Tribune
Dans une lettre très personnelle et touchante, la dirigeante de BBDO Paris, Valérie Accary, rend hommage à Jean-Michel Goudard, à la fois le G de RSCG, puis patron de BBDO, qui vient de décéder à 80 ans. Il a été aussi le compagnon de route de Jacques Chirac, et un proche conseiller de Nicolas Sarkozy.

Deux, trois fois par an, on se retrouvait au Brandevin rue du Docteur Blanche, à quelques pas de son appartement. A chaque fois je lui envoyais un mail sur mudaison, son adresse hotmail, je prenais rendez-vous, comme on prend rendez-vous avec un conseiller, un psy, un coach. Jean-Michel est toujours resté mon mentor. (Lire aussi notre article d'hommage).



Je l’ai connu à mon arrivée chez CLM BBDO, lorsque j’ai rejoint Christophe, Anne et Marie-Christine. Jean-Michel avait un bureau sur le bateau, il était officiellement Président de BBDO Paris par interim mais on ne le voyait jamais. Son vrai travail, c’était Président international de BBDO WW donc il habitait à New York et dans les avions. Il avait une sacrée réputation chez BBDO. C’était l’homme qui virait les patrons d’agences et les remplaçait par d’autres. Il faisait peur.



Un jour, il m’a emmenée à Bruxelles pour un dîner avec un grand patron de P&G avec lequel j’avais travaillé dans mon agence précédente. Pendant les deux heures de trajet (ça roule vite, une Jaguar la nuit), j’ai eu l’impression de passer un entretien. Jean-Michel était exigeant. Il aimait ceux et celles qui avaient des convictions et il avait besoin de trouver de la force, de la détermination. Je crois que c’est le jour où j’ai vraiment été embauchée par BBDO.



Puis c’est grâce à Jean-Michel que nous, des Français d’une agence française, avons été embarqués dans notre aventure PepsiCo. Il croyait en nous, alors il nous a mis le pied à l’étrier. Il a magnifiquement fait ce qu’il a toujours aimé faire – donner à ceux qu’il aimait l’envie de se dépasser.



Un jour il m’a dit – The sky is the limit.



Alors on y est allés. Chercher les étoiles. En l’occurrence, les Lions, mais aussi la fierté, la reconnaissance.



Après le travail, avec Jean-Michel, on faisait la fête. Work hard, play hard, comme disent les amis Américains. Il était épris de liberté, d’envie de vivre avec intensité, de désir de rester jeune. Il aimait vivre une vie que d’autres seraient heureux de rêver. On a passé des soirées extraordinaires à New York, à Paris, everywhere. On ne s’ennuyait pas avec Jean-Michel.



Lorsque j’ai eu envie de partir travailler à l’étranger pour prendre l’air, il m’a demandé :



- tu veux aller où ?



- Londres



- OK, tu y vas.



5 minutes de conversation. Presque 3 ans à Londres. Jean-Michel était efficace.



Jean-Michel n’aimait pas tout le monde. Il pouvait être dur. Il détestait la complaisance.



Mais quand il aimait quelqu’un, il était là, pour la vie.



Quand il m’a proposé de reprendre la Présidence de BBDO à Paris, il m’a invitée à déjeuner, à Londres, et il m’a dit qu’il avait hésité parce qu’il savait que, pour diriger une agence, il ne fallait pas juste avoir des qualités professionnelles, il fallait être fort, résister, combattre, se relever. Il m’a dit ça puis il a dit : - Vas-y, montre-leur de quoi tu es capable.



Jean-Michel ne faisait rien à votre place. Il n’était pas un Go-between. Il n’était pas un facilitateur. Jean-Michel voulait qu’on se débrouille tout seul. Il avait de l’ambition pour vous et il vous donnait l’envie d’être à la hauteur de cette ambition. Comme on n’avait pas envie de le décevoir, on était obligé d’y aller, de gagner pour l’épater.



Jean-Michel est parti faire de la politique, par amitié et par envie de continuer à vivre.



Il a quitté BBDO mais nos cafés du matin au Brandevin n’ont pas cessé. Bien au contraire. Au cours de ces quinze dernières années, j’ai eu souvent besoin de ces conversations avec lui. Il se passait toujours la même chose. J’arrivais avec un souci, un poids sur les épaules, une frustration. Il m’écoutait. Il me donnait un conseil (pas deux, un) et surtout il me donnait de l’envie. Je repartais toujours plus claire, plus forte, plus déterminée et aussi plus légère.



Ces dernières années, j’avais un peu peur avant de le voir. J’avais peur que sa maladie auto-immune l’ait un peu plus affaibli. Parfois, effectivement, je le trouvais fragile.



Les derniers temps, de part et d’autre, sont devenus plus difficiles. Le COVID l’empêchait de sortir, l’agence n’allait plus bien. Et pourtant son esprit était toujours aussi vif, ses conseils aussi pertinents et il me donnait toujours envie de repartir dans la bataille ou de tout recommencer pour retrouver de nouvelles étoiles.



Jean-Michel était un grand mentor et il est devenu un grand ami.



Mes pensées vont à Jérôme - son fils, ses filles, ses petits-enfants et toute sa famille

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