Medias
Les divas ont perdu de leur superbe dans les rédactions au cours de ces dix dernières années. Les réseaux sociaux, et notamment Twitter, sont l'occasion pour elles de redonner de la voix.

Adieu la diva, vive la personne normale! A entendre les échanges de la table ronde sur le thème «le salarié roi, le management des divas» organisée par le Club DeciDRH, le 16 avril dernier, et qui réunissait des managers et responsables ressources humaines des médias, les divas seraient en voie de disparition. Et c'est vrai que le contexte économique de ces dix dernières années dans les médias n'a pas été favorable aux stars, ou sous-stars du journalisme: changement de modèle économique, restructurations, restrictions budgétaires...

Existe-t-il encore des spécimens dans les rédactions en 2013? «Une diva c'est une personne qui considère que les règles collectives ne s'appliquent pas à elle», définit d'emblée Christophe Victor, directeur général du groupe Les Echos, ex-directeur général adjoint du groupe le Figaro et ex-directeur des opérations de Kenzo. Un parcours qui lui a permis de croiser la route de pas mal de divas hautes en couleur. Et son diagnostic est formel: il s'agit bien d'une espèce menacée.

Une tendance que confirme Antoine Guélaud, directeur des rédactions de TF1, même si sa conception diffère quelque peu: «A mon sens, la diva est une personne qui a la grosse tête, qui a raison en permanence contre tout le monde, décrit-il. Or nous sommes entrés dans une sorte de normalité et ces profils-là sont en train de disparaître.»

La meilleure preuve de cette tendance? L'arrivée de Gilles Bouleau à la présentation du 20 heures de la chaine. «Nous avons choisi quelqu'un issu de la promotion interne, plutôt que d'aller débaucher une star ailleurs; c'est quelqu'un de brillant mais avec la tête sur les épaules, qui a davantage une haute idée de l'information que de lui-même», juge Antoine Guélaud. En bénéficiant du soutien de la rédaction, il a permis au JT de TF1 de se redresser en audience et en image.

La crise traversée par la plupart des groupes de médias ne compte pas pour rien dans cette évolution. Ainsi l'ère des notes de frais déplafonnées pour certains journalistes stars semble bien révolue. «J'ai pu avoir des demandes de passe-droits, d'avantages non justifiés (augmentations, primes, notes de frais) dans le passé», se souvient Murielle Charles, aujourd'hui directrice du dialogue social de France Télévisions mais qui a été directrice du développement des RH de Canal + de 2003 à 2006. Même le présentateur du JT de TF1 serait à la diète: «Il est normal que le journaliste qui présente le JT soit mieux payé que les autres, car le 20 heures c'est notre vitrine, mais le différentiel est moins important qu'avant», affirme Antoine Guélaud.
Terminée, l'époque où certains titres offraient des cachets hors normes pour s'offrir une signature exceptionnelle. La fin d'une époque qui n'a pas que des avantages. «En tant que lecteur, j'achète un journal pour une plume, et pendant huit ans, au Figaro, j'ai constaté un certain lien entre originalité dans les articles et dans le comportement de l'auteur, souligne Christophe Victor. Car la diva a souvent un mérite: l'hypersensibilité, elle repère des choses que les autres ne voient pas. Même s'il est souvent compliqué de conserver ces gens dans l'organisation.»


Changement de registre

Cette abolition des privilèges s'explique aussi par un mouvement plus large de normalisation du fonctionnement des rédactions par rapport au reste de l'entreprise. Les rédactions ont longtemps résisté à l'application de certains process ressources humaines comme l'évaluation des collaborateurs. «Je me souviens d'un grand patron du sport chez Canal + qui refusait de faire passer les entretiens annuels à sa quinzaine de journalistes, relate, en souriant, Murielle Charles, aujourd'hui chez France Télévisions. Chaque fois il m'éconduisait, tout en restant très poli.» Aujourd'hui, de plus en plus de rédactions ont adopté ces dispositifs.

«Au départ je trouvais aussi que ces entretiens ne servaient à rien, depuis j'ai changé d'avis, note Antoine Guélaud. Bien souvent les journalistes avaient le sentiment d'être au-dessus des autres.» Bien sûr DRH et juristes se félicitent du fait que les journalistes rentrent dans le rang. Si, dans les rédactions les divas, semblent avoir perdu leurs prérogatives pécuniaires, certaines continuent de donner de la voix sur les réseaux sociaux, où elles n'hésitent pas à critiquer leur employeur.

Ainsi l'animateur-producteur Julien Courbet en apprenant la décision de France 2 d'arrêter son jeu «Seriez-vous un bon expert?» a répliqué sur Twitter en critiquant le choix de la chaîne: «Si l'on veut faire des ménagères, on fait de la téléréalité, des séries américaines. Bref du privé...». «On est dans le cas d'un salarié auquel l'employeur signifie un choix et ce dernier le critique. Il a été sanctionné pour cela, rappelle Jane Salmon, associée membre de la commission média de Barthélémy avocats. Les divas sont des salariées comme les autres qui doivent être soumis aux mêmes règles.»
Tout comme le présentateur d'enquête exclusive sur M6, Bernard de la Villardière, avait été rappelé à l'ordre il y a un an par son employeur pour avoir interpellé directement Nicolas Sarkozy sur Twitter avec ce message: «Que ne l'avez-vous pas écouté plus tôt, le peuple, au lieu de cultiver une présidence égocentrique». Et l'avocate de poursuivre sa plaidoirie anti-divas: «Stéphane Guillon crie sur tous les toits qu'il a gagné aux Prud'hommes puis en appel contre France Inter et que c'est une victoire pour la liberté d'expression, alors qu'en réalité il a gagné sur la requalification de son CDD en CDI.» Un registre moins prestigieux.

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