Ressources humaines
Quand il s'agit d'annoncer des licenciements à leurs salariés ou de les mettre en œuvre, les groupes de presse ne sont pas vraiment exemplaires.

La Tribune, Les Échos, la Comareg, Le Parisien... Le point commun à tous ces médias? Ils sont engagés dans un plan d'amaigrissement de leurs effectifs, soit sous la forme de plan de départs volontaires, soit sous celle de plan de sauvegarde de l'emploi (autrefois appelé plan social). L'ampleur de ces restructurations est à la mesure de la mutation des métiers du journalisme. Des métiers dont l'information est le cœur. Pour autant, les entreprises médias sont-elles plus douées que d'autres pour informer sur le sujet et accompagner au mieux, y compris sur le plan de la communication interne, ces suppressions de postes?

 

Communiquer autour de licenciements, voilà bien un sujet miné. A fortiori dans des médias où les informations «fuitent» à grande vitesse, et dans une période préélectorale où la question du chômage est ultrasensible. Illustration récente avec l'intervention de René Ricol, commissaire général à l'investissement, lors d'une conférence de presse au cours de laquelle, il a estimé qu'Alain Weill, patron de Next Radio TV (RMC, BFMTV) et actionnaire à 20% de La Tribune, devrait proposer un «réemploi» aux salariés du quotidien au sein de son groupe. L'immixtion du pouvoir politique dans la restructuration d'un journal rappelle le lien tutélaire qui unit l'État aux entreprises publiques. Il est vrai que, comme dit Frédéric Mitterrand, le ministre de la Culture et de la Communication, «nous avons dépensé cette année 390 millions d'euros pour la presse».


Quid de la prise de parole? Pour Jean-Marie Morenne, consultant spécialisé en reclassement et outplacement - notamment dans les médias -, le parler vrai n'est pas toujours de mise quand il s'agit de faire passer la pilule: «Soit le DRH noie son PSE dans une communication technique, à base de droit du travail, soit il l'enrobe dans un discours fataliste, du type "on n'y peut rien, c'est le papier qui disparaît".» Certes, même les syndicalistes le reconnaissent, informer en interne autour d'un plan de départs n'a rien de simple. «Il n'y a pas de bonne façon de le faire, même si la plus horrible reste l'annonce à l'anglaise, par SMS, dit Laurent Berger, secrétaire national CFDT. Cela nécessite beaucoup de tact, d'intelligence dans la façon de le présenter car, pendant les plans sociaux, on est beaucoup dans le registre de l'émotion. Surtout il faut multiplier les consultations et les négociations.»

 

En outre, la nécessaire communication à destination de salariés avides d'infos dans la presse, est compliquée - comme partout - par le risque de délit d'entrave vis-à-vis du comité d'entreprise. Faut-il alors préférer le mail froid du président après la réunion des instances sociales? «La communication doit être orientée vers l'interne à 80%, recommande Marc Chauchat, directeur général adjoint de TBWA Corporate. Avec comme impératif d'être transparent sinon, vu le nombre de parties prenantes, d'autres prendront la parole et le risque de déstabilisation et de manque total de maîtrise sera encore plus élevé.»


Selon Jean-Marie Morenne, les médias ne sont pas davantage exemplaires dans l'accompagnement des départs. «J'ai aidé un grand groupe de presse à mettre en œuvre plusieurs plans sociaux, la direction s'est contentée de négocier de bonnes indemnités de départs avec le principal syndicat majoritaire, en l'occurrence la CGT, en négligeant les mesures d'accompagnement», relate-t-il. Même travers constaté il y a quelques années dans un grand quotidien national: «Nous devions organiser le départ d'une vingtaine de journalistes. Et là encore, les mesures d'accompagnement ont été ridicules, mais cette fois du fait des journalistes, expérimentés pour la plupart, qui pensaient, à tort, que comme ils étaient renommés ils retrouveraient facilement un poste et ont refusé un outplacement.»

 

Certains groupes médias planifient un plan social par an, avant tout pour accroître leur rentabilité. C'est ce qu'a jugé, mi-décembre 2011, le tribunal de Nanterre, en annulant le plan de sauvegarde de l'emploi qui prévoyait de supprimer trente-sept postes dans le pôle Télévision de Mondadori France (Télé Star, Télé Poche, etc.). Le tribunal a annulé le PSE pour absence de motif économique, en arguant du fait que «les prévisions 2011 montraient une amélioration générale du secteur».

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