En 1986, dans une publicité signée Jacques Séguéla, Bernard Tapie marchait à la Wonder. Et Mercedes Erra, la cofondatrice de l'agence BETC Euro RSCG, à quoi marche-t-elle? «A l'énergie» est la réponse qui revient le plus fréquemment dans la bouche de ceux qui côtoient cette figure de la publicité française.
«Elle est tombée dans la potion magique quand elle était petite!», s'amuse Muriel Fagnoni, une proche, vice-présidente exécutive de BETC. «Les gens qui réussissent dans ce métier, et dans tous les métiers d'ailleurs, c'est un mélange de talent, de travail et d'énergie», ajoute cette spécialiste des ressources humaines.
A bientôt cinquante-six ans, Mercedes Erra, qui est également présidente d'Euro RSCG Worldwide et directrice générale d'Havas, impressionne par sa capacité de travail. Toujours entre deux rendez-vous chez un client, deux taxis, deux avions… deux interviews ou deux plateaux de télévision. «Levée aux aurores, vers 4h30-5heures,je lis, j'écris, je traite différents sujets, raconte-t-elle. Après, c'est une autre journée, plus agitée, je vais de réunion en réunion. Mais l'agitation ne me fait pas perdre mes objectifs de la journée.»
Tout le monde le souligne, y compris ceux qui ne portent pas dans leur cœur cette commerciale de choc formée à la dure école Danone-Saatchi dans les années 1980, comme cet ancien créatif de BETC: «Mercedes Erra est travailleuse et courageuse, capable de défendre becs et ongles ses convictions. En cela, elle est exemplaire.»
Voilà qui remplira d'aise cette hyperactive, bien plus ordonnée et organisée qu'elle n'en a l'air («normal quand on a cinq enfants»). Elle porte haut ce qu'elle appelle «les valeurs de BETC»: «Travail, exigence, exemplarité des dirigeants.» Et d'ajouter: «J'en fais plus que les autres, c'est normal.»
Trop? Certains ne sont pas loin de le penser. Raphaël de Andreis, coprésident de BETC, nuance: «Mercedes avance à son rythme, elle impose son rythme. Mon problème est d'arriver à trouver les cinq minutes avec elle pour échanger.» Pour Muriel Fagnoni, «elle est singulière par son jusqu'au-boutisme dans un double souci du fond et du détail. Cette obsession du détail peut parfois être un peu étouffante, même pour elle. Ce n'est pas un manque de confiance en les autres, c'est constitutif d'elle.»
Autre élément constitutif: la «cause des femmes». Mais attention, son agence, Mercedes Erra la voit comme «une grande agence mixte, pas une agence de femmes». De fait, BETC est à peine plus féminine que la profession en général (66% de femmes, contre 63% chez les membres de l'AACC). Ce qui la caractérise vraiment, c'est la parité presque parfaite au sein de son comité exécutif.
Née espagnole à Sabadell, une cité industrielle à une trentaine de kilomètres de Barcelone, Mercedes Erra est arrivée en France à l'âge de six ans. Un demi-siècle plus tard, la voilà présidente de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration.
Ce goût de l'effort, cette exigence pour elle-même et pour les autres, peut-être une certaine dureté, elle les a forgés dans ce parcours familial. «Je travaille beaucoup, dit-elle, car je ne travaille pas: je joue.» Là, on se dit qu'elle en fait quand même un peu trop…
