C'est en marchant tous les jours dans son «triangle d'or», depuis son domicile, à Meudon, pour rallier les trois sociétés qu'il a créées, Withings, Sculpteo et Invoxia, sises à Issy-les-Moulineaux, que lui viennent ses idées. «Marcher permet de structurer les idées, de les faire avancer. Quand on crée une entreprise, dans un secteur en pleine évolution, il faut savoir se mettre en marche, franchir des obstacles, puis le chemin se précise.» Eric Carreel, cinquante-trois ans, a le sens de la formule. Avec Withings, start-up spécialisée dans les objets connectés aux smartphones dans l'univers de la santé, cet ingénieur, fils d'agriculteurs qui a grandi en Picardie, a sans doute détecté une des industries de demain, le «quantified self». «Il s'agit de proposer à chacun des outils pour suivre sa santé au quotidien, dans un but préventif», précise-t-il. S'il ne communique aucun chiffre sur son bilan, il a levé cet été 23,5 millions d'euros, dont 11 millions auprès de la Banque publique d'investissement. Il vient de se voir confier par Bercy une mission sur les objets connectés.
Le lancement de l'Iphone et Itunes par Apple en 2007 fut une révélation: «Apple a alors lancé son appareil, et un écosystème de services associés, qui lui permettaient de toucher directement le client final. C'est ce que l'on voulait faire», poursuit Eric Carreel. Withings s'est ainsi illustrée dès 2009 avec sa balance connectée en Wi-Fi, qui permet de suivre l'historique de son poids sur son smartphone. Viennent ensuite le tensiomètre connecté à l'Iphone ou encore Withings Pulse, un capteur d'activité connecté, qui relève une batterie de données, des calories brûlées à la qualité du sommeil. Autour de cela, une centaine de partenaires proposent des applications de services et coaching.
Un homme de réseaux
Son entreprise, qui compte 80 salariés à son siège en région parisienne, 6 à Hong Kong, et 10 – bientôt 15 – à Chicago, emploie essentiellement des ingénieurs. Pour assurer le lien avec ses équipes à l'étranger, Eric Carreel privilégie les conférences téléphoniques et des voyages réguliers. Il est présent dans deux de ses trois entreprises chaque jour et délègue à un associé, dans chacune d'entre elles, pour gérer le quotidien. Mais «il est important pour moi de rencontrer toutes mes équipes très régulièrement plutôt que la seule hiérarchie», précise-t-il. Pour cela, peu adepte des réunions, il préfère «les conversations courtes et informelles debout, en cinq minutes, plutôt tous les jours. Cela permet un meilleur suivi des projets en cours.» «Il va dans le détail et est attentif à donner des retours à tous les niveaux», estime Cédric Hutchings, directeur général délégué de Withings.
D'ailleurs, lahiérachie se limite à quelques chevau-légers: «Ici, nous n'avons que des responsables d'équipes», précise Cédric Hutchings. Surnommé «le professeur» par certains de l'équipe technique, il n'hésite pas à parler électronique et physique. «Patron admiré de ses troupes, il est à l'écoute, mais peut être ferme, très exigeant», détaille Jacques Lewineur, directeur scientifique honoraire ESCPI Paris Tech, qui l'a eu comme élève, puis comme recrue chez Inventel. «Il a des convictions, une vision, et est très déterminé pour la mettre en œuvre», poursuit-il. Réservé d'apparence, modeste, Eric Carreel est pourtant un homme de réseaux: il préside la très influente association France Digitale, qui rassemble des investisseurs et entrepreneurs du numérique, et conseille régulièrement des jeunes entrepreneurs.
Son parcours en bref
1959. Naissance à Amiens (Pas-de-Calais).
1990. Diplômé de l'ESCPI Paris Tech.
Mars 2002. Cofonde Inventel.
Juin 2008. PDG de Withings.
2009. Président de Sculpteo.
Juillet 2013. Withings lève 23,5 millions d'euros.
