Expertise
Les événements propriétaires permettent aux agences de faire une démonstration de savoir-faire. Même s’ils représentent un engagement financier, ils créent de la valeur d’une autre façon.

Hopscotch ne pensait pas devenir coactionnaire de l’Usine extraordinaire. Mais lorsque l’agence a remporté l’appel d’offres de la Fédération des industries mécaniques (FIM) pour l’organisation d’un événement dédié à l’industrie, elle a souhaité aller plus loin que la simple prestation de services. « On a cru au projet de Bruno Grandjean, le président de la FIM, qui souhaitait changer l’image de l’industrie auprès du grand public, témoigne Carla de Oliveira Pécout, directrice générale adjointe d’Hopscotch. On voulait montrer que l’usine est un lieu d’innovation, de création d’emplois et qu’il est possible d’investir en France. » Le résultat a été un rendez-vous festif au Grand Palais du 22 au 25 novembre 2018, sous le haut patronage d’Emmanuel Macron, avec EDF, Michelin ou encore Sanofi, et un partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale. En dépit d’un samedi de fermeture en raison du mouvement des Gilets jaunes, la manifestation a réuni plus de 40 000 personnes. Elle se poursuit sous la forme d’une plateforme numérique et d’une fondation.

Plus de cocréation

Hopscotch a l’habitude des événements propriétaires. Le groupe possède via sa filiale Le Public Système Cinéma les festivals de cinéma de Deauville, Beaune et Gérardmer. Et s’occupe lui-même de la programmation, de la direction artistique, de la recherche de partenaires, de la billetterie, etc. « Avec une équipe dédiée de 12 personnes, nous mutualisons d’une année sur l’autre, explique Aude Hesbert, directrice générale adjointe du Public Système Cinéma. Comme nous nous occupons aussi des relations presse de nombreux films, nous sommes bien connus des producteurs et distributeurs et cela bénéficie à d’autres événements. Nous avons accompagné par exemple le film Parasite qui a eu la palme d’or à Cannes et cela nous facilite l’accès au réalisateur Bong Joon-ho pour l’inviter sur d’autres festivals. » L’agence entretient aussi les bonnes relations avec ses clients en les conviant sur le tapis rouge de Deauville. 

Dans le cadre d’un événement propriétaire, les rapports avec les annonceurs changent, les agences travaillent davantage en cocréation avec leurs interlocuteurs. « L’Usine extraordinaire ne devait surtout pas être un salon, précise Carla de Oliveira Pécout chez Hopscotch. Il y avait très peu de logos, pas de produits finis. Le discours était sociétal, on ne vendait pas des mètres carrés. Chaque espace a été construit sur mesure avec les entreprises mécènes, leurs collaborateurs et leurs sous-traitants. » Même chose pour Viva-Tech, l’événement dédié aux start-up et à l’innovation créé par Publicis et Les Échos. « Ce n’est ni un salon ni un forum, plutôt un rendez-vous où les grands groupes collaborent avec des start-up sur des projets d’open innovation. C’est aussi un lieu où se croisent toutes les fonctions de l’entreprise : innovation, marketing, communication, ressources humaines », explique Julie Ranty, la directrice générale. « Aux côtés des événements classiques, ces plateformes autour d’une thématique sont l’avenir du métier, assure François Bitouzet, directeur général de

PublicisLive France. Les marques sont en demande d’un terrain neutre où elles peuvent rencontrer leurs communautés et les leaders d’opinion. De notre côté, cela nous apprend d’autres expertises, comme gérer une application de billetterie. » Bernard Arnault, Jack Ma, Mark Zuckerberg : la qualité des intervenants montre la place prise par VivaTech dans son secteur. Il positionne Publicis et Les Échos comme des acteurs de cet écosystème. L’organisation emploie désormais 35 personnes à plein temps et 15 de plus en haute saison. La dernière édition a réuni 124 000 visiteurs et touché 231 millions de personnes au total via les réseaux sociaux.

« Donner une couleur à l’agence »

« Ces projets ne sont pas là d’abord pour gagner de l’argent, ils apportent un rayonnement et une image », estime Aude Hesbert. Même s’ils se doivent de trouver leur modèle économique, crédibilité oblige. Laure Frachon, directrice de projet chez Manifestory, y voit « une façon de donner une couleur à l’agence, de montrer qu’elle ne sait pas seulement répondre à des briefs mais qu’elle est aussi capable de monter des événements à fort contenu. Cela devient un actif de la société, cela crée de la valeur même si c’est un engagement financier. » Faute de pouvoir fidéliser et valoriser un portefeuille de clients, les agences d’événement peuvent ainsi muscler leur haut de bilan. Sur ce principe, Manifestory est à l’origine d’Apprentiscène, un programme de promotion de l’apprentissage par le théâtre. Elle a aussi créé la Love Run, une course en couple devenue un véritable festival du vivre ensemble. « Depuis un an, nous avons développé une stratégie de licences, précise Laure Frachon. La marque Love Run est déposée dans 45 pays. Nous sommes très vigilants sur la contrefaçon, surtout du côté des associations d’étudiants, car en cas de problème notre responsabilité est engagée. » Malgré les embûches, l’événement propriétaire est un projet d’entreprise, qui motive les équipes et donne une perspective sur la durée par rapport aux contrats ponctuels. « Quand on est une agence d’événementiel, on doit se vendre à un annonceur, là on crée un événement qu’il a envie d’acheter », résume François Bitouzet.

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