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Profitant de la place centrale prise par le corporate, les spécialistes de la discipline affichent une croissance enviable mais souffrent d’une pénurie de main d’œuvre. Un article également disponible en version audio.

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Une croissance à deux chiffres. Voilà ce qui ressort du bilan annuel effectué par le cabinet Occurrence pour le compte du Syndicat du conseil en relations publics (SCRP), qui regroupe 58 agences dont Publicis Consultants, Havas Paris, TBWA Corporate… Sur la base d’une trentaine de répondants, la croissance cumulée du chiffre d’affaires est de 12,6 % en 2022, et de 13,2 % en termes d’honoraires. « Cette progression traduit un marché dynamique », commente Thomas Marko, directeur général de l’agence du même nom et vice-président du syndicat. Pour 2023, la perspective de croissance grimpe à 12,9 %. 82 % des agences indiquent vouloir recruter de nouveaux collaborateurs ou être en train d’y procéder.

Fondé en janvier 2021 par Marion Darrieutort (ex CEO d'Edelman), le cabinet The Arcane affiche ainsi une croissance annuelle de 50 % et compte déjà 23 collaborateurs. « Nous visons une marge brute de 6 millions d’euros cette année », prévoit-elle déjà. CEO de l’agence BCW (110 collaborateurs, groupe WPP), Marc Chauchat évoque de son côté une croissance de ses revenus de l’ordre de 2 % à 3 %, « solide » et « supérieure à celle de l’économie ». Valérie Lecasble fait état pour H+K Strategies d’une très bonne année 2022 mais craint que 2023 soit « plus compliquée », avec la crise dans le secteur de la tech et les conséquences de la guerre en Ukraine et de l’inflation.

« À l’image de nos clients, le marché continue de bouger, avec une multiplication des agences de moins de dix salariés qui se spécialisent sur la marque employeur, l’influence ou l’accompagnement des dirigeants », observe Clément Léonarduzzi, le président de Publicis Consultants (160 collaborateurs, 31 millions d’euros de chiffre d’affaires). « Le métier est en pleine effervescence, avec une augmentation foudroyante des missions d’affaires publiques et du lobbying média », complète Frédéric Henry, président-fondateur de FH Com.

Pour faire face aux questions de RSE devenues centrales, les agences se musclent. BCW vient d’embaucher Chloé Vasseur, ex-Edelman, comme DGA sur ce sujet. The Arcane a recruté Christine Durroux, ex-Kea & Partners, comme senior partner pour proposer une offre sur la gouvernance dans le domaine de la performance extra-financière. « On ne va pas faire McKinsey mais c’est complètement pionnier cette alliance entre les métiers de la communication et ceux de la stratégie », avance cette dernière.

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Cet essor s’inscrit dans un contexte de fortes tensions sur le marché de l’emploi. « Tout le monde recherche les mêmes collaborateurs, il y a une chasse d’agence à agence destructrice de valeur, pointe Thomas Marko. Nous ne trouvons pas assez de candidats qualifiés. » Les profils convoités sont variés (scientifiques, Sciences Po, littéraires, Normale Sup…), avec un niveau qui a, selon lui, « considérablement crû » devant la complexité des sujets. Pour postuler, il faut être bilingue, avoir une culture générale solide, être mobile et ouvert d’esprit…

Ce problème de tension sur les effectifs réduit le temps passé par les agences dans les compétitions. Elles ont aussi moins besoin de courir après les nouveaux clients, ceux en portefeuille multipliant les demandes. Conséquence : le taux de consultations refusées atteint, selon le SCRP, 30 %, un taux « jamais vu » confirmé du côté de la délégation corporate de l’AACC, qui regroupe 25 agences (Babel, W, BETC Corporate…).

Face à cette situation, le syndicat a fait de l’attractivité sa « feuille de route pour les deux ans à venir », note Hervé Brasselet, le coprésident de l’agence Parties Prenantes, tout juste réélu président de l’AACC Corporate. « Cela passe par une présentation de nos métiers devant des écoles partenaires, des interventions dans des facs de sociologie ou d’économie, et un programme sur la diversité avec des actions dans les quartiers prioritaires ou tout bonnement en province », détaille-t-il, parlant d’un « sujet vital » pour la profession.

Recruter, mais aussi fidéliser : voilà l’enjeu, dans un contexte où les nouvelles générations semblent plus versatiles que leurs prédécesseurs. Pour mieux les retenir, BCW a monté une formation pour développer le savoir-faire de ses jeunes consultants. « Il s’agit d’un programme accéléré pour développer leurs capacités de conseil intégré », précise le CEO, Marc Chauchat, qui parle d’un accord « gagnant gagnant », une sorte de 4e cycle « structurant à la fois pour eux et pour nos clients ». Une dizaine de collaborateurs sont déjà entrés dans ce cursus, qui permet d’aborder tous les sujets du corporate : crise, affaires publiques, RSE… Cette formation est également proposée aux clients de BCW.

Les agences transforment leurs pratiques pour se mettre au niveau de leurs clients. « Les annonceurs veulent de plus en plus des agences qui leur ressemblent », constate la coprésidente d'Havas Paris, Mayada Boulos. « Havas Paris a engagé sa transformation positive », affirme-t-elle, avec la création d’un think tank sur ce sujet réunissant collaborateurs et clients. L’agence est également en cours de certification B Corp, un label très recherché. L’AACC attribue de son côté une certification Afnor « RSE Agences Actives » aux enseignes qui s’engagent sur la question de leur impact.

« On vient de regagner, pour la SNCF, un marché, celui de son réseau interne SNCF Mixité, dans lequel le critère RSE comptait pour 20 % de la note », relève Sophie Barré, directrice du pôle brand content de l’agence Ici Barbès. Ces critères RSE portent sur le bien-être au travail, l’accompagnement des clients vers une communication plus responsable ou encore la capacité à éco-concevoir des newsletters. L’agence Epoka s’est engagée de son côté dans l’éco-conception en créant pour ses clients des sites internet moins gourmands en énergie. Cela permet, selon Manuel Lagny, qui préside cette agence de 200 personnes pour 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, de réduire de 25 % à 40 % les dépenses d’énergie dès la première mise en ligne du site, avec des perspectives allant jusqu’à 60 % d’économies sur la durée.

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