communication interne
Quatre ans après la fusion Arcelor-Mittal, Stephan Schwarz, alors directeur de la communication interne, déconstruit la stratégie qui a permis de faire accepter le nouveau géant de l’acier.

Juin 2006. La fusion entre Arcelor et Mittal donne naissance à un géant mondial de l'acier, avec 320 000 salariés et 116 millions de tonnes annuelles produites. Emblématique de la conquête d'un fleuron de l'industrie lourde européenne par un acteur d'un pays émergent (l'Inde), ce mariage s'est vite révélé complexe en termes de communication interne, après une bataille d'image qui avait opposé pendant de longues semaines le raider à sa proie. Alors directeur de la communication interne d'Arcelor-Mittal, Stephan Schwarz, depuis peu directeur de la communication de l'agence Vanksen, fut en première ligne. Quatre ans après, il revient sur la stratégie mise en œuvre pour faire accepter cette fusion par les salariés.

L'ÉTAT DES LIEUX. La fusion est d'abord perçue comme assez désastreuse. La CGT, premier syndicat d'Arcelor, annonce qu'il est «hors de question de cautionner» une opération «purement financière» et qui «prend les gens pour des imbéciles» après une guerre anti-Mittal menée «avec une propagande incroyable». Le syndicat redoute des fermetures de sites et des licenciements en nombre. Cadres et salariés craignent une absorption pure et simple d'un savoir-faire industriel par le nouveau groupe mondial d'origine indienne.

LE DISCOURS. Stephan Schwarz, à la tête de la cellule de communication interne de sept personnes, choisit de refléter la réalité de l'entreprise pour s'assurer une crédibilité. «Au lieu de chercher à montrer ce qu'on veut vendre, nous avons commencé par un travail d'introspection, raconte-t-il. Nous avons compris que si nous étions capables de nous critiquer nous-mêmes, d'autres auraient moins intérêt à le faire. Face à une autre vision des faits, on peut se défendre et donner notre point de vue. De sorte que si on nous disait “Vous avez viré des gens”, on pouvait répondre “Oui, on l'a dit”.» De 320 000 salariés au moment de la fusion, Arcelor-Mittal est en effet passé à 285 000 dans vingt-sept pays.

LA WEB-TV. Selon Stephan Schwarz, la web-TV mise en place avant la fusion, Arcelor TV, a donné des résultats décevants (malgré un coût de 2 millions d'euros facturé par Publicis). En trois saisons «à la Star Wars» de 8 à 14 épisodes de 4 minutes, la nouvelle web-TV se veut «de la communication interne avec une once de distance critique». Après un discours macroéconomique avec des images de la BBC, les films tentent de répondre à des question concrètes, du type «Qu'est-ce qui va arriver à mon job?». Caméras dans les meetings, maintien des commentaires négatifs en ligne… «Tout a été fait pour se dégager de la vision d'une com interne “Voix de Moscou”, souligne Stephan Schwarz. Dès 2006, un rapport de la Société générale estimait que la fusion se passait bien en raison de la web-TV d'Arcelor-Mittal.»

RÉSULTATS. Peu à peu, l'intranet corporate connaît un regain d'affluence. Le site en anglais Arcelormittal.tv compte 2 millions de visiteurs uniques dès les deux premières saisons, ce qui lui vaut une pleine page dans le New York Times. À la mauvaise perception initiale a répondu la volonté de travailler la réputation du nouveau groupe. Au mariage de la carpe et du lapin, la communication interne a substitué la vision d'une union entre la culture d'ingénieurs haut de gamme d'Arcelor et l'esprit entrepreneurial et la rapidité d'exécution de Mittal. Un glissement opéré grâce à l'implication des Mittal, père et fils (ce dernier validant en trois minutes toutes les décisions de l'équipe de communicants), et grâce à la présence de 350 ex-Arcelor au sein du Top 500 d'Arcelor Mittal. L'inverse eût sans doute conduit à l'indigestion.

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