Tenkan Paris a réalisé une étude qui permet, pour la première fois, de disposer d’une grille de lecture du secteur de la communication sur le continent africain. Stratégies en a tiré quelques enseignements. 

Frédéric Fougerat est président de Tenkan Paris, un cabinet de conseil créé en septembre 2022, spécialisé en communication de crise, image et réputation, notamment pour des personnalités que le fondateur dit « sensibles » car exposées (les hommes et les femmes politiques, les dirigeants…). « 50 % du business de Tenkan est africain », fait savoir l’entrepreneur également auteur de La Com est un métier (paru en 2021) et d’Un dircom n’est pas un démocrate (2020) aux éditions Bréal. Avec Tenkan, Frédéric Fougerat s’est rendu dans plusieurs pays (Bénin, Togo, Gabon, Guinée-Conakry…) et a observé un fort dynamisme de la communication en Afrique, « aussi bien au sein des ministères que dans le secteur privé », précise-t-il. 

À titre d’exemples, il cite des agences comme SaKom (conseil, relations publics, événementiel, marketing) à Conakry, dirigée par Salématou Sako, Majestic Gabon (communication 360°) dirigée par Confort Etim Bibang ou encore TDMedia (webmarketing et communication digitale) en Côte d'Ivoire, dirigée par Ismael Dembele. Le développement des réseaux sociaux et de nouveaux médias participe à l’accélération de la profession. « Les grandes organisations renforcent leurs directions de la communication, les petites entreprises se structurent, les formations et les offres d’emplois se multiplient », commente le spécialiste. Constatant qu’il était suivi par une communauté sur le continent, Frédéric Fougerat a lancé une grande enquête auprès de cette dernière.

Ainsi, plus de 900 communicants africains francophones ont été interrogés entre juillet et octobre 2023 dans vingt pays d’Afrique. Les sondés sont à 65,6% des hommes et sont plutôt jeunes (42% ont entre 20 et 30 ans, 36% entre 31 et 40 ans, 18% entre 41 et 50 ans). Ils ont suivi, pour la majorité, des études dans un pays africain (seulement 15% ont fait des études en dehors du continent). Enfin, ils travaillent dans le secteur privé (à 55% dans une entreprise et 20% en agence, contre 25% dans le public). L’étude montre la perception et les pratiques du métier par ces « communicateurs », comme ils se définissent eux-mêmes pour appuyer le caractère professionnel de leur activité, d’après Frédéric Fougerat. 

Premier enseignement : le digital porte la communication africaine, ainsi que les réseaux sociaux. La communication corporate est aussi en bonne place dans leurs missions. Arrivent ensuite les relations presse, l’événementiel, la communication commerciale. Quant à la publicité, la communication interne, les relations publics, l’influence, la communication RSE et la communication politique, elles sont finalement assez peu citées. Dernière roue du carrosse : la communication financière apparaît comme très peu pratiquée. On remarque que les freins rencontrés sont les mêmes qu’en France : manque de budget, de considération de la communication ou encore un manque de vision stratégique. 

Pour un «changement de narratif»

Autre enseignement, la place de la RSE dans la communication africaine semble, pour l’heure, surtout relever du discours ou ne pas être une priorité (à 53%). Mais à l’avenir, le sujet pourrait devenir une vraie préoccupation (à 46%), et même une priorité (à 35%). « Cela traduit une prise de conscience et un chemin de progression », commente Frédéric Fougerat. Concernant l’influence, pour une grande majorité de communicants africains (63%), elle définit surtout le lobbying et les affaires publiques, tandis que pour 29% elle se pratique surtout sur les réseaux sociaux.

Pour 77% des professionnels, leur métier est différent de celui des journalistes, quand 22% considèrent qu’ils sont en partie proches. Les sondés pensent toutefois que la confusion reste forte dans l’esprit du public. Frédéric Fougerat note aussi que beaucoup de journalistes africains exercent des fonctions de communication pour compléter leurs revenus. Enfin, les sondés estiment que la communication jouera demain un rôle plus positif que négatif, qu’elle sera à la fois indispensable au développement économique et aux institutions publiques. Dans dix ans, 82% des professionnels pensent qu’ils seront toujours dans le secteur : 28% s’imaginent en agences, 25% en entreprise, 21% en institution publique et 21% au sein d’une ONG, d'une fondation ou d’une association. 

Avec les décideurs publics, les communicants promeuvent un « changement de narratif » sur l’Afrique, selon Frédéric Fougerat. « C’est un sujet qui est porté par Patrick Muyaya, ancien journaliste, devenu parlementaire puis ministre de la Communication et des Médias et porte-parole du gouvernement de la République démocratique du Congo. Il s’est donné pour mission qu’on arrête de parler de l’Afrique de façon caricaturale. Il porte ce discours avec le hashtag #changementdenarratif », explique l'expert qui estime que c’est tout un continent qui se met en mouvement « au service de la marque Afrique ».

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