Tribune

Alors qu’en 2017, Emmanuel Macron rêvait d’un pays des licornes où le développement des entreprises numériques propulserait la France au niveau d’une start-up nation, que reste-t-il de ce rêve ? Les jeunes start-up ont encore beaucoup de mal à se financer.

Il y a tout juste cinq ans, le président de la République voulait faire de la France une start-up nation avec un projet ambitieux : 25 licornes d’ici 2025. Le pari est remporté haut la main car en janvier 2022, la France célébrait la naissance de la 25e entreprise valorisée à plus d'un milliard de dollars. Or, malgré le boom technologique et l’émergence des nouvelles sociétés numériques, le marché français reste restreint par rapport à nos voisins allemands ou britanniques. La France accélère, certes, mais c’est aussi pour rattraper son retard.

De même, plus de 40% des levées de fonds en 2021 l’ont été par 15 sociétés et ce sont des séries B et C, c’est-à-dire des entreprises solides et déjà établies. En revanche, le nombre d’investissements dans de jeunes projets a baissé. L’idéal serait que des sociétés moins importantes aient accès à du financement car on est encore très loin du nombre de licornes américaines, et même britanniques.

Ce décalage avec le monde anglo-saxon est à chercher dans le comportement des investisseurs français. En effet, ils sont peu nombreux à participer dans des projets émergeants ; les start-up qui démarrent ont souvent du mal à convaincre les business angels, plus frileux que les investisseurs américains. La solution serait donc de chercher du financement à l’étranger. Mais là, les entrepreneurs se heurtent à un blocage culturel et économique. Les investisseurs étrangers ne veulent pas prendre le risque de placer leur argent dans un environnement dont ils ne maitrisent pas forcément les codes. Il est donc essentiel d’accompagner les start-up dès leur démarrage, mais pour cela, il faudrait transformer le marché français.

Complexité administrative

Face à la méfiance des investisseurs pour financer les jeunes projets, les entrepreneurs se tournent vers les aides publiques : le rôle joué par la BPI est donc très important. Or, malgré certains dispositifs mis en place par le pouvoir public, les jeunes pousses peinent encore trop souvent à lever des fonds. Les aides publiques rassurent, certes, mais il s’agit davantage de couverture de factures que d’argent frais pour se développer comme le ferait un business angel quand il investit dans une société.

La complexité administrative en France bloque encore trop souvent les jeunes entreprises qui ne savent pas à quoi on a droit ou comment constituer le dossier. Aller jusqu’au bout du processus est devenu presque un métier à temps plein. Malheureusement, on n’a pas l’environnement du capital-risque des Américains, qui prennent plus de risques car c’est dans leur culture.

Pour sortir de cette impasse, il faudrait faciliter l’accès aux crédits et aux facilités financières pour avoir accès aux investisseurs au bon moment. En France, il y a un gros vide dans le financement des projets jusqu’à un million d’euros. Il faut que nos investisseurs français sortent de cet entre-soi très parisien où ils se financent entre personnes du même sérail. On ne peut pas avoir un boom du tissu économique de start-up si les investisseurs financent toujours le même type de sociétés. Il ne faut donc pas hésiter à aller regarder à l’international. Les projets franco-français sont compliqués car nous sommes un petit marché. Ce n’est pas grave si une entreprise française confie une partie de son capital à des investisseurs internationaux et qu’à la fin, le fondateur est le seul Français restant.

Changer le statut de l’entrepreneur

Pour accélérer le développement des jeunes pousses, il est également important de changer le statut de l’entrepreneur en France. Quand vous êtes chef d’entreprise mais pas salarié, votre situation financière, aux yeux d’une banque, n’est pas claire. Et ce n’est pas normal. Si vous n’avez pas de fiche de salaire, impossible de louer un appartement ou prendre un crédit auprès d’une banque. Un environnement défavorable complique les choses.

En France, nous avons encore trop souvent cette vision qu’un entrepreneur qui réussit, c’est un chef d’entreprise qui a levé beaucoup de fonds. Cependant, n’oubliez pas que quand vous offrez une partie de votre capital à des investisseurs, votre entreprise vous appartient de moins en mois. Il faut continuer à encourager les grands acteurs économiques car ils créent de l’emploi, mais il faut aussi soutenir des petites structures car, même si elles vont moins vite, ce sont elles qui recrutent et font tourner l’économie.  

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