Thomas Doduik (Lagardère Active), trois pour un

A tout juste quarante ans, Thomas Doduik se considère presque comme un dinosaure du web. «Je sais à quel point on vieillit vite dans le digital. C’est important de faire confiance à des approches plus jeunes», explique celui qui a quitté Le Figaro en mai dernier pour Lagardère active, où il a pris la direction digitale du pôle radio-TV ainsi que la direction d'Europe1.fr.

Sa mission? Accompagner la transformation numérique qui, après la presse, s’accélère aujourd’hui dans les secteurs de la télévision et de la radio. «C’est important de bien comprendre le média originel pour trouver sa valeur ajoutée dans le numérique. L’idée n’est pas de construire un média à côté. Dans le cas de l’audiovisuel, c’est davantage un enjeu de distribution et d’enrichissement», souligne Thomas Doduik.

Sous sa direction, une soixantaine de personnes, dont les 30 journalistes d’Europe1.fr et du Lab. «J’ai un rôle de chef d’orchestre à la croisée des chemins entre la rédaction, la technique et le marketing», résume-t-il. Il se dit diplomate et prône un management participatif; on le dit fédérateur et ambitieux. «Avant de lancer la refonte d’un site par exemple, c’est important de mettre tout le monde autour de la table pour être sûr que chacun a pu donner son avis de telle sorte qu’il n’y ait pas de frustration», insiste-t-il.

Explication de texte

C’est avec cette approche qu’il a par exemple lancé le chantier de la refonte du site d’Europe 1, qui devrait voir le jour début 2016. «A l’inverse des managers qui annoncent leur décision avant de l’expliquer, Thomas Doduik commence par l’explication de texte, ce qui donne l’impression à ses équipes d’être utiles dans la prise de décision», estime Ophélie Wallaert, rédactrice en chef du site d’Europe 1.

«C’est quelqu’un qui a la connaissance et une bonne affinité avec les trois éléments clés du digital: le produit, la technique et le business. Il sait ce qu’il veut, ce qu’il faut faire et il est légitime, ce qui fait qu’il n’a pas besoin de forcer son management», juge pour sa part Bertrand Gié, directeur des nouveaux médias du Figaro, son ancienne maison. Après Libération et Le Monde, Thomas Doduik a passé sept ans au Figaro.fr, années durant lesquelles le site s’est hissé au premier rang des sites d’actualité.

Fort de son expérience en presse, Thomas Doduik a eu envie de changer de média. «J'ai dû changer de logiciel. Dans le secteur de la presse, le web n’a fait qu’accélérer la consommation d’informations. C’est différent pour la radio, qui est le média de l’immédiateté et de l’interactivité. Le web court après ce qui est diffusé à l’antenne, d’où la nécessité par exemple de développer une offre vidéo qui enrichit la radio», raconte le directeur digital.

Au quotidien, il défend un management horizontal, qui donne leur chance à ses équipes. Face à lui, beaucoup de jeunes, digital oblige. «Cela implique de prendre le temps de bien expliquer pourquoi on fait les choses, de donner du sens, afin que chacun sache pourquoi telle décision est prise», assure-t-il. «Dans la mise en œuvre d’un projet, il est assez carré, il applique des méthodes bien précises, ce qui peut donner à certains l’image de quelqu’un d’un peu rigide», se souvient Bertrand Gié.

Mais pour détendre l’atmosphère, Thomas Doduik n’est pas le dernier à manier l’humour. «J’envoie pas mal de vannes mais je sais montrer que le cap est tenu», sourit-il. Et de reconnaître, lucide, que dans son approche, «un grain de folie [lui] permettrait d’aller plus loin».