Le patron de Brandtech revient sur l’utilisation de l’IA dans le marketing pour les plateformes. Après le rachat de Pencil, en juin 2023, spécialisée dans l’IA marketing depuis plusieurs années, il estime avoir une longueur d’avance sur le domaine.

Où en est l’IA dans le marketing, selon vous ?

David Jones. Je n’ai jamais vu une chose pareille chez nos clients. Quand j’entends tout ce qu’on dit à propos de l'IA, comment elle va révolutionner le marketing, moi je réponds que c’est déjà là. C’est déjà le cas. Ce qui est dingue avec l’IA, ce n’est pas ce que ça fait. Elle ne crée pas les choses mieux que les humains. Mais c’est la façon de le faire qui est incroyable : la vitesse et l’échelle avec lesquelles les contenus sont produits. Et la réduction des coûts. Par le passé, produire un film, c’était une cascade qui coûtait de plus en plus cher. Il fallait faire un script, puis un storyboard, puis une animatique, puis on prenait un réalisateur et à chaque étape, c’était plus coûteux, ce qui réduisait les choix. Désormais, on peut créer cinq films dès le départ, ou cinquante. Cela va changer les choix stratégiques des marques. Car on dit que 60 % de la consommation se situe hors stratégie, pour les marques. Quand une personne de 60 ans achète des baskets pour adolescents, c’est hors stratégie. Ce n’était pas la cible marketing, mais pourquoi ? Car vous considériez que vous n’aviez pas les moyens de vous adresser à elle, et qu’elle n’était pas la priorité. Désormais, les marques auront les moyens de lui parler de manière plus personnalisée. C’est pour cela que l’IA, en réduisant les coûts et l’échelle des productions marketing, changera toutes les décisions stratégiques.

Vous avez racheté Pencil, à 100 %, en juin 2023, mais cela fait longtemps que vous investissez dans l’IA…

Depuis la création de The Brandtech Group, nous avons fait sept investissements dans l’IA. Pencil a été fondée en 2018 et nous avons acquis 100 % en juin dernier après avoir capitalisé sur toute son expérience. Pencil a créé plus d’un million de contenus pour les marques, grâce à l’IA. Cela fait cinq ans que l’entreprise travaille sur l’intégration d’outils d’intelligence artificielle dans le processus de création marketing. Elle a déjà beaucoup d’expérience, après avoir investi 1 milliard de dollars sur 4 000 marques. Bien avant que le modèle ChatGPT 3.5 n’explose. Et ces derniers mois, ça s’est encore accéléré. Car nous nous sommes connectés à de nombreux outils et bases de données. Pencil travaillait surtout avec des petites et moyennes entreprises, mais Brandtech est essentiellement partenaires de grands comptes. Alors nous avons travaillé pendant six mois pour lancer Pencil Pro, afin de mieux encadrer les choses légalement au niveau de la gestion des données personnelles, et pour la gestion des droits d’auteur – des thématiques très importantes pour les grands comptes – et pour permettre de passer à l’échelle. Aujourd’hui, nous avons déjà cinq de nos plus gros clients qui l’utilisent, comme Unilever.

Quel retour d’expérience en faites vous ?

Concrètement, on peut créer n’importe quel contenu entre 1,2 et 12 fois plus rapidement, pour les plateformes. Et nous obtenons un retour sur investissements médias (ROAS) de 161 % sur TikTok et sur Instagram. Mais surtout, l’outil aide énormément sur tout le processus de création. Vous demandez une campagne pour tel ou tel produit, en telle ou telle occasion, et il vous donne des insights. Et il y a la possibilité de préciser les besoins de la campagne selon la plateforme, ou le type de contenu que vous voulez créer : un packshot, un post, un film, etc. Il crée plusieurs contenus et vous pouvez ensuite itérer le travail. Ce qui est très novateur, c’est que l’outil a été entraîné sur une base d’un milliard de dépenses média, alors pour chaque contenu vous avez un code couleur : orange indique que ça a été essayé par le passé et que ça n’a pas marché, vert, que ça a déjà été essayé et que ça a marché, et bleu indique que ça n’a jamais été fait. Et les clients adorent le bleu, car il dope leurs innovations marketing. Ensuite, vous pouvez les diffuser en live sur les plateformes, et toujours au meilleur format adapté.

Comment vous gérez les risques juridiques qui sont encore flottants et sèment le doute chez les annonceurs ?

Nous avons deux responsables juridiques chez Brandtech, qui sont vraiment exceptionnels sur le sujet. Oui, parfois les marques viennent nous voir en affirmant qu’ils ne peuvent pas utiliser l’IA. Elles passent deux heures avec eux, et ressortent en disant « OK on peut l’utiliser ». Il faut savoir aussi que depuis quatre mois, il y a eu un changement du côté des plateformes qui ont établi que si risque juridique il y avait, c’était à elle de gérer. Google, OpenAI, Adobe… toutes ont fait ce mouvement. L’autre point, c’est aussi que les bases de données se sont aussi adaptées, et il y a désormais des bases d’images avec des licences dédiées à l’entraînement des IA. Comme Shutterstock, ou Getty avec qui nous avons un partenariat. En outre, dès qu’un être humain intervient bien dans le processus, la question des copyrights change drastiquement. Après, la probabilité pour qu’un auteur d’une œuvre célèbre se retourne contre une marque car elle a utilisé un outil qui s’est entraîné sur une de ses productions, est très faible… Il y a aussi une émulation concurrentielle entre les marques. Certaines disent « non », et quand elle voit que tous les concurrents le font, elles finissent par nous appeler. Je ne dis pas que c’est un faux problème, mais je pense que tout converge petit à petit vers le sens de l’histoire, pour que cela ne soit plus un problème.

Donc pour vous, cela fait partie des questions qui nécessiteront des ajustements, mais ne remettent pas en cause le mouvement d’accélération général ?

Oui. Après, nous nous mettons des limites. Par exemple, pour le moment, nous refusons de créer des personnes avec de l’IA. Pour la beauté, par exemple, nous préférons utiliser de vrais mannequins. La puissance de l’IA, elle, nous permet de créer 100 000 contenus en quelques minutes avec quelques prises de vues d’une vraie personne. Je ne dis pas que nous ne changerons jamais d’avis mais pour le moment, nous préférons travailler avec de vraies personnes, et les payer.