La solution de choix de d'achat «where-to-buy» et d'analyse e-commerce Swaven, annonce son rachat par son homologue américain MikMak. Laurent Quatrefages, fondateur de Swaven revient pour Stratégies sur les modalités de ce rachat et l'évolution de cette technologie dans le parcours client des marques.
Vous annoncez votre rachat par l’américain MikMak. Pourquoi passer par une acquisition pour établir une solution commune ? Un « partenariat » technologique n’aurait-il pas suffi ?
La problématique a été rapidement résolue. Nous étions en concurrence directe avec MikMak aux USA, notamment sur la partie Social Media de nos plateformes. Dans ce contexte, il nous était très difficile d’envisager sereinement un partenariat technologique qui pourrait rapidement générer une croissance significative, à court terme. Mais lors des discussions, nous avons identifié des synergies évidentes, faciles à mettre en œuvre et avec un impact quasi immédiat, en termes de flux d’affaires. MikMak et Swaven ont plusieurs clients en commun, de grands groupes de grande consommation multi-distribuées, et à travers le monde entier. Pour eux, suivre le parcours d’achat de leurs consommateurs, depuis leur mix média jusqu’aux distributeurs de leurs produits est stratégique et très complexe.
D’un côté MikMak est une marque reconnue notamment pour son expertise sur les réseaux sociaux, majoritairement sur le marché nord-américain avec un réseau de distributeurs associés. De l’autre, Swaven dispose d’une plateforme qui couvre l’ensemble du mix digital avec un vaste réseau de distributeurs internationaux et une plateforme SaaS en Self-Service, déployée dans plus de 70 pays. L’association des deux plateformes couvre d’emblée l’ensemble du mix digital et du retail de ces grands groupes, sur une seule plateforme. Donc établir une solution commune est la meilleure option pour nos clients. Tous veulent accéder à une plateforme unique leur donnant une vision unifiée de leurs performances e-commerce à l’échelle mondiale. Ils souhaitent également être assistés par une équipe unie de support client. Plus nous leur facilitons leurs projets, plus vite ils peuvent avancer et accroître leur profitabilité. La fusion est le meilleur chemin pour y arriver.
À quels besoins stratégiques répond cette acquisition ? Géographique ou Financier ?
Swaven a décidé de s’attaquer au marché nord-américain six mois avant la pandémie de COVID 19. Cela ne nous a pas laissés assez de temps pour établir la marque et acquérir une notoriété importante là-bas. Mais le coup de « boost » digital apporté par la pandémie a permis à Mikmak, déjà bien implanté sur le marché nord-américain, d’enregistrer un taux de croissance annuel de plus de 80 %. De notre côté, nous étions à 40 %. Nous avons bien renforcé nos positions internationales en Europe, Asie Pacifique, et Amérique Latine, ne facilitant pas l’expansion de nos concurrents.
À la fin des différentes vagues de la pandémie, le marché américain était déjà bien verrouillé, rendant notre pénétration plus lente et plus coûteuse. Le manque de puissance financière de nos actionnaires ne nous a pas permis d’envisager notre développement nord-américain, sinon en autofinancement. Ce qui aurait pris encore plus de temps. Il fallait trouver une autre solution. De son côté, MikMak cherchait de nouveaux leviers de croissance à l’international, et c’est dans ce contexte que nous avons entamé des discussions.
Qu’est-ce que cela va vous apporter ?
Clairement, ce rapprochement nous permet d’augmenter nos ressources humaines et commerciales et d’accompagner nos clients partout dans le monde. Notre technologie est déjà déployée par les marques globales sur les six continents et dans plus de 70 pays. Avec l’acquisition, notre couverture géographique dépassera 80 pays. La combinaison de nos forces nous permettra d’offrir une proposition de valeur inégalée aux marques locales et internationales, avec plus de 3 000 intégrations de retailers dans plus de 20 secteurs, et une gestion de plus de 200 millions de produits par jour.
Nous aurons une présence accrue sur les marchés d’Amérique du Nord, en Europe, Asie Pacifique et Amérique Latine. La nouvelle entité desservira un marché d’une valeur brute de marchandises (Gross Merchandise Value, GMV) de plus de 2,4 trillions de dollars. Notre positionnement dans le secteur du Commerce Marketing nous permet d’estimer le marché total à envisager (Total Addressable Market, TAM) à 120 milliards de dollars. Les marques ont aujourd’hui un besoin impératif de rentabiliser leurs investissements digitaux à travers la mise en place d’une stratégie globale et complète de leur tunnel de conversion, elles ont besoin de plus d’effet de levier et de recommandations. Ceci nécessite plus de données.
Les marques ont déjà passé un cap ces dernières années en data. Selon vous, il leur en faut donc davantage ?
Les marques multi-distribuées font aujourd’hui face à un défi incroyable pour mesurer et améliorer la contribution de leurs investissements digitaux à la génération de revenus pour leurs distributeurs. Et ce, tout en gardant une connaissance accrue de leur audience : les shoppers. Aujourd’hui, le leitmotiv c’est « No more pray and spray marketing ! » bienvenue dans le « Precision Marketing. » Dans ce contexte, il est devenu primordial pour les marques de contrôler l’intégralité du tunnel de conversion, et au-delà des seules impressions, de capter les intentions d’achat et les ventes réelles réalisées chez les retailers. Mais ça ne suffit pas. La performance e-commerce est une pratique itérative. Elle se base sur l’analyse de données pour identifier les modèles les plus contributifs en fonction des objectifs visés. J’ajouterais qu’il faut savoir les automatiser et les propager au sein d’organisations humainement et technologiquement tentaculaires et mondiales. C’est cela le plus difficile. Or, c’est vital pour les marques d’avoir des données cohérentes dans tous les pays, immédiatement exploitables dans différents écosystèmes digitaux régionaux, à travers des milliers de retailers, et d’obtenir des retours sur les ventes réelles réalisées. C’est vital car la concurrence est rude. Celles qui gagneront seront celles qui analysent et exploitent ces données le plus rapidement. Notre nouvelle plateforme MikMak 3.0 sera la réponse parfaite à ces besoins.
Comment se traduit cette acquisition ? Passe-t-elle par le rachat de la totalité des 210 782 actions Swaven ? Ou seulement d’une partie ?
En tant que société privée, nous ne souhaitons pas répondre à cette question.
Alors concrètement que devient la marque Swaven ? Sera-t-elle absorbée ?
La plateforme SaaS de Swaven est la base de la nouvelle plateforme MikMak 3.0, dont le lancement est prévu pour juin 2023. Rachel Tipograph, Fondateur et CEO de MikMak, aime à le répéter : « Nous avons analysé toutes les plateformes de nos concurrents, et Swaven est de loin la plus avancée, la plus évolutive, et tout simplement la meilleure de sa catégorie. » C’est un compliment dont nous pouvons être fiers ! Lors de nos échanges, nous avons compris que nous partagions la même vision en termes de satisfaction des besoins de nos clients pour atteindre leurs objectifs d’affaires, mais aussi en termes de valeurs d’entreprise et de mission humaine. Ainsi, l’absorption de la marque Swaven dans la marque MikMak à court terme semble évidente et la plus simple à appréhender pour nos clients et nos partenaires.
Cela veut-il dire que MikMak s’implante en France et que les employés Swaven passeront sous giron Mikmak ?
Oui, MikMak aura désormais des bureaux à Paris et à Montréal. Tous les employés de Swaven deviendront des employés de MikMak, une fois la transaction officiellement clôturée. Mon associé Sébastien Thiberge, co-fondateur et COO de Swaven, deviendra le vice-président principal de l’intégration des produits. Et moi-même, j’agirai comme conseiller stratégique. La nouvelle plateforme MIkMak 3.0 sera disponible en juin 2023 et déployable pour l’ensemble de nos clients et prospects, avec de nouvelles fonctionnalités. Elle conservera évidemment sa simplicité de déploiement en « quelques clics », que l’on nous reconnaît.
Comment la fonction « where to buy » a-t-elle évolué ces dernières années, avec la croissance de l’e-commerce sur les plateformes de réseaux sociaux (Instagram, TikTok) ? Vient-elle en concurrence ?
Nous avons fait beaucoup d’aménagements pour améliorer notre service. Les réseaux sociaux sont l’un des principaux supports de diffusion de cette fonctionnalité. Et MikMak est le leader mondial incontesté dans ce domaine. La société a déposé un brevet qui décrit les technologies clés utilisées pour gérer la sélection et le paiement multi-retailer dans les campagnes de marketing vidéo en ligne. D’autre part, pour mener les audiences de ces réseaux vers un achat efficace de produits auprès des commerçants en quelques clics, il a fallu créer des expériences d’achat fluides et en cohérence avec chaque réseau. Mais aussi sur tous les autres médias digitaux comme le programmatique, le search, le streaming vidéo et les chaînes émergentes comme la télé connectée ou les QR codes…
Notre plateforme Saas permet de mettre à jour les liens de façon plus simple pour les retailers. De mieux paramétrer les mix en s’assurant que les liens dynamiques redirigent vers des distributeurs géolocalisés, avec le produit disponible ou moment de l’intention d’achat. Et ce sur 200 millions de produits pour 3000 distributeurs dans 80 pays… Et enfin, à chaque fois qu’une marque déploie notre fonction « where to buy », elle a accès aux données relatives à son tunnel d’achat et peut les utiliser pour affiner son ciblage d’audiences.
L’objectif est-il toujours de développer de plus en plus de publicités « shoppable » ?
Avec l’évolution de l’e-commerce et du « phygital », les marques ont tout intérêt à être "shoppable" partout. C’est-à-dire faciliter l’accès aux options d’achat au moment où le consommateur est prêt, selon ses choix, que ce soit sur les médias organiques ou sponsorisés. Car c’est le consommateur qui doit être au centre de l’attention. Il faut capturer l’instant où son intérêt se transforme en intention d’achat, pour pouvoir mesurer le parcours jusqu’à la conversion. Le faire sur tous les assets digitaux d’une manière constante permet aux marques de déterminer quelles offres utiliser sur quelles cibles, sur quels canaux et à quels moments pour être le plus pertinent et le plus efficace possible. Notre objectif commun avec MikMak est de permettre aux marques multicanales d’être souple et « d’évoluer à la vitesse du commerce » : monitorer les parcours shoppeurs sur l’ensemble des canaux digitaux, de bout-en-bout, pour adapter la stratégie (et les budgets) marketing à chaque étape
Quel est le défi principal pour une solution comme Swaven à l’heure actuelle : convaincre davantage de retailers ou davantage de marques ?
Excellente question ! Nous travaillons au carrefour entre les marques multi-distribuées et leurs retailers. Une bonne collaboration entre les deux devient aujourd’hui de plus en plus stratégique. Pourquoi ? À cause de l’importance des données shoppeurs. Ce sont elles, la clé. Les marques ont besoin de savoir comment leur mix média convertit les ventes et ce sont leurs retailers qui détiennent les informations sur les achats de leurs produits. Notre plateforme connecte les campagnes digitales des marques aux achats chez les retailers. Et en retour, ces derniers peuvent facilement se connecter gratuitement à notre plateforme pour profiter du trafic de shoppeurs des marques, ainsi que des analyses de performances et de benchmarks !
Nous avons tous les outils nécessaires pour une collaboration avantageuse entre les marques et leurs retailers qui profitent aux deux parties. Nous avions besoin d’un partenaire stratégique comme MikMak pour percer le marché nord-américain, pour convaincre les grands comptes là-bas et profiter de son réseau de retailers établi. Il bénéficiera à l’ensemble de nos clients internationaux. L’acquisition nous permettra d’avancer beaucoup plus rapidement, de mieux soutenir nos clients et de faire évoluer notre offre aussi bien aux marques qu’à leurs retailers.