Les 15 spin doctors

Avec son émission «24H avec...» sur YouTube, Magali Berdah, papesse de la téléréalité, a bousculé le ronron bien huilé des interviews politiques, et ne s’est pas attirée que des compliments. Philippe Moreau-Chevrolet a voulu connaître ses motivations profondes.

Si vous ne la connaissez pas, vous êtes en tort. Et, même, en faute. Magali Berdah est à l’ère des réseaux sociaux ce que Mimi Marchand était à la grande époque des magazines. Elle fait et défait les réputations. Elle a créé sa propre industrie. En introduisant en France le marketing d’influence – en clair, le placement de produits – sur Instagram, Snapchat ou TikTok. Au départ, seules les stars de la téléréalité lui ont accordé leur confiance. Aujourd’hui, le monde frappe à sa porte. Devenue elle-même une influenceuse, invitée chez Cyril Hanouna, totalisant 1 million de followers sur Instagram et 1,5 million sur Snapchat, Magali Berdah revendique 40 millions d’euros de chiffres d’affaires annuels. Sa société Shauna Events porte le nom de sa fille, Shauna Berdah, qui compte elle-même 117 000 abonnés et… 1,7 million de likes sur TikTok. À l’heure où des concurrents apparaissent, comme We Events, Magali Berdah investit… la politique. Et crée une chaîne YouTube où elle passe «24h avec…» les candidats à l’élection présidentielle de 2022.

Vous avez lancé l’émission «24h avec…» sur YouTube. Pendant 30 minutes, vous échangez avec les candidats à l’élection présidentielle, comme Éric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen ou Anne Hidalgo, leurs équipes et leurs militants. Les stars de la téléréalité fuient plutôt la politique d’habitude, non ?

Magali Berdah : Quand j’ai annoncé que j’allais parler de politique sur YouTube, on m’a dit que j’étais folle ! Que j’allais finir comme Bernard Tapie ! La raison pour laquelle je l’ai fait, c’est que, par mon métier, j’ai rencontré des politiques. J’ai discuté avec des gens comme Gabriel Attal, Élisabeth Moreno, Marlène Schiappa ou Sarah El Haïry… Je pensais qu’ils étaient snobs, barbants, inintéressants. J’ai en fait découvert des hommes et des femmes comme nous. Avec leur vie. Avec leurs problèmes. Ils m’ont donné envie de mobiliser la puissance que nous avons sur les réseaux sociaux pour parler de politique à ceux qui n’en parlent jamais. Je me suis donné une seule règle, qui est d’échanger avec tous les candidats de la même manière, sans préjugé. Je laisse mes goûts et mes dégoûts à la maison.

Vous alternez les moments où vous êtes «embarquée» avec les candidats, leur entourage, leurs militants, et les moments d’interview. C’est un exercice inédit pour eux. Comment êtes-vous parvenue à les convaincre ?

Mon but est de sensibiliser au vote, de vulgariser la politique et de la rendre plus accessible. Il y a une souffrance depuis deux ans avec la covid. Les gens ont besoin d’être proches de leurs dirigeants. La proximité, c’est important. En réalité, mes vidéos sont d’utilité publique. Tant mieux pour les politiques qui le comprennent. Tant pis pour les autres ! Quand on est président ou présidente de la République, on l’est pour tout le monde. Le talent ou la compétence même d’un candidat ou d’une candidate est de savoir s’adresser à nous, les «petits» de la politique. Nous qui nous désintéressons des politiques, qui ne votons pas pour eux, parce qu’au fond, nous avons cessé de les comprendre.

En résumé, ce n’est pas à vous de commencer à parler comme eux, c’est à eux de parler comme vous.

Exactement ! Pour moi, c’est la règle d’or ! C’est aux politiques d’avoir cette intelligence supérieure à la mienne – je n’ai pas honte de le dire –, qui consiste à s’adapter à moi et à ne pas me mépriser. Je vais même aller plus loin ! Bien sûr, c’est un honneur et une fierté pour moi d’avoir le privilège de m’entretenir avec eux. Mais c’est aussi un privilège et un honneur pour eux qu’on leur permette de nous parler. Nous sommes tous égaux. 

Vous dites souvent que vous souhaitez devenir ministre des réseaux sociaux. Certains disent que vous avez un agenda politique. Que leur répondez-vous ?

On s’est beaucoup demandé si j’étais légitime ou si j’étais téléguidée par Cyril Hanouna. J’ai fait ça seule ! Et je suis légitime… puisque je le fais ! Je dis souvent que je veux être la ministre des réseaux sociaux. Parce qu’il y a deux combats à mener. Le premier, et je l’ai dit à Bruno Le Maire, c’est qu’on a besoin d’encadrer le travail des influenceurs. Chez Shauna Events, nous ne faisons plus de publicité pour le trading ni pour les cryptos. Nous avons appris de nos erreurs. Mais cela nous pénalise par rapport à nos concurrents. Nous ne pouvons pas être les seuls à suivre des règles ! Le deuxième, c’est qu’on a besoin de règles sur les réseaux sociaux. Il est très simple de tuer la réputation de quelqu’un. En tant que femme, je suis harcelée en permanence. Peut-on tolérer que les réseaux sociaux soient une deuxième justice ou un tribunal permanent ? Ne pas agir, c’est totalement inconscient.

Vous n’êtes pas journaliste. Comment faites-vous pour gérer la langue de bois des candidats ?

Je pars du principe que, quand je pose une question et que le candidat répond à côté, tout le monde peut le voir. Je mise sur l’intelligence des gens. Il n’y a pas besoin d’être agressif pour obtenir cela. Quand un candidat n’est pas agressé, il donne plus, et on peut le voir différemment. Une démarche bienveillante dégage d’autres attitudes, d’autres réponses. Et c’est là que les choses peuvent changer. 

Avec votre ton direct et la proximité avec les politiques, on compare votre émission sur YouTube à Ambition intime de Karine Lemarchand, sur M6. Qu’en pensez-vous ?

Je dirais que moi, je ne reste pas planquée dans mon canapé ! Je passe 24 heures avec les candidats, en campagne ! Je les suis partout. Et je ne leur pose pas de question sur leur intimité. Cela ne m’intéresse pas du tout. Je réserve un moment pour les entretiens, au début et à la fin. Parce que j’ai besoin de passer du temps, de rencontrer des gens, pour savoir quelles questions je peux poser. Quand j’ai suivi Marine Le Pen, par exemple, j’ai rencontré deux militants homosexuels qui étaient venus de loin et voulaient connaître ses positions sur le mariage pour tous. J’ai posé la question à Marine le Pen. Elle a répondu. La politique, pour moi, c’est ça. Un échange.

« C’est aussi un privilège et un honneur pour eux qu’on leur permette de nous parler. Nous sommes tous égaux.» 

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