Marketing sportif
Les nouveaux stades pour l’Euro 2016, désormais connectés, offrent d'inédites perspectives à la communication des marques. Celles-ci ont trouvé dans les supports numériques un formidable terrain de jeu pour leurs actions dans le sport. L’univers a l’avantage de proposer des communautés particulièrement réceptives.

Les 644 piliers blancs et élancés qui soutiennent l’architecture de béton et d’acier du stade de Bordeaux sont censés rappeler la forêt landaise limitrophe. A une encablure de la Garonne, dans le quartier du Lac, la silhouette anguleuse mais fluette de la nouvelle enceinte sportive dessine l’ère des stades modernes… et connectés. «C’est une nécessité et absolument incontournable, affirme Alexandra Boutelier, directrice générale déléguée du Consortium Stade de France et porte-parole de Vinci Stadium, constructeur et exploitant du stade bordelais. L’objectif est d’offrir au spectateur tout le confort du téléspectateur. C’est un enjeu économique majeur.» (retrouvez l’interview en vidéo sur www.stratégies.fr).

Inauguré le 18 mai et construit dans la perspective de l’Euro 2016 de football, le Nouveau Stade de Bordeaux (son nom officiel avant qu’il n’emprunte celui d’une marque) est connecté dès sa naissance. Les 42 112 spectateurs y bénéficient d’un réseau wifi moderne grâce à une dizaine de milliers de connexions simultanées possibles. Le Grand Stade de Lyon offrira la même prestation dès sa naissance, début 2016, tout comme l’Allianz Riviera à Nice, d’ici un an. Même le «vieux» Stade de France dionysien se connectera avant janvier prochain. La détresse du spectateur qui, faute de réseau, est incapable de téléphoner, d’envoyer un texto ou (pire) d’indiquer à sa communauté qu’il assiste à la finale, ne sera plus qu’un lointain et désagréable souvenir.

Apporter de vrais services

Afin de permettre aux spectateurs de rester branchés, les exploitants des stades tirent les câbles et investissent dans les infrastructures. Des travaux ayant un coût, qui se chiffre en millions d’euros. «Nous devons nous assurer du retour sur investissement, rappelle Alexandra Boutelier. Ces connexions doivent offrir de nouveaux services aux spectateurs.» Et des usages susceptibles d’être monétiser. Vinci Stadium annonce ainsi pour la rentrée le lancement d’une application réunissant tous ces services. Dans le stade, elle permettra de se faire guider vers sa place, de localiser ses amis, d’accéder aux réseaux sociaux ainsi que de revoir une action de jeu, d’acheter un sandwich, une écharpe, ou encore de parier. L’application sera également adaptée à des jeux interactifs, avant le match ou à la mi-temps, par exemple.

A l’Allianz Riviera de Nice, Vinci a lancé plusieurs expériences (voir plus loin). Ces nouveaux services doivent directement générer des ressources complémentaires, notamment en augmentant le «panier moyen» du spectateur. Toutefois, ils se heurtent à des problèmes de droits, notamment pour l’utilisation de la vidéo (lire plus bas). «Et puis, nous croyons plus à la mise en place de nouveaux services pour nos supporters qu’au développement de nos recettes, confie un responsable du Football club des Girondins de Bordeaux. Le stade connecté ne sera pas une martingale.»

Pas d’Eldorado à attendre donc a priori. Même pour les marques? «Ce sera un bon support de communication pour les sponsors qui souhaitent activer leurs partenariat, résume Bertrand Avril, directeur associé d’Uniteam Sport. Mais la contrainte sera de renouveler continuellement le type d’expérience.»

Dans le stade, et plus généralement dans l’univers du sport, les supports semblent adaptés pour toucher une communauté identifiée, disponible et sensible à un discours qui pourra les intéresser. «C’est particulièrement le cas dans le sport, et sans doute plus que dans la culture, où le digital est moins présent», reconnait Serge Valentin, coprésident de Fairplay Conseil et organisateur de Sport Numericus, rencontres du sport et du numérique, dont l’édition 2015 se tiendra le 25 juin au stade Jean Bouin (Paris XVIe). «Le digital permet au fan d’être acteur, précise-t-il. Toutefois, il faudra qu’il se sente considéré et que l’offre accompagne sa passion.»

«Les annonceurs ne voient plus leurs actions qu’à travers le prisme du digital, assure Hervé Bodinier, fondateur et président de Sponsorship 360. Ces médias offrent une interaction avec le public plus que tout autre, et permettent un engagement de la marque avec le fan, mais à condition de ne pas aller trop loin commercialement.» Un véritable service doit être apporté au public. Pour Tag Heuer, qui s’investit dans le marathon, l’agence a mis en place une opération pour les coureurs de l’édition parisienne: installé sur le parcours, un appareil photo identifie les dossards et «poste» les clichés sur la page Facebook de l’athlète. A New-York, un système identique permettra d’afficher sur un panneau des messages d’encouragement personnalisés au moment du passage des coureurs.

Une relation à trois

Même en mode hyperconnexion, le monde réel doit tout de même rester central. Quand Havas Sports & Entertainment imagine l’opération «12e homme» pour Orange, elle se traduit par une action concrète. «Orange propose une machine à rêves, mais ceux-ci doivent être réalisés, assure Emeric Deminiere, directeur associé d’Havas Sport & Entertainment. Les internautes ont pu, concrètement, suivre les vainqueurs, déguster une bouillabaisse avec le gardien de but marseillais Steve Mandanda ou dormir sous une tente sur la pelouse du stade stéphanois Geoffroy Guichard.»

Pour la Coupe du monde de rugby 2015, c’est le numérique qui aide les supporters du XV de France à encourager leur équipe. Grâce à Société générale, dans un car spécial en tournée dans plusieurs villes, ils peuvent enregistrer des messages et s’immerger, virtuellement, dans une mêlée grâce au casque de réalité virtuelle Oculus. L'opération est réalisée par Magic Garden, mais l’ensemble de l'opération de la Société générale est orchestré par Isobar. Le numérique offre un ménage à trois idyllique entre détenteurs de droits, supporters et annonceurs, soucieux d’un retour sur investissement. Dans ce cadre, les organisateurs, clubs et exploitants d’enceintes sportives voient leur intérêt dans la création d’une plateforme numérique de marque propre. «Il y a encore quatre ou cinq ans, les détenteurs de droits étaient un peu réticents à exposer les annonceurs, rapporte Guillaume Cossou, directeur de la stratégie client chez Sportfive France. Désormais, ils sont totalement intégrés. Nous avons réussi à les convaincre.»

De la visibilité à la conversation

Les stades ne sont pas les seuls à basculer dans l’ère numérique. Bercy Arena, nouveau nom du POPB (Palais omnisport de Paris-Bercy) rénové, qui rouvrira ses portes mi-octobre avec le Tournoi de Paris de judo suivi par le Master de tennis, sera également connecté. L’enceinte, qui accueillera jusqu’à 19 000 personnes, offrira 15 000 connexions simultanées. Le réseau permettra aussi d’apporter de nouveaux services aux spectateurs et de proposer des solutions d’activations aux marques.

Plus surprenant, l’expérience numérique se décline également dans les hippodromes. Les deux sociétés de courses, France Galop et Le Trot, connectent leurs installations. C’est déjà le cas à Vincennes. Dans l’hippodrome parisien consacré au trot, les turfistes accèdent à des informations exclusives et complémentaires sur les chevaux via une application propre utilisable uniquement dans l’enceinte. A Longchamps, les courses entreront à partir de septembre dans l’âge du gaming. Une puce installée sur chaque jockey permettra de le placer précisément dans le peloton ou de connaître sa vitesse instantanée. Autant de nouvelles données à exploiter pour les marques.

«Le sport était auparavant un simple outil de visibilité. Aujourd’hui, il permet une véritable conversation, car le numérique permet une relation active, résume Gilles Dumas, coprésident de Sportlab Group. La gamification permet d’embarquer les fans très facilement. Mais il va falloir passer à l’étape suivante et trouver d’autres activations que le simple jeu.» Dans les stades, le spectateur connecté va désormais vouloir se faire entendre autrement. Une nouvelle contrainte peut-être, mais sans doute aussi de nouveaux horizons pour les organisateurs, clubs et annonceurs.

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