Dossier stratégie medias
Nicolas Beytout, PDG du groupe Les Échos, fait le bilan d'une année difficile pour le leader de l'information économique.

Début janvier, vous avez augmenté le prix facial des Échos de 10 centimes, à 1,50 euro, ce qui fait du quotidien le plus cher du marché. Vos lecteurs sont-ils encore prêts à payer le prix fort pour une information économique de qualité ?

Nicolas Beytout. La réponse est oui. D'ailleurs, les journaux économiques de référence comme le Wall Street Journal et le Financial Times sont plus chers, voire nettement plus chers, que les autres journaux d'information politique et générale. Nous considérons que ce raisonnement est valable aussi pour Les Échos, qui se revendiquent de la même famille. Les entreprises ont été nombreuses à réduire leurs dépenses en abonnements presse cette année. En réponse, nous avons choisi d'offrir davantage de services plutôt que de baisser le prix de notre information. En 2009, nous avons donc enregistré une hausse des abonnements de 2%, pour la première fois depuis 2004.

 

Comment avez-vous adapté la production de l'information au nombre croissant de canaux de distribution?

N.B. Il y a aujourd'hui des moyens de plus en plus nombreux de consommer de l'information. Les lecteurs exigent de disposer de leur marque de presse sur tous supports. La valeur de l'information s'ajoute à celle du service. Aux Échos, nous avons mis en place des outils multimédias qui permettent à chaque journaliste de fabriquer un article pour le papier, le Web, le mobile, et les équipes du Web ont été dissoutes dans la rédaction papier.

 

Dans ce contexte, l'information sur papier a-t-elle encore un avenir?

N.B. Ce qu'on sait avec certitude, c'est que les marques de presse qui auront une chance de survivre à l'ère d'Internet sont celles qui existent déjà fortement sur le papier. Nous sommes encore dans une période assez paradoxale où l'on doit investir sur le papier pour faire vivre la marque, et la transmettre sur Internet. Peut-être arrivera-t-on rapidement à une période intermédiaire dans laquelle le journal deviendra un objet de «luxe», mais il y aura toujours de la place pour les deux grands formats d'information: de l'information en continu et de l'information sélectionnée, hiérarchisée.

 

Avez-vous relevé des signes d'amélioration durable sur le marché publicitaire depuis la fin de l'année 2009?

N.B. J'ai senti, d'une façon assez nette, un vrai rebond de la publicité au cours des mois de novembre et de décembre. Ces deux bons mois ont-ils été une façon pour les annonceurs de dépenser un peu de budget et de soutenir la consommation, ou bien est-ce le début d'un retour de la croissance? Aujourd'hui, on ne peut répondre à cette question. Nous n'avons pas le sentiment que ce qu'il s'est passé en novembre et décembre va continuer sur le même rythme. Mon diagnostic, c'est que nous aurons une réelle vision de 2010 d'ici au mois de mars.

 

Comment le quotidien Les Échos a-t-il traversé cette période de crise?

N.B. La publicité a chuté de 25% l'année dernière sur le quotidien, alors qu'elle représentait 60% de nos recettes. Face à ce violent recul de notre chiffre d'affaires, que nous n'avons pas pu entièrement compenser par une baisse des coûts, Les Échos ont enregistré des pertes sur l'exercice 2009. Elles sont toutefois très sensiblement inférieures à la somme de 10 millions d'euros qui a parfois été évoquée.

 

La clause de cession ouverte il y a deux ans lors du rachat des Échos par LVMH s'est soldée par 109 départs. Quel bilan en tirez-vous en termes de management ?

N.B. Cette clause a été ouverte pendant une durée inhabituellement longue, ce qui explique le nombre de départs. Parmi ceux-ci, 40% étaient le fait de gens qui changeaient ou cessaient leur activité professionnelle. Ce chiffre indique bien que ce n'est pas un mouvement massif de fuite devant un actionnaire que les gens auraient détesté. Il n'y avait aucun objectif, mais nous sommes heureux que cette période d'inconfort soit finie car elle est assez déstabilisante pour ceux qui ont choisi de rester. Nous avons remplacé quasiment les deux tiers des départs à la rédaction.

 

Les rumeurs de mise en vente des Échos par Bernard Arnault, évoquées par le site Électron libre, sont-elles fondées ?

N.B. Ces bruits n'ont absolument aucun fondement. Ils ont d'ailleurs été démentis à la fois par notre actionnaire LVMH ainsi que par la banque Nomura.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.