motivation
Le Women’s Forum réunira du 14 au 16 octobre à Deauville des dirigeantes venues de 70 pays. Cette élite mondiale au féminin est-elle représentative de la société de demain ?

Et si la femme était l'avenir de l'homme dans l'entreprise? Le prochain Women's Forum, qui rassemblera les représentantes de 70 pays du 14 au 16 octobre à Deauville, abordera cette question à travers le prisme du changement dans l'économie, la politique, l'environnement, la santé et bien sûr… chez les femmes. «Le changement, tout le monde en parle mais on ne le voit pas beaucoup arriver», soupire Aude de Thuin, fondatrice du Women's Forum, repris l'an dernier par Publicis.

Pourtant, il suffit de se tourner vers les grands pays émergents pour constater que le monde évolue malgré tout. Un quart des entreprises chinoises sont ainsi dirigées par des dirigeantes, et l'Inde forme des femmes à des postes de direction. «Ils ont une autre façon de préparer l'avenir, explique Aude de Thuin. Quand on part de très loin, on cherche ce qu'il y a de mieux. Pendant ce temps, nous restons sur nos traditions et continuons à recruter nos copains de promo.»

Une tendance qui aurait été exacerbée par la crise. Sous la pression des impératifs de rentabilité quasi-immédiate, les patrons préfèrent remplacer leurs cadres dirigeants par leurs clones – donc des hommes. Ce mode de reproduction des élites aboutit à créer une société de moins en moins compétitive. «Le prisme masculin/féminin peut expliquer une grande partie des dérives du capitalisme, estime Rafik Smati, auteur de Vers un capitalisme féminin (Eyrolles, 2010). Il a été démontré que la testostérone augmente avec la prise de risques dans les salles de marché. Et, à l'inverse, si le microcrédit se tourne à 95% vers des femmes, c'est parce qu'on sait qu'elles remboursent intégralement et qu'elles investissent sur le long terme à travers les enfants, la maison et l'outil de travail.» Aude de Thuin rappelle qu'une étude McKinsey a démontré que plus il y avait de femmes dans l'entreprise, meilleurs étaient ses résultats. Et que BNP Paribas était la banque française qui avait le moins souffert de la crise tout en comptant le plus fort taux de salariées!

Aider la mère dans la femme

Selon Rafik Smati, le plus grand marché émergent du monde n'est donc pas la Chine ou l'Inde, mais deux chromosomes: XX. Entre 2010 et 2014, pas moins de 8 000 milliards de dollars supplémentaires seront imputables à la consommation des femmes. Aussi des entreprises, telles Renault-Nissan, se montrent-elles soucieuses d'intégrer des cadres féminins dans leurs équipes de conception: elles sont à priori les mieux placées pour s'adresser à des consommatrices reconnues pour leur pouvoir de prescription. «Chez Renault, 24% des nouveaux recrutés dans l'ingénierie sont des femmes, et ce taux monte à 52% pour l'ensemble des nouveaux embauchés chez Nissan», souligne Gilles Gatherot, manager communication de l'Alliance Renault-Nissan.

Si le constructeur est partenaire du Women's Forum, ce n'est donc pas seulement pour observer les bonnes pratiques ou réunir des femmes managers de l'Alliance venues de France, du Japon, de Corée ou des États-Unis. C'est aussi parce que ce type de «super think tank» aboutit à des résultats tangibles: «Au Japon, où la place de la femme n'est pas toujours valorisée, nous nous sommes attaché à concilier vie professionnelle et parentalité en proposant des journées plus flexibles et plus courtes, ajoute Gilles Gatherot. Depuis, aucune femme n'a quitté Nissan à la naissance d'un enfant.»

Accompagnement en cas de grossesse, crèche d'entreprise, aménagement des horaires après une naissance… Les entreprises sont de plus en plus conscientes que l'ascension de la femme passe par la prise en compte de la mère. «La période de la maternité s'accompagne souvent de moments de doute, constate Élisabeth Richard, responsable de communication chez GDF-Suez. C'est là qu'il faut être extrêmement vigilant pour que les femmes s'accrochent. Les deux premières années, il faut qu'elles se sentent accompagnées par l’entreprise et les RH. Nous ne voulons pas que certaines renoncent à leur carrière ou s'autocensurent parce qu'elles se disent qu'elles ne vont pas y arriver.»

Pour ce faire, le groupe a mis en place un programme de mentorat qui consiste à proposer à 50 jeunes Françaises et Belges à haut potentiel d'être conseillées et suivies par 50 dirigeantes. «Nos mentors sont pilotés par des coachs car cela ne s'improvise pas, complète Élisabeth Richard. On peut perturber la trajectoire d'un haut potentiel si on s'y prend mal.»

Peur de prendre des coups

Le Women's Forum, auquel GDF-Suez est associé depuis cinq ans, est aussi l'occasion d'emmener 80 femmes cadres dirigeantes à Deauville. Objectif assigné par Valérie Bernis, la directrice de la communication au comité exécutif: instiller une culture du leadership à des «manageuses» prometteuses et les intégrer dans un réseau de 450 femmes à l'international. À noter qu'Ogilvy France, dirigé par Natalie Rastoin, dispose aussi d'un dispositif de mentorat.

S'il est, de plus, facile pour des femmes d'entreprise d'avoir de l'ambition, cherchent-elles pour autant  à s'affirmer? Aude de Thuin remarque une grande différence, là encore, entre les vieux et les nouveaux pays. «En Inde ou en Chine, elles prennent la parole spontanément et considèrent qu'il y a tout à faire pour assurer un meilleur avenir à leur société. Chez nous, globalement, les femmes manquent de modèles de réussite. Il est très rare qu'elles se mettent en avant car elles ont peur de prendre des coups.» D'où l'importance des clubs de femmes qui se sont mis en place à Accenture, Sodexo ou à GDF-Suez pour échanger, y compris avec des hommes, et créer une dynamique favorisant l'émergence des femmes.

De quoi pulvériser le légendaire plafond de verre? Certains se veulent plus volontaristes. Histoire de favoriser la diversité au sommet, le cabinet de chasseurs de têtes CT Partners intègre désormais systématiquement une femme dans ses short lists. Et même Aude de Thuin a fini par se ranger à l'idée de quotas féminins dans les conseils d'administration. «J'y suis malheureusement favorable», soupire-t-elle. Les lignes bougent vraiment.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.