Ressources humaines
La nouvelle loi sur les stages, qui devrait être adoptée le 12 juin, va encadrer fortement le recours aux stagiaires. Une révolution dans la gestion des effectifs des agences et des médias.

En matière de stagiaires, agences et médias sont dans le viseur des parlementaires. Il suffit de lire le rapport parlementaire sur les stages pour s'en convaincre : « Dans des secteurs comme l'édition, la communication, la publicité, la culture... les témoignages sur des structures ou des services fonctionnant principalement grâce à des stagiaires qui, souvent, ne bénéficient que du niveau minimal de gratification et qui occupent des postes permanents s'accumulent. Parfois même, le stagiaire doit former son successeur. »

Du coup, la proposition d'une loi qui devrait être adoptée le 12 juin prochain risque de provoquer un petit séisme dans notre secteur. « Le recours aux stagiaires était une soupape qu'avaient trouvée pas mal d'agences pour compenser la chute de leurs revenus ces dernières années », confirme Loïc Chauveau, fondateur de l'agence Brandstation.

Les mesures qui pourraient avoir le plus de conséquences sont l'instauration d'un quota de 10 % de stagiaires (dans les entreprises de plus de 30 salariés, et la limitation à 3 pour les plus petites), la prise en compte des stagiaires dans l'effectif total de la société, ou encore l'obligation d'indemniser les stages au-delà à partir du deuxième mois (523,36 euros net, et non plus 436,05 euros). Les stagiaires bénéficieront en outre de tickets restaurants et d'une indemnisation liée à leur titre de transport.

 

>> Lire : Les stages... ou la bataille de la valeur

 

Le sujet qui risque de fâcher, c'est bien sûr l'instauration de quota de stagiaires par entreprise. D'autant que dans la dernière version de la loi, ces quotas sont à respecter à la semaine et non lissés sur l'année. Cela risque d'être un véritable casse-tête pour les agences et médias, notamment dans la presse, qui ont pour habitude de faire le plein de stagiaires durant l'été et les vacances.

A ce stade, il pourrait y avoir encore quelques aménagements lors de la commission mixte paritaire et de la rédaction des décrets, mais la dimension ultra-protectrice de la loi se confirme pour les stagiaires. Quelles seront les conséquences pour les agences et médias ? Cette loi ne risque-t-elle pas d'obliger certaines entreprises à repenser leur modèle économique ? Cela ne va-t-il pas réduire les opportunités pour les étudiants ? L'association des agences conseils en communication (AACC) préfère attendre la promulgation de la loi pour s'exprimer.

 

Stratégies ouvre le débat en interrogeant des professionnels du secteur.

 

«La loi est trop radicale»

Alexandra Gaudin, directrice des richesses humaines d'Australie

« Nous employons en moyenne entre 10 et 12 % de stagiaires chez Australie (140 salariés dans l'agence, 170 dans le groupe). Nous avons créé un tableau de bord il y a deux mois, pour réaliser un reporting précis de leur nombre. Il y a des équipes dans lesquelles nous travaillons systématiquement avec des stagiaires : c'est le cas pour les fonctions de chef de projet junior ou assistant DA. Mais c'est dans le but de les former et si possible de les intégrer : c'est notre principal canal d'embauche. Avec cette nouvelle contrainte des quotas, avec un suivi à la semaine, on ne pourra plus le faire. Par ailleurs chez Australie nous recevons en moyenne 10 à 15 demandes de stages par jour et certains étudiants me disent “si je n'ai pas de stage, je redouble mon année”. On ne pourra plus offrir autant d'opportunités qu'avant et c'est dommage pour les étudiants. C'est vrai qu'il y a eu de l'abus mais la loi est un peu trop radicale à mon sens. »

 

«Une mode de pré-recrutement»

Alexandre Malsch, fondateur de Melty

« Chez Melty, nous sommes 85 salariés, dont 30 % de stagiaires. Pour nous conformer avec la nouvelle loi, nous allons réduire cette proportion à 10 %. Nos stagiaires sont tous indemnisés et s'ils sont bac+ 4 ou 5 leur gratification dépasse les 1000 euros. Et nous sommes en train de mettre en place des tickets restaurant pour eux. Le principal avec cette nouvelle loi, c'est que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. Néanmoins c'est dommage car cela risque de tarir les opportunités pour les jeunes. Chez Melty, le stage est un mode de pré-recrutement : sur 22 rédacteurs et rédacteurs en chef et adjoints, 21 sont passés par l'étape du stage. D'ailleurs nous recevons 100 à 150 candidatures pour des stages ou jobs par semaine. Nous allons recruter 31 personnes en contrat à durée indéterminée en 2014, dans le cadre de notre développement à l'international, il s'agira pour une bonne partie d'anciens stagiaires. »

 

«Le stage, une valeur pédagogique»

Patrick, membre de Génération précaire

« On voit des agences de publicité ou des médias ne fonctionner quasiment qu'avec des stagiaires. Cette loi va dans le sens de nos revendications, en faisant une réelle distinction entre le statut du stagiaire et du salarié. Ainsi, toutes les modifications législatives sont faites dans le cadre du code de l'éducation, pas du code du travail. Le stagiaire est un étudiant en période de formation et le stage doit avoir une valeur pédagogique. Quand il y a trop de stagiaires dans l'entreprise, il est difficile de l'accompagner. D'abord, l'augmentation de la gratification répond à un problème de justice sociale. Ensuite la grande évolution pour nous, c'est l'instauration de ce quota de 10 % dans les entreprises de plus de 30 salariés. Sans oublier le renforcement du pouvoir de contrôle et de sanctions des inspecteurs du travail. Mais nous resterons très vigilants sur l'écriture des décrets et espérons que les quotas seront applicables dès la rentrée de septembre. »

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