Présidentielle 2022

A moins de trois mois du premier tour de l’élection présidentielle, l’agence Edelman traque la popularité des candidats sur le web à travers un baromètre bimensuel. Explications avec Chloé Prompt, directrice associée des affaires publiques.

Pourquoi avoir lancé ce Baromètre de la popularité des candidats sur le web ?

Nous sommes convaincus que les sondages ont aujourd’hui beaucoup de mal à capter l’opinion. Beaucoup de personnes craignent des similitudes avec la situation américaine, marquée par l’élection de Donald Trump en 2016. Nous avons donc voulu vérifier s’il existait un décrochage entre les sondages et la popularité des candidats sur le web. Pour Edelman, ce baromètre est aussi l’occasion de renforcer notre visibilité en nous positionnant sur un sujet d’actualité important comme l’est l’élection présidentielle.

Quelle est la méthodologie de ce baromètre ?

Nous ne regardons pas seulement la taille de la communauté des candidats sur les réseaux sociaux, ni le volume des réactions qu’ils suscitent, car ça ne fait pas tout. 12 indicateurs nous permettent de définir la popularité des candidats sur le web, autour de quatre piliers : être visible, être entendu, être crédible et être rassembleur. Par exemple, la visibilité des candidats sur le web se mesure par la capacité des candidats à faire parler d’eux, et donc on regarde notamment le volume de mentions. Être entendu, c’est la capacité de tel ou tel candidat à orienter l’agenda, à faire le buzz et donc on regarde le nombre de likes. Pour la crédibilité, on s’intéresse au concept de réputation, de capacité à générer des réactions positives. Enfin, sur le caractère rassembleur ou pas, on regarde notamment le taux de croissance des comptes. Nous avons défini trois indicateurs par piliers, puis nous faisons une moyenne pour chaque candidat.

Quelles sont vos premières constatations sur ce baromètre, que vous publierez tous les 15 jours jusqu’à la présidentielle ?

Certaines choses confirment les sondages, pour d’autres, nous constatons des points de divergence. La montée d’Eric Zemmour par exemple s’est venue en même temps sur le web et dans les sondages, à partir de l’été. En revanche, alors que les intentions de vote ont commencé à décrocher à partir de la mi-novembre, on voit un Eric Zemmour qui se maintient sur le web en termes de popularité. Il se passe quelque chose de réel autour de sa personnalité, avec un travail sur la polémique qu’on ne retrouve pas sur un candidat classique. Or justement, sur les réseaux sociaux, la polémique crée et génère de la visibilité et de l’engagement. Reste à voir si cette popularité d’Eric Zemmour sur le web aura un impact sur le scrutin.

Qu’est-ce que vous notez d’autre ?

On voit que les candidats qui se sont le plus investis ces dernières années sur les réseaux sociaux ont aujourd’hui une prime. C’est le cas d’Eric Zemmour et d’Emmanuel Macron, qui sont en tête sur le critère de la visibilité et du caractère rassembleur, mais qui sont devancés par Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon sur celui de la crédibilité. Ces deux candidats, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, investissent les réseaux depuis longtemps, ils peuvent s’appuyer aujourd’hui sur un socle de conversation nourri par leur communauté. Ils ne sont pas au cœur de la polémique mais c’est ce socle qui les protège aujourd’hui en termes de popularité sur le web. Christiane Taubira, à l’inverse, a une audience naturelle sur les réseaux sociaux, notamment sur TikTok, mais elle pâtit du manque de structuration de ses soutiens, ce qui empêche un effet de riposte qu’ont d’autres candidats. Ceci remet en doute la capacité de candidats de dernière minute à inverser la tendance sur le web.

Ne craignez-vous pas un biais à ne regarder la popularité des candidats seulement sur le web ?

Quel que soit le parti pris, il y a un risque de miroir déformant. Les sondages n’ont pas forcément moins de biais. C’est la multiplication des points de vue qui permet à chacun de se faire son opinion. Sur le web, nous étudions beaucoup Twitter puisque c’est là où se focalisent les débats, mais on regarde aussi TikTok et YouTube. Nous croisons ces données avec les Google Trends (les tendances de recherche sur Google) et l’actualité en ligne de Google Actu. Notre spectre est large, même si nous avons conscience des limites de l’exercice.

Pensez-vous que la popularité des candidats sur le web fera l’élection ?

C’est évident que la popularité digitale aura un effet. Cela s’explique par le repli communautaire actuel, la défiance grandissante des Français vis-à-vis des pouvoirs publics et des médias, auxquels s’ajoutent les difficultés des candidats à aller sur le terrain en raison de la covid. Ça oblige chaque candidat à investir d’autres lieux comme les réseaux sociaux.

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