Alors que se tient les 6 et 7 juin le jury du 47e Grand Prix Stratégies de la Publicité, son président, Gaëtan du Peloux, coprésident et directeur de la création de Marcel, nous livre sa méthode et sa vision de la pub aujourd’hui.

Une cinquantaine de Lions, un Grand Prix [GP] Stratégies, trois Black Pencils… Avec son acolyte à la tête de la création de Marcel, Youri Guerassimov, Gaëtan du Peloux affiche un beau palmarès. Ce team créatif qui fêtera ses 20 ans de vie professionnelle commune en juillet 2024 (des noces de porcelaine) a brillé avec des campagnes comme « Les fruits et légumes moches » pour Intermarché (2014, GP Stratégies, Black Pencil D&AD), « Le marché interdit » pour Carrefour (2019, Grands Prix, Cannes Lions), « Hack Market » pour Back Market (2022, Grand Prix Effie…), et le film « La compil’ des Bleues » pour Orange qui a fait le tour de la planète à l’été 2023 (dix Grands Prix dans le monde)… Gaëtan du Peloux, directeur de la création et coprésident de Marcel sera le président du Grand Prix Stratégies de la publicité 2024 dont le jury se réunit les 6 et 7 juin à Honfleur. Ce créatif multiprimé nous dévoile son jury et sa vision du Grand Prix Stratégies de la pub.

Comment définissez-vous votre rôle de président pour cette édition 2024 du Grand Prix Stratégies de la publicité ?

Gaëtan du Peloux. Mon rôle est de m’assurer que personne ne passe à côté des meilleures campagnes créatives françaises de l’année ! Parce que j’aime profondément la publicité créative et que je suis convaincu qu’il n’y a pas mieux pour les annonceurs. Notre métier n’est pas une science exacte, mais plutôt une science humaine. Les agences, et l’industrie au global, ont besoin de festivals comme le Grand Prix Stratégies pour donner le « la », et célébrer les meilleurs travaux et féliciter ceux qui ont énormément travaillé pour que ces campagnes voient le jour.

Quelle est votre vision du GP Stratégies de la publicité ?

Je le considère comme le meilleur prix français de publicité. Le jury est toujours trié sur le volet, et le palmarès, exigeant et légitime. C’est « la crème de la crème » comme on dit à l’étranger.

Il se différencie des autres palmarès par sa façon de juger les campagnes : par secteur (automobile, restauration…) et non par types de médias (affichage, film…). Et puis il décerne un Grand Prix. Cela revient à se dire : si on ne devait garder qu’une seule campagne cette année, ce serait laquelle ? D’ailleurs, on retrouve systématiquement dans le palmarès du GP Stratégies les meilleures campagnes de l’année.

Enfin, son timing est bon : il permet à la communauté créative française de se retrouver et de faire le point juste avant les Cannes Lions qui sont notre Coupe du monde publicitaire.

Comment avez-vous composé votre jury ?

La valeur d’un prix est liée à la légitimité de ceux qui l’attribuent. J’ai donc sélectionné uniquement des gens que j’admire, où qui ont réalisé des campagnes que j’admire, évidemment, en essayant de représenter la publicité française dans sa diversité, mais surtout dans son excellence. Sans oublier une bonne dose d’éthique : un juré n’est pas là pour dire « j’aime ou pas » mais « ce travail est excellent ou nul », en justifiant pourquoi…

J’ai aussi veillé à un équilibre hommes/femmes, et à mélanger grosses agences et structures indépendantes… Enfin, j’ai choisi d’ouvrir le jury à d’autres métiers de la réalisation publicitaire : Hélène Daubert, executive producer chez Division, et Adriana Legay, monteuse.

Vous avez souhaité apporter au GP Stratégies une touche internationale, pourquoi ?

Les Français adorent se plaindre mais ils ne regardent pas ailleurs. Alors j’ai décidé de faire venir l’étranger à nous, et pas n’importe lequel : le Britannique Richard Brim, qui est le grand créatif aux manettes d’Adam & EveDDB, président du D&AD et auteur de nombreuses campagnes qui ont fait rêver les amoureux de pub, avec des films pour Harvey Nichols notamment.

Le but est que les Français puissent avoir un avis objectif et expert sur leur niveau créatif et l’image qu’elle a à l’international. Je voudrais qu’il y ait une fierté créative car on a une super équipe de France avec Publicis, Havas, BETC… D’ailleurs, cette année, c’est une agence française (BETC), qui a été désignée « agence la plus créative au monde » par l’organisme mondial de référence qu’est le Warc.

L’objectif est aussi d’apporter une légitimité internationale au GP Strat, ce qui permettrait à terme peut-être d’ouvrir une catégorie internationale.

Est-ce que le Grand Prix Stratégies est représentatif de la french touch à la différence des autres prix internationaux ?

La publicité française est plus pointue conceptuellement, plus « intello ». Mais pour juger de la qualité de la création française c’est toujours mieux de la comparer aux travaux internationaux. D’où la présence de Richard Brim qui va nous apporter son expertise des standards internationaux.

Quelle place va occuper l’intelligence artificielle dans ce palmarès selon vous ?

Je pense que l’IA occupera une belle place dans les années à venir, mais que, pour l’instant, c’est encore un peu tôt. Pour la simple et bonne raison que l’IA en est encore à ses prémices et donc qu’elle n’a pas encore été adoptée dans les usages d’une majorité de Français. On va commencer à voir des pubs IA quand cela aura réellement de la résonance dans la vie des gens. Certes, l’IA commence à produire des résultats assez dingues mais cela ne concerne qu’un microcosme. Mes parents par exemple n’ont pas encore utilisé ChatGPT ou Midjourney. D’ici à quelques années, l’usage de l’IA sera devenu commun à tout le monde et du coup, on pourra faire quelque chose qui a un vrai impact dans la vie des gens.

Est-ce que le Grand Prix pourrait récompenser une campagne faite par une IA ?

Si elle fait partie des meilleures campagnes de l’année, bien sûr. En revanche, aucune chance qu’une IA ne soit jugée par une IA !

On constate un retour de l’humour en créa dans cette saison créative 2023-2024, est-ce que vous ressentez cette vague ?

Oui. Et ça fait du bien ! La publicité réagit aux mouvements de société. On voit bien que nous vivons dans un monde plus incertain, plus grave, plus sérieux. Donc je pense que cette tendance à la légèreté et l’humour est en réaction par rapport à ça. Parce que les gens ont besoin de légèreté en ce moment. Et la publicité est en capacité de leur en apporter. La pub est une espèce de machine à absorber le temps.

Quel est le rôle de la publicité dans une société qui n’a jamais été aussi divisée ?

Notre objectif doit être justement de ne pas la diviser davantage. La pub est un reflet de son époque. D’ailleurs, il n’y a pas mieux pour décoder les mentalités d’une période donnée que de regarder cinq spots de cette époque. En parallèle, les publicitaires doivent avoir un rôle d’aiguillon, afin de pousser les entreprises à remplir leur rôle sociétal et non à faire juste du business, par exemple en les incitant à s’engager dans la transition écologique.

L’omniprésence des campagnes RSE n’est-elle pas une menace pour la création ?

Absolument pas ! Elles sont nécessaires. Et c’est crucial que les publicitaires ne les rendent pas chiantes. Notre campagne « Hack Market » pour Backmarket défendait une bonne cause (le recyclage des téléphones) et pourtant elle était drôle [hacking d’un magasin Apple avec l’envoi de messages par AirDrop incitant les consommateurs à préférer les téléphones reconditionnés de Backmarket].

Comment fonctionne votre team créatif avec Youri Guerassimov ?

Pour que cela fonctionne, nous devons être encore plus soudés qu’un couple dans la vie. Nous sommes très différents en termes de caractère et de personnalité mais nous partageons les mêmes valeurs, et nous avons la même vision de notre métier. Nous ne prenons pas de décision sans nous consulter. Quand on arrive à notre niveau actuel de responsabilité (présidence d’agence), c’est plus rare de continuer à rester ensemble en équipe même s’il y a quelques exemples : Fred et Farid, Gilles [Fichteberg] et Jeff [Jean-François Sacco] chez Rosa Paris…

Quel chemin vous a mené jusqu’à la publicité ?

Je suis issu d’une famille de banquiers. Donc en toute logique, après un bac ES, je me suis inscrit en fac d’économie. Mais j’ai jeté l’éponge après deux mois, car à un moment, il faut savoir casser les schémas ! Je me suis mis à chercher ma propre voie, et me suis accordé une année sabbatique… Et puis un jour, j’avais préparé une vidéo pour un de mes meilleurs amis, et son père, qui travaillait dans la pub, m’a dit en la visionnant : « Tu devrais être créatif dans la pub ». Je ne connaissais pas ce métier, donc j’ai rencontré des gens dans ce milieu, car il faut toujours être curieux dans la vie ! Banco. Je suis une formation à l’ISCPA et enchaîne les stages, jusqu’à mon stage de fin d’étude au sein de la défunte CLM BBDO, à l’époque l’agence de référence en France, avec à sa tête, la géniale Anne de Maupeou, qui décide de parier sur moi. Ensuite, j’ai rencontré Youri Guerassimov et ma vie professionnelle a démarré pour de bon. On a réalisé des pubs internationales pour Mercedes, Pepsi… BBDO c’était une immense école internationale. Quand, en 2008, Anne de Maupeou quitte CLM pour reprendre Marcel à la suite de Fred & Farid, elle nous emmène avec elle. Nous avons vécu l’avènement du Marcel d’aujourd’hui, sa fusion avec Publicis Net. En 2014, nous avons créé la campagne « Les fruits et légumes moches » pour Intermarché. C’est la campagne qui a définitivement créé le Marcel actuel. La pub peut et doit avoir ce rôle qui a permis de commercialiser des fruits et légumes qui étaient jusqu’ici jetés à la poubelle.

Le jury du Grand Prix Stratégies de la Publicité 2024

Olivier Aumard (BETC)

Séverine Autret (Havas Paris)

Richard Brim (Adam & Eve, D&AD)

Hélène Daubert (Division)

Pierrette Diaz (Indépendante)

Matthieu Elkaim (Ogilvy Paris)

Dimitri Guerassimov (VML)

Olivier Lefebvre (Fred & Farid)

Adriana Legay (Monteuse/Indépendante)

Souen Le Van (Indépendante)

Georges Mohammed-Chérif (Buzzman)

Clara Noguier (DDB Paris)

Jean-Francois Sacco (Rosa Paris)

Marie-Eve Schoettl (Publicis Luxe)

Lucie Vallotton (TBWA Paris)

Marco Venturelli (Publicis)

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