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La fondatrice du cabinet de conseil The Arcane et présidente du think-tank Entreprise et Progrès vient de publier Le temps des leaders pop ! (Éditions de l’Aube), dans lequel elle interroge la figure du leader dans nos sociétés actuelles. Explications.

Qu’est-ce que vous appelez un leader pop ? En quoi peut-il changer le monde ?

Marion Darrieutort : Un leader devient pop grâce à trois facteurs : parce qu’il est populaire, ouvert et politique. Populaire, parce qu’il est en lien direct avec la population, et est en empathie avec elle. Si on prend le cas du président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, il est apprécié parce qu’il se met vraiment à hauteur des Ukrainiens. Ouvert, c’est une forme d’introspection pour savoir quel type de leader je suis, et ensuite faire évoluer ma personnalité. Je me suis rendue compte que certains leaders étaient malheureux parce qu’ils dirigeaient en fonction de ce qu’ils avaient appris et non pas en fonction de qui ils sont. Ce n’est pas parce qu’on devient leader qu’il faut être comme les autres, on a le droit d’avoir son propre style.

Enfin, le dirigeant ne doit pas nécessairement faire de la politique, mais il faut qu’il exprime des points de vue sur certains sujets, comme par exemple avec la réforme des retraites. La première mission du leader pop est de diriger son entreprise et de délivrer du profit, de la performance, et de créer des emplois. Il dirige la performance mais il gouverne avec la société. Il doit prendre conscience que son entreprise est un acteur sociétal. Il doit prendre le pouls de la société et gouverner avec ses parties prenantes.

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Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous intéresser à ce sujet ?

Ce livre est dédié à mes clients et à mes équipes parce que je les vois évoluer depuis trois ans. Je les vois dire, vivre, gouverner et c’est formidable. J’ai la chance de diriger un think-tank, où je fréquente plein de dirigeants. J’ai donc fait ce livre pour témoigner de ce que j'ai pu observer et livrer des points de vue personnels sur le leadership.

L’autre motivation, c’est de montrer que le monde change. Arrêtons de dire qu’il faut changer le monde, c’est aussi la responsabilité des leaders de se changer eux-mêmes. D’où le titre : «Changer de style de dirigeants pour changer le monde».

Vous faites beaucoup de références à la culture pop. Si vous deviez nommer un «leader pop» actuel, qui serait-il ?

J’ai mentionné Volodymyr Zelensky à l’international, mais en France, je vais en nommer deux. Le premier est Arthur Sadoun, président du directoire de Publicis, parce qu’en dévoilant son cancer, il s’est ouvert aux autres. Il a été dans l’ouverture populaire parce qu’il s’est connecté à nos attentes, à savoir le fait d'avoir le droit de parler de la maladie au travail. Et il est politique parce qu’il en a fait un combat qui engage d’autres entreprises.

L’autre leader pop, c’est Delphine Ernotte, directrice générale de France Télévisions. Elle a un côté très pop parce qu’elle s’est beaucoup connectée aux attentes des Français en matière d’information et de télévision.

Vous parlez de la place des femmes. Est-ce que c’est plus facile pour elles d’être des leaders aujourd’hui ?

C’est vrai que je me suis beaucoup demandé si le leadership était un genre. Et en fait, pour moi, le leadership, c’est avant tout un équilibre. Il faut avoir des valeurs dites masculines, comme l’autorité lorsque vous devez imposer une décision à vos équipes, mais aussi des valeurs dites féminines, lorsqu’il faut être à l’écoute des autres. J’ai toujours un peu du mal avec les caricatures, mais les études montrent que les leaders féminins sont beaucoup dans l’empathie, la douceur, l’écoute, la proximité et la considération. Donc effectivement, les femmes sont bien placées pour être des pop leaders.

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Existe-t-il encore des freins pour qu’elles deviennent des leaders ?

Oui bien sûr, il y a un plafond de verre qui est évident. Les femmes continuent à se brider. Parfois, elles ont du mal avec les titres ronflants comme président, directeur général ou même leader. Entendre une femme dire : «je suis un leader», ce n’est pas toujours facile. On se met des verrous. On n’ose pas parler d’argent, on n’ose pas parler carrière…

Pour ma part, je suis devenue une pop leader le jour où j’ai compris qu’il fallait que j’arrête d’essayer de cocher des cases et que je reste moi-même. Par exemple, je me souviens de mon ancien patron, qui m’avait demandé de m’attacher les cheveux avant une réunion, car soi-disant les cheveux détachés faisaient un peu négligé et donnaient l’impression que je revenais de la plage. Et donc pendant des années, je me suis attaché et lissé les cheveux, parce que je ne voulais pas faire souillon. Quand j’ai créé ma boîte, mon acte à moi de rébellion, ça a été de me dire que maintenant j'allais arrêter de me lisser les cheveux, de les attacher, et les laisser tels qu’ils sont. Parce que c’est ma signature, ma personnalité.

Quels conseils donneriez-vous à un patron qui souhaite détourner les codes traditionnels du leadership ?

Je lui dirais de descendre dans l’arène et dans la rue, et d'être en totale proximité avec ce qui se passe dans le monde, d'aller à la rencontre des associations, les écouter, et se laisser surprendre. Il faut sortir de ses habitudes, de sa zone de confort. Si vous voulez libérer votre leadership, il faut d’abord faire un travail personnel d’acceptation de son charisme et de sa puissance. Ensuite, il faut avoir un esprit créatif festif et ouvert. Pour terminer, je leur dirais simplement de mettre un peu de pop dans leur vie.

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