Tribune

L’influence en ligne repose sur la popularité. Mais si au contraire, l’impopularité était un vecteur d’influence.

Les experts de l’influence en ligne s’accordent pour dire que celle-ci se bâtit dans le temps et que ses fondations sont la notoriété, la popularité et l’autorité. La première, la notoriété, se réfère au fait que vous êtes plus ou moins connu. Sur internet, elle se traduira par le nombre de followers ou d’abonnés à un profil social. La seconde, la popularité, indique si vous êtes apprécié ou non. Le nombre de like ou de repartage de ce que la personne exprime sur les réseaux sociaux en seront quelques-uns des indicateurs. La troisième, l’autorité, concerne votre légitimité dans un domaine. Elle transcrira le sérieux accordé à vos propos par exemple. Ce qui précède vaut autant pour un individu que pour une marque.

Thomas Pesquet mis à part, ces trois attributs sont rarement réunis chez une même personne. Si Vladimir Poutine a une très forte notoriété par exemple, en France, il n’y est pas populaire. Certains experts bénéficient d’une autorité dans leur domaine tout en étant parfaitement inconnus. C’était le cas du docteur Didier Raoult avant la crise du Covid-19. Si des personnalités comme le commandant Cousteau ou Haroun Tazieff ont longtemps cumulé les trois dans le cœur des Français, rares sont les élus. Certains travaillent d’arrache-pied au développement de cette influence en ligne, comme Michel-Edouard Leclerc. D’autres semblent en jouir plus indirectement, Edgar Morin par exemple.

Le cas emblématique de Benny Lewis

Mais dans la vie, la notoriété peut largement s’accompagner d’impopularité et même s’en nourrir. L’exemple de Donald Trump est symptomatique. Chacune de ses prises de paroles, quelle qu’en soit la forme (tweet, conférence de presse...) multipliait sa visibilité et augmentait sa notoriété, tout en affaiblissant sa popularité en France. Or sur internet, l’impopularité peut contribuer à la notoriété.

Le cas de Benny Lewis est emblématique. Traducteur de métier, cet Américain a décidé de hacker littéralement l’apprentissage des langues en mettant au point un guide permettant de devenir «fluent» dans une langue étrangère en seulement trois mois. Sa méthode peu orthodoxe a rencontré un tel succès que ses guides ont été traduits en 24 langues. Chaque guide accessible en ligne pour moins de 100 dollars s’est écoulé comme des petits pains. Croyez-vous que Benny soit populaire pour autant ?

Autorité augmentée grâce à Google

Benny Lewis est atypique. Il ne vient pas du sérail, n’a pas le cursus que son nouveau métier de professeur de langue exigerait, n’est affilié à aucune école au sens propre comme au sens figuré. Il agace. Il agace même tellement qu’il a fait l’objet d’une véritable croisade en ligne, lui valant toutes les critiques des pontes de l’enseignement. Mais à chacune des critiques formulées, l’auteur de la salve renvoyait vers la page du site de Benny et ce faisant, augmentait son autorité au sens où Google l’entend, puisque le moteur de recherche calcule l’autorité d’un site dans son domaine en fonction du nombre de liens pointant vers lui.

Dans le cas de Benny Lewis, ce sont de très nombreux sites ayant pignon sur rue qui ont renvoyé vers le sien, bien que très critiques. La notoriété de celui-ci s’est alors accrue dans la foulée et sa popularité a trouvé un écho chez tous ceux que le système scolaire a rejetés et que l’enseignement des langues sur les bancs de l’école avaient autrefois révulsé.

Dans cette histoire, c’est l’algorithme de Google qui a perdu son latin. En assimilant à des indicateurs d’autorité des liens vers un site, qui étaient en réalité de virulentes condamnations pour imposture, la firme de Mountain View a rendu populaire celui que l’establishment voulait justement renvoyer de l’école… de la vie.

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