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Après avoir traversé la crise sanitaire sans trop d’encombres, les agences corporate surfent maintenant sur la reprise. Revers de la médaille, des tensions sur l’emploi et des métiers à revaloriser.

Le bilan 2021 de l’activité du Syndicat du conseil en relations publics (SCRP), qui regroupe une cinquantaine d’agences représentatives du secteur, sera connu dans quelques semaines. Sans attendre, on peut déjà affirmer que la crise sanitaire n’est plus qu’un mauvais souvenir. Avec le covid, l’activité avait plongé en 2020 : honoraires en chute de 10 %, chiffre d’affaires en baisse de 13 %. En 2021, elle est revenue à son niveau de 2019, voire légèrement au-dessus, selon de nombreux patrons d’agence. Et 2022 part sur le même rythme, disent-ils. « Le marché n’est pas mauvais du tout, bien au contraire. Il est assez dynamique depuis six à huit mois. Il est clair que la reprise économique a une incidence sur nos activités », pointe Thomas Marko, fondateur de Thomas Marko & Associés. Même constat pour l’agence Maarc. Celle-ci a connu en 2021, selon son fondateur Cyrille Arcamone, une croissance comprise « entre 10 % et 20 % », après une année 2020 où elle avait maintenu une progression de 1 % à 2 % malgré la situation sanitaire. 35 % des adhérents du SCRP ont continué à croître en 2020, même s’ils étaient 62 % dans ce cas en 2019.

Une tarification tirée vers le haut

Signe de ce dynamisme, la multiplication des appels d’offres. Elle est telle que, « une fois n’est pas coutume, on peut même se permettre de choisir les dossiers », se réjouit Thomas Marko, évoquant un autre phénomène « pas banal » : « une tarification des prestations tirée vers le haut ». Président de l’agence Parties prenantes, à la tête de la délégation corporate de l’AACC, Hervé Brasselet souligne que la communication interne et la mobilisation autour de la raison d’être des entreprises sont porteuses. « Nous avons de gros clients qui mettent de plus en plus de moyens sur ces volets. Avant, ces thèmes étaient un peu le parent pauvre et arrivaient en fin de recommandation, maintenant c’est un sujet central », constate le dirigeant. D’une manière générale, les contours du métier évoluent rapidement. Selon le SCRP, la part des relations médias est passée en cinq ans de 52 % à 36 % de l’activité de ses adhérents. « Les deux tiers des relations publics, c’est désormais autre chose que les relations presse », relève sa déléguée générale Anne-Mareille Dubois, en soulignant notamment la part prise par le digital, 21 % de l’activité des agences.

Revers de la médaille, du moins si l’on se place du côté des employeurs : une guerre des talents du fait d’une difficulté à trouver des candidats. « Cela se traduit par une grosse chasse chez les confrères, ce qui n’est jamais bon, cela déstabilise les équipes », déplore Thomas Marko. Avec une autre conséquence, selon lui : « des salaires en hausse de 15 % à 25 % ». « On s’arrache les spécialistes et même les juniors ont parfois plusieurs propositions à des niveaux qu’on n’imaginait pas il y a trois ou quatre ans », relève-t-il. La reprise économique n’est pas la seule responsable de cette situation. La crise sanitaire a aussi rebattu les cartes. Les stages en agence ayant disparu du fait du confinement, la source de recrutement qu’ils représentaient s’est tarie. D’autres salariés, après la période de télétravail, ont préféré quitter la profession pour s’établir en province ou à l’étranger.

Des métiers mal connus

 Mais le problème crucial est celui de l’attractivité des métiers du corporate. Chez les jeunes, « la communication est perçue aujourd’hui comme une discipline qui n’est pas forcément constructrice de la société de demain », note Juliette Mutel, directrice générale de l’agence Babel et vice-présidente de l’AACC Corporate. « On rencontre certains jeunes qui questionnent le sens même que peut avoir la communication. On pâtit de cette ritournelle selon laquelle la communication contribue à la société de consommation », précise-t-elle. Avec un second phénomène, selon elle : « On paye, dans les agences et plus largement dans le monde de la communication, le fait d’avoir vécu dans un microcosme, avec des gens qui ont fait les mêmes études, qui sortent des mêmes écoles. On a oublié de faire la pédagogie de nos métiers et de l’impact positif qu’ils peuvent avoir pour les entreprises », avance Juliette Mutel. « Notre travail est mal connu et mal identifié alors que, pourtant, nous avons une histoire à raconter », reconnaît Hervé Brasselet. À l’AACC, l’attractivité des agences est désormais l’un des chantiers de sa transformation, avec un travail autour de la « promesse employeur » qui passe notamment par des partenariats avec les écoles. Pour Felipe Canto Forest, associé de l’agence FH Com, la difficulté à « trouver des candidats polyvalents » tient également à « une formation qui n’a pas évolué à la même vitesse que les besoins de nos clients ».

Tensions et nervosité

Autre sujet, les relations avec les clients. Elles se sont encore dégradées avec la crise sanitaire, « avec des tensions, de la nervosité et des exigences pas toujours placées au bon endroit », remarque Hervé Brasselet. Lors d’un recrutement, il n’est pas rare aujourd’hui que le candidat demande à son employeur ce qu’il fait pour que cette relation avec le client se passe bien. L’agence Marie-Antoinette a instauré de son côté en janvier une « charte de la sincérité » pour « collaborer en bonne intelligence dans le respect de l’autre », note Élodie Balsamo, qui dirige Fersen, son pôle corporate. « Nous sommes des communicants mais aussi des individus », plaide-t-elle. Dans son agence, maintenant, « c’est à prendre ou à laisser ». « Notre pôle d’expertise corporate a refusé sept appels d’offres depuis janvier, soit parce que les délais étaient trop courts, soit parce que les budgets n’étaient pas alignés sur les ambitions et les résultats attendus dans le brief », indique-t-elle en se faisant l’avocate du « fair corporate ». « Dans nos métiers, nous sommes face à des problématiques de plus en plus complexes nous obligeant à recruter des gens de grande qualité. Mais pour pouvoir les payer, il faut aussi réussir à vendre nos honoraires au juste prix », plaide le fondateur de Maarc, Cyrille Arcamone.

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