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Mis en place en 2000, le volontariat international en entreprise (VIE) a manqué de souffle ces dernières années. La faute au covid évidemment, mais pas seulement. Business France entend relancer le dispositif, en élargissant le public cible.

« En septembre 2022, c'est plus de 1 000 jeunes qui sont partis développer des entreprises françaises à l'#export ! C'est un record ! » Sur LinkedIn, via un communiqué de presse, avec des relances téléphoniques… Business France cherche à attirer l’attention sur le Volontariat international en entreprise (VIE). Covid oblige, ce dispositif vieux d’un peu plus de vingt ans, avec des contrats de 6 à 24 mois à la clé pour les jeunes de 18 à 28 ans, avait été mis en (quasi) sommeil. 8 150 volontaires ou VIE sont en poste aujourd’hui, contre 10 000 avant la pandémie, et 6 950 au pic de la crise. « En 2020, rapatrier les jeunes n’a pas été une étape simple, aussi aujourd’hui l’appétence est moins grande pour le financement de cette démarche, souligne Alain Everbecq, directeur des ressources humaines de Poclain, spécialisée dans la transmission de puissance. C’était un sujet fort avant, mais on passe moins de temps à gérer la mobilité internationale aujourd’hui. »

Depuis le covid, la frilosité est de mise aussi du côté des jeunes, parfois échaudés par la perspective de se retrouver en télétravail à l'étranger. Pour preuve, selon l’étude d’Indeed publiée en mai dernier, seuls 14% des étudiants entendent profiter de cette immersion dans des entreprises françaises de l’autre bout du monde. Ce taux grimpe à 31% pour les jeunes actifs. « Avec un million d’emplois disponibles, et donc d’opportunités, les 8 000 postes en VIE constituent une toute petite partie, souligne Éric Gras, spécialiste du marché de l’emploi. Et le contexte géopolitique n’aide pas à la mobilité non plus»

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Aujourd’hui, 1 000 départs en septembre, 1 000 autres en octobre. Et après ? « Plus les missions sont nombreuses, plus on est content », commente Christophe Monnier, directeur du programme au sein de Business France, qui lui-même a vécu l’expérience VIE. Il n’y a pas de quota. 121 pays sont aujourd’hui dans la boucle, pour ces jeunes souvent issus de grandes écoles d’ingénieurs ou de commerce. Avec la volonté d’accueillir plus de bac+2 ou bac+3. Ils comptent pour 10% des effectifs.

Ce dispositif subit aussi des effets de mode, avec ses tops et ses flops. « Les entreprises dynamiques du cœur de l’Europe, comme au Luxembourg, en Belgique ou en Allemagne n’intéressent pas, déplore Jean-Pierre Pont, directeur de la publication du "Journal des Français à l'étranger" et éditeur du site francaisaletranger.fr. Pour les les "ptits cons", ce n’est pas sexy ! Ils rêvent tous des États-Unis ou de pays dans lesquels il n’y a pas forcément d’emplois. »

Arme de séduction massive des entreprises ? La fidélité est bel et bien au rendez-vous. 60% des jeunes ayant exercé une mission VIE ont développé un attachement à l’entreprise qui les avait recrutés. Et un jeune sur deux a choisi d’y poursuivre sa carrière. C’est ce qui ressort de l’enquête conduite par l’Edhec NewGen Talent Centre, dirigée par Manuelle Malot, et publiée le 28 septembre. Dans un contexte de « great resignation », ces statistiques ont de quoi frapper. Les grandes entreprises ont bien compris où était leur intérêt. « Les banques contactent directement notre établissement pour faire part des postes ouverts en VIE, explique Marion Vidal, responsable des relations entreprises d’ESAM, école de management stratégique, mais les start-up et les petites et moyennes entreprises (PME) qui n’avaient pas le réflexe VIE commencent à s’y intéresser. » « On voit arriver de nouvelles entreprises, confirme Christophe Monnier, un tiers environ –et elles sont 1 840 aujourd’hui au total, pour 40 000 candidats au départ. Pas de charges fiscales, sociales et un package très sécurisé pour les deux parties. »

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« Les profils sont plus nombreux et plus qualitatifs, tient à souligner Gwénaëlle Henri, directrice conseil associée d’Eliott et Markus, agence de communication spécialisée pour les cabinets d’avocats. Les VIE constituent une porte d’entrée dans le processus « citizen of the world ». Fondée en 2005, l’agence Eliott & Markus compte un peu plus de 40 collaborateurs répartis entre Casablanca et Paris. Un profil d’entreprise qui devrait se développer dans le paysage du VIE. « Pour moi, la PME est l’avenir du VIE ! », résume Jean-Pierre Pont. Depuis un an et demi, Charles Maridor, délégué général de CCI (Chambres de commerce et d’industrie) France international travaille en ce sens. « Le sourcing sur notre territoire a été beaucoup travaillé, souligne-t-il, mais on a profité de la parenthèse du covid pour faire bouger les lignes, en permettant maintenant aux entreprises françaises de l’étranger de droit local d’accéder à ce programme. On se plaint toujours de notre commerce extérieur, mais sans chercher à valoriser la présence française à l’étranger. Or elles font la promotion de la France aussi. » Quarante ont déjà saisi cette opportunité. Objectif pour 2023 : une centaine de contrats.

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Que vous apprend votre enquête sur l’attractivité du Volontariat international en entreprise (VIE) ?

La campagne de sondage de notre dernière étude HappyTrainee a été bouclée en août dernier –avec 44 713 réponses obtenues, soit 19% de plus que l’édition précédente. Stages, alternance et VIE sont souvent gérés par un seul et même collaborateur en entreprise. En raison du grand focus fait ces dernières années sur l’apprentissage, le format du VIE est quelque peu en berne. Finalement, un contraste est palpable entre la machine très bien organisée d’accueil des stagiaires et des jeunes diplômés versus celui réservé aux jeunes en partance pour l’international. Le VIE part seul, quand des promotions entières gagnent les entreprises en stage.

Quelles sont les difficultés rencontrées par les entreprises dans l’organisation des VIE ?

Ces jeunes-là ont besoin d’être davantage portés. Administrativement, c’est plus lourd à organiser qu’un stage, par exemple. Logement, déménagement, indemnités… les entreprises qui plébiscitent ce format sont courageuses. Selon les chiffres qu'on communiquera en novembre prochain, 75% des jeunes VIE sont satisfaits de leur intégration, contre 85% en moyenne, tous jeunes confondus. Loin des yeux, loin du cœur ? Le risque d’être délaissé existe. 58% sont satisfaits de la flexibilité pratiquée.

C'est un chiffre faible ?

C’est 14 points de moins que l’ensemble des jeunes. La France, qu'on ne voit pas partout à l’étranger, avance à grand pas sur ces questions. Et, avec le marché de l’emploi actuel, les indemnités sont souvent inférieures à ce que percevrait un jeune en contrat à durée indéterminée. Mais les entreprises ont beaucoup investi. Il y a eu le coup de booster donné à l’apprentissage. Il faut aussi leur laisser le temps de redéployer le troisième étage de la fusée de l’insertion, avec les VIE.

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