Depuis deux ans, l’IA révolutionne les outils marketing et publicitaires de Meta. Explications avec Laurent Solly, vice-président Europe du Sud de Meta.

Depuis plusieurs mois, Meta lance de nombreux outils d’IA générative pour les annonceurs et le marketing. Jusqu’où cela ira-t-il ?

Laurent Solly. On pense qu’avec l’IA générative, on a ouvert une nouvelle ère pour les professionnels du marketing et de la pub. L’intelligence artificielle a une puissance de transformation et de rupture technologique incroyable. Cela change trois éléments structurants. D’abord cela génère une expérience utilisateur plus personnelle sur Instagram et Facebook. Ensuite cela améliore la productivité des équipes marketing de Meta et de tous ses partenaires. Enfin, l’IA augmente de façon spectaculaire la performance des campagnes sur nos plateformes, en particulier avec la naissance en juillet 2022 d’une grande famille de produits publicitaires: Advantage+. Les campagnes shopping Advantage + utilisent l’intelligence artificielle pour éliminer les étapes manuelles de la création d’annonces.

Une enquête récente de The Verge relevait pourtant que les outils d’IA d’optimisation de Meta posaient quelques soucis en termes d’efficacité. Ce ne serait qu’un couac de rodage ?

Quand on lance une nouvelle gamme de produits, il faut les ajuster, les améliorer avec les clients, cela fait partie de la culture de test and learn de Meta. Mais surtout avec l’IA, il y a de très bons résultats depuis des mois : en moyenne, le ROI des campagnes progresse de 32% et la portée incrémentale de 9%. Cette dernière est la plus complexe à obtenir. Air France a multiplié par deux son taux de conversion, Orange l’a augmenté de 1280%… La Redoute a accru de 82% sa prospection de nouveaux clients. Ces outils permettent aussi d’automatiser la création de campagnes en fonction des audiences, types de formats (Reels, Stories…) et optimisent le budget publicitaire.

Mais ces outils visent aussi beaucoup la longue traîne de clients, non ?

Oui, parmi nos 200 millions de clients dans le monde, il y a beaucoup de TPE-PME qui n’ont pas d'équipes marketing suffisantes pour effectuer ce travail. Il y a un an, nous avions lancé l’IA Sandbox pour les annonceurs, qui permettait de recadrer les photos, changer l’arrière-plan et générer les premiers textes automatiquement. Le 13 mai dernier, nous avons annoncé de nouvelles fonctionnalités d’IA générative améliorées, telles que la génération d’images et de textes complets, pour les annonceurs. Cela permettra de les adapter au ton et au contexte de la marque.

Même en agence, la peur du remplacement par l’IA est présente. Est-ce justifié selon vous ?

Quand je suis arrivé chez Facebook il y a onze ans, j’entendais déjà dire : « dans dix ans, il n’y aura plus d’agence média ». Chaque révolution technologique renforce le rôle des agences. L’automatisation des tâches à faible valeur ajoutée est une chance pour elles. Cela leur permet de se concentrer sur l’analyse en amont et aval des campagnes, le mix média, et cela accroît les performances. Les agences se mettent à l’IA. Publicis et Havas ont annoncé un grand plan IA pour améliorer les services rendus aux clients. Ces derniers auront toujours besoin des agences pour utiliser l’IA. Certaines ont déjà créé des films de publicité formidables avec l’IA. Cela ne tuera pas la création, tout comme l’arrivée des grands effets spéciaux n’a pas fait disparaître le cinéma. Au contraire, l’IA fera naître de nouveaux métiers et transformera les métiers existants.

Mais les entreprises n’ont-elles pas peur de perdre le contrôle avec ces outils automatisés ?

Cette famille d’outils générés par l’intelligence artificielle se déploie à côté des outils classiques. Et même avec nos produits Advantage+, le client peut garder le contrôle de certaines fonctionnalités, par exemple en décidant de faire lui-même l’optimisation du budget ou le ciblage des clients. De nombreux clients ne sont pas prêts à les utiliser en mode totalement automatisé sur la création de contenus et nous disent vouloir garder la main. C’est normal. Cela nous permet d’éduquer le marché : on sait que les grandes révolutions technologiques se font avec un temps d’éducation, de formation et puis il y a toujours une phase de test and learn avec les clients et agences. Mais nous entrons dans une ère du marketing où l’IA va générer du contenu automatiquement, améliorer le ROI, et l’impact de chaque euro investi… C’est avant tout ce que nous demandent nos clients.

Côté utilisateurs, l’IA générative va être intégrée aux différentes plateformes de Meta dans les prochaines semaines…

Oui, nous déployons la personnalisation de l’expérience par l’IA sur Facebook et Instagram, avec notre moteur de découverte. Une fonctionnalité que les utilisateurs aiment beaucoup. Déjà, plus de 50% du contenu que les gens voient sur instagram est recommandé par l'IA. Il y aura aussi l’arrivée de Meta IA, notre assistant intelligent. Il permet de connaitre les préférences en matière de sports, loisirs ou restaurants des 3,29 milliards d’utilisateurs quotidiens de Meta dans le monde, faire des recommandations, répondre aux questions, générer et créer du contenu. Il sera déployé aussi dans les Ray-Ban Meta : ces lunettes voient ce que vous voyez et peuvent réagir en vous racontant l’histoire de la tour Eiffel si vous êtes à Paris. C’est une fusion des outils connectés et des assistants IA. La stratégie consiste à aller vers la création d’assistants personnalisés.

Jusqu’à mi 2023, Meta était très axée sur le métavers. Depuis, vous avez clairement donné un coup de frein… Où cela en est-il ?

Ce n’est pas l’IA ou le métavers et ça ne l’a jamais été. Depuis que Meta est devenu Meta, on a toujours dit qu’il y avait deux grands mouvements d’innovation technologique : l’IA et le métavers. Les outils du métavers ont d’ailleurs beaucoup progressé grâce à l’intelligence artificielle. Le meilleur exemple, c’est la réalité mixte rendue possible grâce à l’IA. Les synergies entre les deux sont de plus en plus fortes.

Comment Meta se prépare à l’approche des élections européennes en France ?

C’est une année électorale très importante : la moitié de la population mondiale (Inde, États-Unis…) devra aller voter. Pour les élections européennes, nous allons activer un centre d’opérations électorales afin d’identifier les menaces potentielles et de prendre les mesures nécessaires en temps réel. En parallèle, nous travaillons avec plus de 100 partenaires sur le fact checking, dont quatre en France. Sans oublier, là encore, l’IA qui nous aide sur la modération. Depuis 2017, Meta a démantelé plus 200 réseaux accusés d’ingérences électorales.

Retrouvez également notre interview de Yann Le Cun, patron de la recherche scientifique en IA de Meta