moins de photographes. Nous étions bien contents d’être soutenus par de petits médias, alors nous essayons d’en accueillir le plus possible ». Sauf que les festivals sont liés par contrat aux managers des artistes… qui choisissent in fine le nombre de photographes accrédités et imposent leurs conditions. Pour Guns N’Roses, c’était zéro, 12 pour Metallica. Alors Olivier Garnier négocie toujours pour obtenir plus de photographes.

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Lorsque les diktats sont infernaux, certains médias boycottent les événements. « C’était le cas pour Véronique Sanson au Festival de la Côte d’Opale cette année, mais cela arrive pour beaucoup d’artistes, avoue Patrick Jankielewicz, rédacteur en chef à La Voix du Nord. Les photos devaient être prises pendant les trois premiers titres sans flash, ce qui habituel. Mais leur exploitation était limitée au journal et au site, pendant 30 jours et les clichés devaient être retirés à tout moment si le management l’exigeait. Nous avons 17 photographes. Nous voulons faire respecter leur travail et celui de nos journalistes. C’est aussi respecter nos lecteurs ». Dont acte. Pas de photo, pas de papier. Cela a aussi été la politique de Ouest-France face à Christophe Miossec. « Notre intérêt est qu’il y ait des articles sur les festivals mais de plus en plus d’artistes refusent les photos et la promo, et c’est compliqué pour tout le monde » tranche Gérard Pont, qui dirige les Francofolies de La Rochelle.

Certains médias passent outre au nom de l’information, comme l’explique Eric Bureau, spécialiste de la musique au Parisien. Lors des concerts de Billie Eilish, PNL ou Lady Gaga, il a pris et publié des photos de son smartphone. « On finit par contourner la difficulté. Le problème majeur est celui de la validation des photos. Si on s’y soumet, on n’a pas les photos à temps pour le journal du lendemain. Pour la venue de Stromae à Rock en Seine, on a aussi pris le risque d’illustrer l’article d’une photo non validée. Mais on ne choisit pas des photos où l’artiste ne ressemble à rien. On est responsable ».

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