Dossier Digital
Il ne cesse de gagner du terrain dans les usages, mais les investissements des annonceurs sont encore à la traîne. Que faire pour éviter le rejet publicitaire des internautes ? Avis d’experts.

 J’ai mon mobile, tu as ton mobile… Ce petit appareil, extension de la main, séduit de plus en plus les internautes. En 2015, les recherches sur Google via téléphone portable ont même pour la première fois dépassé celles effectuées à partir d’un desktop.

Le smartphone fait désormais l’objet de toutes les attentions. « Depuis 2012, notre stratégie, c’est mobile first », rappelle Michelle Gilbert, PR & communications director de Facebook qui compte 91 % de mobinautes parmi ses 1,59 milliard d’utilisateurs actifs mensuels. Une stratégie réussie : 80 % des revenus publicitaires du réseau social proviennent aujourd’hui du mobile. Et pourtant ! Les investissements des annonceurs sont encore à la traîne aux vues des usages et des audiences (voir chiffres clés). Comment l’expliquer ?

Luc Vignon, directeur général de SFR Régie, leader des régies mobiles selon Médiamétrie, parle d’un média très complexe : « il présente des environnements et des supports techniques différents, une infinité des formats, diverses tailles d’écrans. Gérer la publicité sur mobile est forcément plus difficile que sur le web ». Parmi ses incontournables casse-tête, l’offre duale entre les applications et les sites. En résumé, les premières draineraient une grande partie de l’audience, seraient plus rapides, le téléchargement se faisant à l’avance. À privilégier donc par des secteurs qui réclament des visites fréquentes : les banques et les médias. Les sites, de leur côté, rencontreraient moins de problèmes techniques et faciliteraient la prospection. Ils ont la préférence du e-commerce et de la distribution généraliste. À chacun de trouver sa voie.

Trop intrusive

À cette complexité, s’ajoute l’acceptabilité de la publicité sur portable. Deux tiers des internautes considèrent en effet qu’elle est plus gênante que sur un ordinateur selon une étude Teads/Research Now 2016. « Le mobile est incontestablement un média intrusif, d’où la nécessité de faire du qualitatif »,reconnaît Jules Minvielle, CEO du groupe Mozoo. Toutesois, pour Jérôme Stioui, CEO d’Accentage, « le mobile est une boîte à data. Il est donc possible, grâce au ciblage, d’éviter de faire n’importe quoi. Et de réduire l’intrusion ». Bien sûr, les professionnels du mobile défendent leur business ! Mais ils savent aussi comment cibler la bonne personne sans la déranger. Et de rappeler quelques règles de base : ne pas délivrer le même message à la même personne plus d’une ou deux fois par jour ; ne pas faire de géolocalisation sans consentement ; séquencer le message en utilisant différents formats… Des conseils prodigués notamment par la Mobile Marketing Association.

Utiliser la data pour diffuser des messages pertinents au bon moment est également important. « Si vous êtes lecteur du Monde.fr et que vous recevez 15 fois la même publicité, vous risquez de vous énerver, commente Christophe Collet, CEO de S4M. En revanche, si vous êtes fan de jogging et que l’on vous propose une paire de New Balance en promotion à 100 mètres de là où vous courez, cela peut vous intéresser. On n’est plus dans l’intrusion, mais dans le

service. Quand on demande sur un site si le mobinaute veut être géolocalisé, dans 30 % des cas, il répond oui ».

Native advertising

Autre conseil : miser sur une création adaptée au smartphone. Quels sont les formats ou les dispositifs les plus performants ? La vidéo a le vent en poupe, surtout la vidéo 360°. Mais certains estiment comme Luc Vignon qu’« il y en a trop et qu’elle dure trop longtemps ». Le directeur général de SFR Régie émet le même avis pour les interstitiels, ces publicités qui recouvrent la totalité de l’écran. Il leur préfère les publicités « natives », intégrées au contenu, quand « le discours n’est pas biaisé » et les formats courts « qui rendent service ». Pour Michelle Gilbert, « le native advertising est le format le moins intrusif ». Une chose est certaine : si la publicité mobile se contente de copier les pratiques et approches du web, cela ne marche pas. D’autant que la publicité sur Internet est souvent une simple déclinaison de la publicité télévisée. Or, constate Philippe Leclercq, directeur général d’AD4screen, « On duplique encore trop les pubs digitales sur mobile ».

Les publicités qui plaisent - les exemples français restent rares ! -sont, selon les professionnels, celles qui utilisent les fonctionnalités du mobile. Ludique avec Longchamp qui propose de personnaliser son sac en pianotant sur l’écran (agence S4M) ; innovantes avec Citroën E-Mehari en « Immersion Canvas », un mini site de marque avec textes, images et vidéos proposé par Facebook. Ou plus qualitatif avec Netflix, qui utilise la vidéo verticale, un format plus performant que la vidéo portrait (agence Numbate/Mozoo) ; Enfin, il y a celles qui racontent une histoire. Un « storytelling » adopté par Nescafé qui fait visiter en vidéo 360° une plantation de café (Facebook)…

Un ROI assuré

Sans oublier celles qui boostent les ventes, preuve de leur succès ! Car le mobile, mixé ou non à d’autres médias (télévision, web ou affichage) est rentable. « Le ROI est assuré : chaque euro investi permet de gagner des clients et de l’argent. Bientôt on achètera une voiture par mobile », prédit Philippe Leclercq. En attendant le m-paiement, de plus en plus d’achats initiés sur mobile sont aujourd’hui finalisés sur Internet ou en magasin. Le mobile fait vendre et pas seulement dans les secteurs du voyage et du commerce. Un exemple : en 2015, pour les 40 ans de Knacki, Herta a lancé un plan vidéo 100 % Facebook. L’opération a consisté à personnaliser les six saucisses du pack (Lolita, Charline, David…) et à en faire les héros de sept mini-vidéos ludiques. La série est passée sur le web et le mobile. Une étude Marketing Scan a prouvé son impact : 7 millions de vues pour les  vidéos et 750 000 interactions. Le retour sur investissement publicitaire a été de 1,6 € (pour 1 € investi). Les ventes ont progressé de 4 % en volume. Quant aux parts de marché, elle a grimpé de 1,9 point en volume.

Ainsi, la clé d’une rentabilité maximale semble reposer sur des campagnes associant une utilisation intelligente de la data sans surexposition et une customisation créative. Certes, la publicité mobile est intrusive. Mais, comme le mobile a essuyé les plâtres des excès du web, les annonceurs et leurs conseils semblent vouloir tout faire pour que l’explosion du marché se fasse dans la meilleure harmonie possible.

Chiffres clés

70%. Pourcentage de Français possédant un smartphone.

52,7%. Part des internautes français connectés à Internet via leur mobile (Médiamétrie 2016).

26 %. Pourcentage des investissements digitaux alloués au mobile en 2015, contre plus de la moitié aux États-Unis.

733 millions d’euros. Total des investissements 2015 sur mobiles des annonceurs français. (Observatoire de l’e-pub).

+59%. Progression des investissements sur mobile des  annonceurs français en 2015 (search et display).

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